Tik Tok, WeChat, Huawei : les Etats-unis prêts à tout pour garder la domination sur le numérique

rédaction

Les Etats-unis ont prévu l’interdiction d’applications mobiles chinoises dimanche dernier. Si sa mise en oeuvre est complexe, elle s’inscrit néanmoins dans une série de sanctions contre les entreprises chinoises en particulier dans le domaine du numérique. Cette offensive révèle à la fois la défense d’une position de domination des Etats-Unis et la montée de la Chine dans les nouvelles technologiques au point de se passer progressivement des entreprises américaines.

Les Etats-unis sur la défensive pour conserver leur domination

Désormais, pour Donald Trump les applications chinoises sont l’ennemi numéro et menacent la sécurité nationale des Etats-unis, d’après un décret du 6 août. La messagerie WeChat s’est vue interdite dimanche 20 septembre, suite aux restrictions du département du commerce américain. Une juge californienne, Laurence Beeler, a suspendue cette décision temporairement, laissant la messagerie encore téléchargeable et utilisable par les 19 millions d’usagers du pays, après une plainte de l’US WeChat Users Alliance. La messagerie de Tencent, une des plus grandes entreprises technologiques, permet de discuter, de commercer et d’échanger de l’argent. Problème selon Trump : comme la plupart des applications mobiles, elle utilise les données des usagers. Et de là le parti communiste chinois (PCC) est accusé d’espionner les citoyens états-uniens. L’interdiction ne respecterait pas le premier amendement de la constitution américaine garantissant la liberté d’expression, alors que de nombreux citoyens utilisent cette messagerie comme principal moyen de communication.

Autre accusée : l’application Tik Tok, le réseau social très populaire chez les jeunes. L’interdiction de Tik Tok, pour des raisons similaires, est pour le moment suspendue à un éventuel rachat de ses activités par une entreprise états-unienne. L’entreprise chinoise ByteDance est ainsi forcée de vendre son réseau social, sous peine d’interdiction : une méthode de négociation on ne peut plus discutable et unilatérale. Après un refus d’accord avec Microsoft pour le rachat, une alliance entre Oracle et Walmart chercherait à entrer au capital de Tik Tok.

Les téléphones du leader mondial des télécoms, Huawei, sont également attaqués par de multiples sanctions. Les producteurs du monde entier ont maintenant l’interdiction de vendre des puces électroniques à Huawei s’ils utilisent eux-mêmes des composants américains. Or, les fournisseurs de Huawei, comme TSMC, ne peuvent pas se priver de commercer avec les Etats-unis. L’entreprise chinoise risque ainsi d’épuiser ses stocks de semi-conducteurs début 2021… Le partenaire atlantique privilégié de Trump, le Royaume-uni, a également interdit l’achat d’équipement Huawei sur son territoire, sous prétexte de défense de son ex-colonie Hong Kong. Sont également sanctionnées des entreprises de surveillance comme Hikvision ou d’intelligence artificielle comme Megvii.

Le déploiement du réseau 5G fait aussi l’objet d’une campagne politique anti chinoise. Après le relai de théories complotistes sur la 5G qui aurait un lien avec la diffusion du “virus chinois”, ce sont des mesures concrètes d’interdiction des équipementiers chinois qui sont examinées pour pénaliser Huawei, leader de cette nouvelle technologie. D’après le journal Le Monde (7 juin), cette interdiction coûterait 55 milliards d’euros aux opérateurs européens et pourrait faire prendre au moins 18 mois de retard aux pays européens sur le déploiement du réseau aux Etats-unis, un préjudice évalué à 15 milliards d’euros supplémentaires d’ici 2025 par la GSMA. De quoi s’interroger sur l’intérêt pour l’Europe de se ranger derrière Donald Trump dans la guerre commerciale contre la Chine.

L’intérêt pour les Etats-unis de mener une telle offensive anti chinoise se comprend dans la tentative de défendre leur quasi-monopole sur les nouvelles technologies et leur position dominante dans les télécommunications. Pas question selon eux, de laisser Apple ou Microsoft se faire détrôner, alors que les GAFAM américain sont indispensables à l’économie mondiale. La vente forcée des activités américaines de Tik Tok s’inscrit aussi dans la bataille du cloud, puisqu’une entreprise maison serait chargée de stocker elle-même les données des usagers sur le sol américain, plutôt qu’en Chine, à l’heure où le stockage cloud a un poids financier croissant. En revanche, pas question non plus pour les Chinois de vendre leurs algorithmes, qui tendent à devenir les meilleurs dans la suggestion de contenu ou la reconnaissance faciale et vocale.

Les Chinois prêts à s’émanciper des monopoles américain

C’est bien la montée des entreprises chinoises dans la maîtrise des technologies de pointe qui provoquent l’ire de Donald Trump, puisqu’elles menacent la position dominante occupées par leurs consoeurs américaines et permettent peu à peu à la Chine de sortir de leur emprise technologique, payée à grands coûts de brevets.

Si l’interdiction en Chine d’applications américaines suscite beaucoup plus d’indignation que l’inverse, les entreprises tech chinoises sont également bien plus suspectées d’espionnage que les fameux Facebook ou Google utilisés par le monde entier. Les attaques viennent d’un pays, les Etats-unis, qui avaient tout de même mis leur partenaire européen sous écoute et dont l’agence NSA avait été inquiétée par les révélations d’Edward Snowden sur la surveillance généralisée des citoyens américains et étrangers.

La Chine se dote pourtant d’entreprises nationales qui lui permettent progressivement de s’émanciper des Etats-unis dans les domaines du e-commerce (Alibaba) face à Amazon et eBay, des services internet et de téléphonie et du divertissement (Tencent), du moteur de recherche (Baidu), des télécommunications (Huawei)… 

Une menace qui concerne peut-être moins la sécurité nationale que l’intérêt économique et la capacité de contrôle des Etats-unis. Ce phénomène s’insère dans une guerre commerciale et une bipolarisation du monde entre les deux puissances. La maîtrise du numérique est aussi une question qui concerne la France, après les ventes et reventes d’Alcatel, les suppressions d’emploi qui se poursuivent, la privatisation de France télécoms au début des années 2000 et la dépendance croissante à des multinationales étrangères, à leur équipement et logiciels jusque dans la fonction publique française, et à l’heure du déploiement de la fibre optique, de la 4G et de la 5G.

Par Rédaction

Collectif de rédaction d'Avant Garde