Transalpine Lyon-Turin : un projet prioritaire

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C’est en 1991 que l’idée d’un tunnel ferroviaire de basse altitude entre Lyon et Turin, dit « tunnel de base », est pour la première fois mise sur la table. 

L’idée de départ était celle d’une ligne à grande vitesse pour les voyageurs utile à 19 millions de passagers par an. Très vite, à la suite de la Convention alpine, traité international pour le développement durable des Alpes et la sauvegarde de l’écosystème, l’idée d’élargir le projet au transport de marchandises apparaît.

Dans le cadre d’un projet européen d’amélioration des connexions entre Europe de l’Est et de l’Ouest, la transalpine Lyon-Turin est retenue en 1994 lors d’un sommet des chefs d’État européens parmi les 14 projets prioritaires.

Cependant, près de 30 ans plus tard, le projet accumule un retard non négligeable et le rapport du Comité d’orientation des infrastructures (COI) du 24 février, préconisant de repousser la construction de nouvelles voies d’accès au tunnel à 2045, ne va rien arranger à la situation. 

La France rechigne à investir

L’État, censé officialiser le choix de ses tracés à la fin mars 2022, est sous le coup d’un report de ses subventions européennes en 2027 pour la partie française du tracé, Bruxelles et Rome étant agacés de voir Paris à la traîne.

Avec 10 km déjà percés sur les 57,5 que devra compter le tunnel pour sa mise en service en 2030 et les travaux d’accès déjà en cours côté italien, la France invoque de plus en plus de raisons pour repousser le projet. En tête de gondole : le coût des investissements. 

26 milliards d’euros au total, dont 8,3 milliards pour le tunnel international. Mais tout ne revient pas à la France. Ni les accès italiens, ni la majorité du financement du tunnel : l’Union européenne se dit prête à financer 55 % et l’Italie 28 %. De plus, l’UE annonce son intention de régler la moitié des travaux d’accès en France.

Si l’on s’en tient à ce que prévoyait la Déclaration d’Utilité Publique (DUP) de 2013, le « reste à charge » pour la France serait de l’ordre de 10 milliards d’euros. À titre indicatif, les travaux d’extensions du métro en Île-de-France ont coûté près de 50 milliards d’euros.

Un double intérêt

Une fois en activité, les apports de cette ligne au trafic transalpin seront doubles. 

Premièrement, concernant le transport de voyageurs, la possibilité de relier Lyon à Turin en 2 h (contre 5 h aujourd’hui) ou encore Paris à Milan en 3 h (comptez entre 8 et 9 h actuellement) est plus que séduisante comme le déclarait la SNCF en février 2021. Cela donnerait aussi aux voyageurs une alternative plus économique et écologique à l’avion ou à la voiture, aujourd’hui privilégiés pour rejoindre la capitale piémontaise.

Le deuxième apport, et non le moindre, est celui du transport de marchandises. À ce jour, 44 millions de tonnes de marchandises traversent l’arc alpin occidental chaque année, dont 85 % par la route. Les promoteurs du projet estiment que 22 millions de tonnes pourraient passer par le Lyon-Turin régulant ainsi le trafic routier dans les vallées alpines, actuellement destructeur pour la biodiversité locale.

S’il est vrai que le projet porte un coût écologique immédiat, les travaux de forage n’étant pas sans conséquences, les bénéfices sont plutôt à chercher sur le long terme. 

Augmenter la part du ferroviaire dans les transports

Comme le déclarait en 2020 Antoine Fatigua, responsable à la CGT Transport, concernant le tracé français : 

« Penser l’avenir, ce serait plutôt envisager dès aujourd’hui une ligne mixte sous la Chartreuse et Belledonne pour concurrencer l’avion plutôt que de gaspiller de l’argent dans des bricolages qui ne seront jamais au niveau de l’objectif des trente millions de tonnes et d’un report massif des marchandises sur le rail. »

Pour Grégory Moser (CGT Cheminot Lyon), « il ne s’agit pas seulement d’un souterrain sous les Alpes, mais bien d’un ensemble d’aménagements dans le Rhône, en Isère et en Savoie qui moderniseront significativement le réseau ferroviaire alpin. »

L’enjeu est crucial : la France a vu sa part modale du ferroviaire dans le transport de marchandises descendre à 10 %, contre 16 % pour la moyenne européenne, d’après un rapport de l’Autorité de Régulation des Transports de juillet 2022.

Le projet de transalpine Lyon-Turin se veut être le moteur d’une redynamisation du fret ferroviaire en France, en Italie et plus globalement en Europe. 

Cette volonté et l’adhésion historique au projet du comité syndical interrégional regroupant les organisations syndicales de la région Auvergne-Rhône-Alpes et des régions italiennes du Piémont et du Val d’Aoste ont été réaffirmées à l’occasion d’un grand colloque en février 2018.

Il ne reste qu’à espérer que le manque de décisions politiques claires ne vienne pas mettre en péril ces belles ambitions.