La Villa, entre mélancolie et lucidité

villa-entre-melancolie-luciditeAffiche du Film

Alors que leur vieux père est gravement malade, Armand, Joseph et Angèle se retrouvent sur la terre de leur enfance: la célèbre calanque de Méjean, à Marseille. Au gré de leurs souvenirs, ils partagent leurs rancoeurs, leurs regrets et leur joie de se retrouver.

Un huis-clos familial et social

En toile de fond de ce récit familial se tissent les maux de notre société. Enfants et parents, frères et soeurs ont parfois du mal à se comprendre. Ceux qui sont restés, qui s’accrochent tant bien que mal aux souvenirs de leur quartier ouvrier, animé par le bruit des enfants et l’agitation des pêcheurs, reprochent à ceux qui sont partis d’avoir eu de trop féroces ambitions, d’avoir cédé à l’attraction d’un monde nouveau qu’ils ne comprennent pas.

Les trajectoires familiales s’entrechoquent. Ce jeune médecin, qui ouvre laboratoire sur laboratoire, et qui prévoit de s’expatrier à Londres en raison de la faiblesse des “charges” sociales, se heurte à la condition précaire de ses vieux parents, incapables de faire face à l’augmentation démesurée de leur loyer. Armand, qui a repris le petit restaurant devenu désert de son père malade, fait face à Angèle, qui mène depuis 20 ans une vie d’artiste de comédienne parisienne.

Finalement, Guédiguian montre des personnages et une société en perte de repères, qu’il faut reconstruire. Hormis le jeune pêcheur qui s’essaye au théâtre, tous ont perdu leurs illusions passées. C’est finalement en renouant avec leurs origines, la famille et l’amour qu’ils vont retrouver le chemin de l’espoir.

Refugees: welcome !

La découverte de trois enfants, terrés dans les hauteurs des calanques, frigorifiés et affamés, est l’occasion pour Guédiguian de parler de l’accueil des réfugiés. Naturellement, tous les personnages nourrissent et hébergent ces enfants orphelins, muets, dont on ne connaît ni les noms ni la langue. Seul un timide shoukrane, prononcé en catimini, laisse supposer qu’il s’agit de réfugiés syriens.

Cette générosité spontanée se heurte à une dure réalité, puisque des militaires rôdent pendant plusieurs jours pour tenter de retrouver les rescapés du naufrage d’un bâteau chargé de réfugiés. Tôt ou tard, il faudra certainement livrer ces enfants aux autorités, qui les orienteront vers un centre d’accueil marseillais. Ils seront alors renvoyés comme nombre d’entre eux dans leur pays d’origine, ou admis dans un orphelinat.

Chacun est conscient que ces échanges, ce repos et cette chaleur humaine font partie d’une courte parenthèse, d’un simple moment de répit avant des temps plus sombres.

Un excellent Guédiguian toujours en quête d’idéal…

Car le vrai personnage du film semble en fait être la calanque de Méjean. Elle contemple Marseille, enveloppe les personnages comme un cocon qui tantôt enferme les personnages, tantôt les protège et leur permet de se retrouver. A chaque plan, on sent Guédiguian émerveillé par la calanque qu’il a choisie, par sa vue sur la mer et sur Marseille, à la manière d’une déclaration  au paysage qui l’a vu naître, grandir, se découvrir, vieillir.

Entouré de ses amis, des acteurs avec qui il aime faire du cinéma, Guédiguian est chez lui et questionne la vie à l’écran. Comme s’il estimait que le temps est venu pour lui d’en faire le bilan. Armand, Joseph, Angèle et les autres oscillent entre mélancolie et émerveillement, entre désillusion et espérance. Et ce sont les enfants, apparaissant dans la deuxième moitié du film, qui vont leur donner les clés pour aller de l’avant.

De la même manière, le spectateur est emporté dans un tourbillon d’émotions multiples mais jamais contradictoires: le plan d’avant, on était bouleversé par le drame qu’a vécu Angèle et qu’on ne dévoilera pas. Le plan d’après, on est émerveillé de la voir déclamer du Claudel en regardant l’horizon. Guédiguian nous embarque, par des dialogues incisifs et des plans soignés, et on se questionne avec lui. Car les doutes de ses personnages se transforment en exigence: une exigence de vérité, d’humanité, de simplicité, de ré-invention, par laquelle la quête d’idéal commence, mais ne s’arrête jamais…