Travail détaché, fausse victoire sur fausse bataille

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Depuis hier soir dans la nuit, le gouvernement répète à qui veut l’entendre qu’il a remporté une grande victoire en obtenant une révision de la directive européenne sur le travail détaché.

La directive européenne sur le travail détaché

Cette directive qui date de 1996 vient compléter un arsenal législatif qui vise à faire de l’Union Européenne une zone économique unique dans laquelle le capital peut librement circuler et exploiter.

Cette directive vient donc permettre à une entreprise d’envoyer ses salariés dans un autre pays sans en respecter l’ensemble de la législation pour une durée temporaire. Dans la théorie les contrats de travail des salariés doivent respecter l’ensemble de la législation du pays d’accueil. A l’exception des cotisations sociales qui sont celles du pays d’origine et non celles du pays d’accueil.

Dans la pratique les abus sont nombreux. Non seulement de nombreux salariés ne bénéficient même pas de la législation national mais en plus la directive est actuellement insuffisamment protectrice. Elle ne prévoit ainsi que le respect du salaire minimum légal, et non celui prévu par les accords de branche. Ce régime sert également à abriter des travailleurs en réalité non déclarés.

La directive est depuis quelques années régulièrement pointée du doigt, accusée de favoriser le “dumping salarial”.

Une directive modifiée

Macron avait fait de la modification de cette directive une promesse de campagne. Il s’était notamment engagé sur une limitation dans le temps à un an, de cette possibilité de détachement.

Il avait surpris les habitués des instances de l’union européenne en refusant un premier compromis en juin dernier. Plusieurs pays, essentiellement de l’Est, ont une part importante de leur population qui est salariée ailleurs dans l’UE sous ce régime. Ils refusaient toute modification de la directive qui nuirait à leurs compatriotes.

Hier soir, le compromis adopté est loin d’être la victoire présentée par Macron. Certe le temps de détachement est désormais limité à 12 mois (prolongeable de six mois sur demande de l’employeur), mais la durée moyenne du détachement en France est de 33 jours…

La rémunération devra désormais être égale à celle constatée sur un même poste et un même lieu de travail. Les cotisations sociales, ne sont elles toujours pas concernées, ce qui fait perdurer la concurrence entre les salariés.

L’amélioration des échanges d’informations entre Etats pour lutter contre la fraude ressemble à un voeu pieu quand on sait que la Pologne, premier pays fournisseur de travailleurs détachés, a voté contre le texte.

Enfin le transport routier a été exclu de l’accord sous pression de l’Espagne, alors qu’avec le transport international, c’est un secteur particulièrement concerné.

L’exploitation nationale d’abord

Le parti du Président de la République n’a pourtant pas hésité à fanfaronner de sa victoire tout au long de la journée. Ces fanfaronnades oublient pourtant l’un de principal aspect de l’accord trouvé hier soir.

La nouvelle directive ne s’appliquera au mieux que dans quatre ans.

Ces fanfaronnades oublient également que le travail détaché bien que très présent dans certains secteurs de l’économie comme le BTP ne représentent au final que 0,7% des emplois. S’il s’agit pour un certain patronat d’une source substantielle de profit, il est loin d’être un enjeu majeur de la bataille de l’emploi.

A l’inverse le gouvernement ne semble pas particulièrement motivé à lutter contre la fraude et le travail illégal. Le renfort des effectifs de l’inspection du travail ne semble pas être une priorité. Il semble ici que le Président de la République ait cédé à la désignation de l’étranger comme bouc émissaire.

Il est plus facile de montrer du doigt le salarié polonais que le patron français qui l’emploie. Plus simple d’obtenir une modification qui ne change rien sur le fond que de dénoncer l’esprit de la directive qui demeure, à savoir une mise en concurrence des salariés de l’Union Européenne.

Les ordonnances sur le code du travail en permettant de déroger aux accords de branches et donc en organisant un dumping salarial sur le même territoire national, aura probablement plus d’effet sur le travail détaché que la nouvelle directive.

Par Rédaction

Collectif de rédaction d'Avant Garde