Venezuela : qui veut réellement un coup d’État ?

Manifestation du PSUVManifestation du PSUV CC0 | Domaine Public

« Au Venezuela, il n’y a pas eu de coup d’État. La majorité des Chiliens a une expérience dramatique de ce qu’est un coup d’État. Le Venezuela n’est pas une dictature. »

Ces paroles du Parti communiste du Chili résonnent fortement alors que, dans la plupart des médias aux mains de grands groupes, les pires accusations sont proférées – de façon totalement irresponsable – à l’encontre du pays de la Révolution bolivarienne.

La crise politique actuellement en cours au Venezuela provient des fortes tensions entre le gouvernement bolivarien et l’opposition de droite. En effet, le pouvoir exécutif est assuré par le président Nicolás Maduro, tandis que l’Assemblée nationale est contrôlée par l’opposition depuis les élections de décembre 2015, une première depuis 1999 et l’arrivée au pouvoir d’Hugo Chávez.

Cette victoire de l’opposition se produit dans un contexte difficile pour les forces de progrès en Amérique latine, confrontées à la crise économique mondiale – et plus particulièrement à la baisse des cours des matières premières – ainsi qu’à l’agression permanente des bourgeoisies nationales et de l’impérialisme.

Dans ce contexte, quelques jours seulement après la victoire de la droite aux élections présidentielles argentines, et alors que se tramait le processus d’impeachment contre Dilma Rousseff au Brésil, l’opposition vénézuélienne pensa que son jour était enfin arrivé.

C’est ainsi que, dès sa prise de fonctions, le nouveau président de l’Assemblée, Henry Ramos Allup, annonça la couleur en déclarant qu’il ferait tomber Maduro en six mois. Sa première décision avait été de faire retirer les portraits de Chávez et même ceux du libertador et héros national Simón Bolívar…

Dès sa prise de fonctions, le nouveau président de l’Assemblée, Henry Ramos Allup, annonça la couleur en déclarant qu’il ferait tomber Maduro en six mois.

L’opposition ne voit donc pas l’Assemblée comme une institution où écrire et faire voter des lois utiles au pays, mais comme un lieu d’agitation visant à perturber le fonctionnement du gouvernement.

Une crise forgée par l’opposition

C’est ce qui faut avoir à l’esprit pour comprendre la crise actuelle au Venezuela. Le déclencheur a été l’émission par le Tribunal suprême de justice (TSJ), le mercredi 29 mars, d’une sentence déclarant que la salle constitutionnelle du TSJ assumerait directement les compétences parlementaires « pendant que persisterait la situation d’outrage et d’invalidité des agissements de l’Assemblée nationale ».

Le TSJ considère en effet que les actions de l’Assemblée ne sont plus valides, depuis que celle-ci a accepté d’intégrer trois députés amazoniens dont l’élection avait été annulée, étant accusés d’avoir commis plusieurs irrégularités au cours de leur campagne électorale, dont l’achat de votes.

Comme l’écrit Juan Carlos Monedero, dirigeant du parti espagnol Podemos, « si les députés de l’opposition le voulaient, l’outrage disparaîtrait immédiatement » si ceux-ci acceptaient de ne pas inclure les trois députés mis en cause, « mais il est beaucoup plus rentable pour eux de continuer à offrir de fausses unes à la presse internationale ».

Ce blocage volontaire a toutefois de graves effets sur le pays, certaines décisions devant obligatoirement être approuvées par le parlement, notamment en matière économique. Mais comment faire approuver celles-ci lorsque l’Assemblée n’est pas valide ?

Mais comment faire approuver celles-ci lorsque l’Assemblée n’est pas valide ?

C’est la question qui s’est posée récemment, lorsque l’entreprise pétrolière publique PDVSA a voulu former des entreprises mixtes, dont la création doit être autorisée par les parlementaires. Question urgente dans le contexte actuel de crise économique et qui a été à l’origine de la décision du TSJ du 29 mars.

Les cris d’orfraie de l’opposition de droite ne doivent donc tromper personne. Ce nouvel épisode fait partie de sa stratégie de pourrissement et de provocation, qui se développe dans les institutions, les médias nationaux et internationaux, l’économie et la sécurité.

L’annonce du « coup d’État » a en effet servi – encore une fois – de prétexte à des manifestations violentes, s’en prenant à tout ce qui « sent le gouvernement » et notamment au siège du TSJ dans la ville de Chacao.

L’annonce du « coup d’État » a en effet servi – encore une fois – de prétexte à des manifestations violentes

Cette « instauration de la dictature » n’aura toutefois été que de courte durée, le TSJ annulant ses décisions controversées le 1er avril, après les critiques de la Procureure générale, Luisa Ortega Díaz, pourtant proche du gouvernement, et la demande en ce sens exprimée par le Conseil de défense de la Nation, organe consultatif regroupant les plus hautes autorités du Venezuela, dont le président de la République.

Le rôle de l’Organisation des États américains (OEA)

L’utilisation par l’opposition du terme de « coup d’État » n’est pas innocente mais vise, comme le dénonce Óscar Figuera, secrétaire général du Parti communiste du Venezuela, à « construire un courant d’opinion qui serve à l’impérialisme nord-américain, au secrétaire général de l’OEA et à l’ultra-droite internationale » pour frapper le pays.

En effet, alors que l’OEA est restée silencieuse face à la destitution illégale de la présidente Dilma Rousseff en août 2016, son secrétaire général, l’Uruguayen Luis Almagro, cherche à tout prix à faire appliquer des sanctions contre le Venezuela, multipliant les attaques les plus brutales à son encontre, appelant ouvertement à un changement de gouvernement.

Parallèlement à l’offensive des États-Unis sur le plan financier, Almagro et plusieurs gouvernements du continent mènent l’attaque sur le plan diplomatique. Le 4 avril dernier, au cours d’une réunion extraordinaire qualifiée d’illégale par la Bolivie, le Nicaragua et le Venezuela, le Conseil permanent de l’OEA a approuvé une résolution dénonçant « l’altération inconstitutionnelle de l’ordre démocratique ».

En faisant ainsi, l’OEA renoue avec sa fonction historique de relai de la politique états-unienne dans le continent, ou comme l’écrit le président bolivien Evo Morales, de ministère des Colonies, en alliance avec les gouvernements de droite.

L’OEA renoue avec sa fonction historique de relai de la politique états-unienne dans le continent, ou comme l’écrit le président bolivien Evo Morales, de ministère des Colonies.

Loin de mener au dialogue, l’attitude de l’OEA ajoute en effet de l’huile sur le feu, ouvrant la voie à la confrontation violente et à des ingérences extérieures toujours plus ouvertes.

Face à la crise, le socialisme reste l’avenir

La crise au Venezuela est réelle et le mouvement bolivarien porte sa part de responsabilité. Mais la solution à cette crise ne peut en aucun cas provenir de l’ingérence et de l’impérialisme, mais doit être trouvée de façon souveraine par le peuple vénézuélien, à travers le dialogue entre le gouvernement et l’opposition, et la (re)mobilisation des classes populaires, qui sont le véritable moteur du changement historique.

Quinze ans jour pour jour après le coup d’État de 2002 mené par la droite et soutenu par les puissances impérialistes, ceci est plus vrai que jamais.

Comme l’affirme Rodrigo Cabezas, vice-président du PSUV (Parti socialiste unifié du Venezuela, fondé par Chávez) en charge des relations internationales :

« Disons-le avec force, la droite néolibérale d’Amérique latine et des Caraïbes fut le passé, est le passé et n’a rien à offrir, elle n’a pas d’avenir. Notre projet de société est humainement supérieur. En luttant pour l’égalité substantielle en droits, elle veut assurer une vie pleine en dignité et en sagesse à l’espèce humaine. Cependant, comme notre socialisme ne vient pas du passé, n’est la copie ni le calque d’aucune expérience, nous affirmons comme le commandant Hugo Chávez que « notre socialisme est une recherche » et nous assurons ainsi qu’il ait un avenir, qu’il soit l’avenir.»

Par Rédaction

Collectif de rédaction d'Avant Garde