Tour d’Italie : Le Giro partira de Jérusalem en Israël

tour-ditalie-giro-partira-jerusalem-israelCapture d'écran clip promotion du Giro

Depuis la présentation officielle à Milan, le 28 novembre dernier, le Giro sera bien le premier Grand Tour cycliste à partir hors d’Europe.

Après Amsterdam en 2010 (Pays-Bas), Herning en 2012 (Danemark), Belfast en 2014 (Irlande du Nord) et Apeldoorn en 2016 (Pays-Bas), le Tour d’Italie va une nouvelle fois s’élancer hors de ses frontières mais pour une destination encore plus lointaine et inattendue : Israël. Ce départ bien qu’étonnant s’explique pour plusieurs raisons.

Raconter des histoires

Dans une volonté de concurrencer le Tour de France, le Giro veut marquer le coup en partant hors d’Europe .

«On espère inspirer les autres, raconte le directeur de RCS Sport, Mauro Vegni, organisateur de l’épreuve. C’est important pour l’internationalisation du cyclisme. Avec le Giro, on aime raconter des histoires, comme on a raconté l’histoire de l’Italie avec celui du centenaire. On va même recommencer cette année avec la suite du parcours.»

Ce grand départ sera aussi l’occasion de rappeler l’histoire de Gino Bartali. Le champion italien a été reconnu « Juste parmi les nations » en 2013 pour sa participation à un réseau de sauvetage des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.

La diplomatie

Le sport, éternel outil de domination et politique ne semble pas dans ce cas échapper à la règle une nouvelle fois malgré les déclarations rassurantes de Mauro Vegni

« Nous ne voulons absolument pas passer un message politique. Nous faisons du sport, du cyclisme, et c’est une opportunité pour nous. Stop. Rien de plus. Il n’y a rien de politique. […] J’espère que le Giro sera traité comme un événement sportif, également par les Palestiniens »

Preuve du message politique, lors de la présentation du parcours, les organisateurs ont fait référence à «Jérusalem-Ouest» comme ville-départ de cette 101e édition. Le gouvernement israélien a vite réagit : «à Jérusalem, la capitale d’Israël, il n’y a pas d’est ou d’ouest. il n’y a qu’un seul Jérusalem unifié», ont déclaré, dans un communiqué, les ministres des Sports Miri Regev et celui du Tourisme Yariv Levin. Israël a même un temps menacé la course rose de retirer sa participation de l’épreuve avant que l’organisation depuis peu se plie aux exigences du gouvernement israélien.

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Capture d'écran clip promo du Giro

Ce départ pose également le problème de la participation de 2 équipes World Tour : Bahrein-Merida et UAE.  En effet, les 2 États (Bahrein et les Émirats Arabes Unis) ne reconnaissent pas l’État d’Israël. Sur ce sujet, Mauro Vegni est plutôt confiant sur l’issue de ce conflit

«Les discussions sont en cours, et pour l’instant, nous n’avons pas eu de contestation de la part de ces équipes. De toute façon, Israël est reconnu par l’UCI et par le CIO.».

Aujourd’hui, Jérusalem reste toujours séparée en deux mais Israël encourage la colonisation de Jérusalem-Est, en construisant des logements dans la ville et la banlieue, ou en favorisant l’installation de juifs orthodoxes dans plusieurs quartiers afin d’organiser un « mitage territorial » des quartiers arabes et d’empêcher la continuité entre Jérusalem-Est et le reste du territoire palestinien en Cisjordanie. La reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël par Donald Trump, le 6 décembre dernier a permis de contenter une demande ancienne d’Israël, sans évoquer les revendications des palestiniens. Pour la majorité de la classe politique israélienne, ce revirement n’est que la correction d’une injustice historique.

Cette épreuve de renommée et de portée mondiale (diffusion dans 171 pays) est l’occasion rêvée pour Israël de se montrer aux yeux du monde entier sous son plus beau jour et revendiquer Jérusalem comme «indivisible et éternelle» niant l’occupation de Jérusalem-Est après la guerre des Six Jours en 1967.

Le développement du cyclisme et un budget hors normes

Le football et le basket sont rois en Israël. Les autres disciplines ont du mal à exister, sauf certains événements comme le marathon de Jérusalem. Dans les rues, on se déplace beaucoup à vélo mais la quasi-totalité de la population ignore ce qu’est le Giro.

Ce serait un énorme élan pour le cyclisme israélien.  Ce départ pourrait être une bonne occasion pour l’équipe continentale Israël Cycling Academy fondée en 2015 de se voir attribuer une wild card , fin du suspense en janvier prochain. Un vélodrome est en construction à Tel Aviv, avec livraison prévue en 2018.

Les grands départs de Grands Tours coûtent de plus en plus chers pour les villes hôtes (4M€ pour Utrecht et le Tour de France 2016, 5M€ pour Düsseldorf en 2017). Pour Jérusalem et Israël, cela dépasserait les 12 M€, à cause des coûts de logistique et de sécurité. Parmi ces 12M€, 4 iraient directement dans la poche des organisateurs.

Un parcours et un plateau alléchant

Est-ce que Tom Dumoulin, lauréat en 2016 au terme d’une bataille épique avec Vincenzo Nibali, Nairo Quintana et Thibaut Pinot sera présent pour défendre son titre ? Réponse début Janvier, le hollandais hésite sur sa participation avec le Tour.

Chris Froome lui a assuré qu’il sera présent, après un doublé l’an passé Tour-Vuelta qui n’avait pas été réalisé depuis 1978, il va se lancer à l’assaut du club restreint des coureurs (Jacques Anquetil, Alberto Contador, Felice Gimondi, Bernard Hinault, Eddy Merckx et Vincenzo Nibali) ayant réussi l’exploit de remporter les 3 Grands Tours (Giro, Tour et Vuelta).

D’autres grands noms ont déjà confirmé leur présence en mai prochains comme Fabio Aru, Esteban Chaves ou Louis Meintjes. Côté français, Thibaut Pinot après sa 4e place en 2016 n’exclut pas de revenir sur le Giro.

Le parcours en Israël ne sera pas la partie la plus excitante de la course avec un contre-la-montre de 9,7 km dans les rues de Jérusalem-Ouest et 2 étapes pour sprinteurs de respectivement 167 et 229 km.

Il y aura 8 arrivées au sommet et 44,2 km de contre-la-montre au total seront prévus sur le parcours. Parmi ces 8 arrivées au sommet, 4 interviendront lors de la dernière semaine avec lors de la 14e étape, l’ascension du Monte Zoncolan par son versant le plus difficile (10,5 km à 11,5%, max de 22 %) qualifié par Gilberto Simoni de « col le plus dur d’Europe » et un enchaînement de 3 arrivées au sommet dans les Alpes à Prato Nevoso, Jafferau and Cervinia.

Cette édition contrairement aux précédentes se terminera pas par un chrono mais par une parade version Champs-Elysées du Tour à Rome près du Colisée. La course qui offrira 3546 km de lutte intense couronnera l’homme le plus fort en se parant de rose à Rome.