Rétablir le service militaire?

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Cet article reflète le point de vue de son auteur et non celui de la rédaction d’Avant-Garde

Le retour du service militaire prend une place de plus en plus importante dans le débat public en France. La Finlande a décidé de la rétablir sept ans après l’avoir abandonné. Dans les moments de montées de tensions impérialistes, une telle décision n’est pas surprenante.

Cependant en France, le débat porte sur un axe différent. La question de la défense nationale n’est pas la principalement invoquée pour rétablir l’encasernement des jeunes. On trouve plus souvent la volonté d’occuper les jeunes avec un verni d’apprentissage de la citoyenneté, des valeurs de la république.

Le service militaire comme projet pour les jeunes

Aujourd’hui le rétablissement du service militaire est limité dans les esprits, à une période d’encasernement des jeunes. Cette période est fantasmée comme un temps de formation des jeunes de France qui aujourd’hui leur ferait défaut. Idée pour le moins dénuée de fondement, les jeunes d’aujourd’hui ont globalement pu bénéficier d’un temps de formation plus long.

Passons sur les critiques réactionnaires de la formation des jeunes. Peut-être ne connaissent-ils pas par cœur la Marseillaise. Ils n’ont probablement jamais levé le drapeau. Il se peut que la litanie des rois de France leur soit étrangère. Cependant toutes ces choses sont de l’idéologie et ne constituent pas la boite à outil dont chaque citoyen a besoin pour comprendre le monde et s’épanouir.

Un citoyen a besoin d’un emploi dans lequel il puisse s’accomplir. Un emploi qui ait un sens, qui permette de vivre, qui permette de se projeter dans l’avenir et sur lequel le travailleur a prise. Les besoins d’un jeune sont les mêmes.

Le service militaire peut-il apporter cela ? Probablement pas.

Quel sens donner à l’encasernement ? Les choix opérés pour la défense nationale française rendent quasiment inutile l’entretien d’un contingent d’appelés.  Le remplacement des militaires de l’opération sentinelle par des appelés ne donne pas plus de sens au service militaire.  Ces patrouilles n’ont pas d’autre effet que de transformer les militaires en cibles, sans effet sur la sécurité du pays.

Les différents scénarios de rémunération ne sont guère réjouissant. Il semble une fois de plus que le SMIC  soit pour les jeunes davantage un maximum qu’un minimum. Il est également peu probable que l’armée réussisse à garantir un avenir aux jeunes du pays passé le temps du service militaire.

Le service militaire comme outil d’insertion des jeunes dans la société, dans la citoyenneté, apparaît être une mauvaise solution à un problème mal défini.

Au-delà du fait que l’armée aura bien du mal à jouer un rôle qui n’est pas le sien. Les jeunes sont aujourd’hui pour partie marginalisé notamment par les difficultés qu’ils rencontrent à trouver un emploi. Cet exclusion de l’emploi est structurelle et n’est pas du ressort des jeunes. Aussi un mois ou un an dans une caserne ne constitue pas une réponse appropriée.

Le service militaire comme projet pour la nation

« Il ne faut pas que le prolétariat brise les machines, mais qu’il s’en empare, il ne faut pas qu’il brise la patrie mais qu’il la socialise. » J. Jaurès

Le monde est aujourd’hui régi par des logiques impérialistes. Partout les bourgeoisies nationales sont à la recherche de nouveaux marchés pour accroître leurs profits. Dans un tel contexte il n’est pas envisageable de procéder à un désarmement unilatérale. La démocratie exige la souveraineté et donc l’indépendance nationale.

Les communistes n’ont jamais été antimilitaristes, pas plus que militaristes. L’objet n’est pas de défendre ou d’attaquer l’armée en tant qu’objet. L’unique enjeu est comment garantir la sécurité des habitants du pays et garantir l’indépendance nationale.

Une fois que la nécessité d’entretenir une force armée est admise comme découlant du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, se pose la question de l’organisation d’une telle force.

Dans l’armée nouvelle, Jean Jaurès propose une réflexion intéressante sur l’organisation de l’armée dans une France socialiste. Il y défend notamment l’idée de la nation en arme. Armer les citoyens permet à la nation de mobiliser la force la plus grande à sa disposition. C’est aussi le seul moyen de s’assurer que l’institution militaire soit au service de la nation.

Deux choses toutefois conduisent à aujourd’hui prendre du recul sur les prises de position de Jaurès. Le service militaire a aujourd’hui disparu et la nature des affrontements armés a profondément changé.

Cependant sa critique d’une armée de caserne conserve un sens. L’armée de caserne est souvent la seule considérée y compris du temps du service militaire. Appelée “l’active” par opposition à “la réserve”. Il faut comprendre qu’il s’agit des soldats qui sont en caserne, qu’ils soient de métier ou de conscription.

Une telle armée n’est pas souhaitable. Pour les appelés, c’est les priver de leur liberté pendant tout le temps d’encasernement. C’est également le risque d’une armée coupée des citoyens qui puisse être retournée contre eux. C’est enfin donner à la bourgeoisie l’outil de ses aventures impérialistes.

A l’inverse de cela Jaurès propose une armée de milices. Les citoyens sont régulièrement appelés à participer à des entraînements après une formation initiale la plus courte possible. Une armée ainsi constituée ne peut pas être retournée contre le peuple, ne participera pas à des guerres impérialistes.

Dans cette perspective, on peut envisager le service militaire. Un service militaire qui ne soit non pas une étape de la vie de l’individu mais qui fasse de la défense nationale l’affaire de tous les citoyens.