Rennes : Faire d’un plateau de jeu un pont vers la solidarité

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Le festival Rennes en jeux avait lieu dans la capitale bretonne ce dimanche 21 janvier. Véritable fête populaire et moment de partage culturel, c’est aussi le fruit d’un engagement militant à recréer du lien social.

A l’extérieur de la Halle Martenot, dans le centre-ville rennais, la file s’allonge, traverse la place des Lices qui n’est habituellement aussi remplie que lors des marchés hebdomadaires ou des libations étudiantes. A l’intérieur, la foule se fait plus dense encore. Il n’y a pas assez de tables, pas assez de bancs pour tout le monde. De partout, cela déborde, on s’assoit par terre, par petits cercles, dans un joyeux brouhaha général. La sécurité incendie tente en vain de maintenir libres les accès aux issues de secours. Qu’un groupe se lève pour aller un peu plus loin, et un autre s’assoit presque immédiatement à sa place.

Ce 21 janvier, le festival Rennes en jeux apporte une vie particulière au grand bâtiment de briques. En tout, 3 300 personnes se sont pressées ce jour-là, entre les piliers métalliques du XIXe siècle et les vieilles tables de salle des fêtes. Partout, familles et groupes d’amis s’affairent autour des cartes, plateaux, pions, dés, jetons, figurines…

Différentes conceptions du vivre ensemble

« Le jeu de société est un grand vecteur de lien social », expliquait Thomas Larcher deux semaines plus tôt, attablé dans un bar du centre-ville. A l’initiative du festival, il présidait déjà une association d’éducation populaire au jeu de société, borderlines. Derrière lui justement, les membres de l’association installent les plateaux de jeu sur une table de bar. Des soirées étudiantes de centre-ville aux maisons de quartier et maisons de jeunesse, l’association utilise ces jeux pour permettre des rencontres, créer des liens entre tous.

Comment vivre ensemble ?, se demandait le grand quotidien catho-centriste Ouest. Le vendredi et samedi 19 et 20 janvier, il lui avait fallu réunir quelques dizaine d’intervenants  dans un centre des congrès flambant neuf pour répondre à cette question, devant un public bien sage de retraités et de cadres sup’, principalement. Durant deux jours, la défense des logiques de profit et quelques considérations citoyennistes n’ont pas dû trop effrayer ce public.

Le lendemain, loin de l’attention du plus gros quotidien, Rennes en jeux montrait simplement, de son côté, comment faire vivre le lien social, entre quartiers, entre générations. Bien loin des gros événements  largement financés par les mairies pour améliorer leur image de marque, ou des milieux culturels proches du parti socialiste, ces volontaires ont su créer des liens entre associations d’éducation populaire, maisons de quartier ou des jeunes, et  les professionnels du jeu de société. « On a voulu faire un festival accessible à tous pour que tous puissent venir », explique Thomas Larcher, qui défend la gratuité de l’événement.

Des sociabilités solidaires et militantes

Loin d’une image dépolitisée de la culture et du vivre ensemble, le festival et leurs organisateurs veulent porter des valeurs d’entraide, de solidarité et  de convivialité, que portent eux-mêmes les jeux qu’ils proposent. « Les gens connaissent le monopoly, mais il y a beaucoup de jeux qui défendent des valeurs positives », argumente le président de l’association porteuse du projet. On les retrouve dans leur propre investissement personnel, tout le temps donné pour donner forme à l’événement, comme l’on donne de son temps à un militantisme, pour défendre ce en quoi l’on croit.

En plus de ce lien social, de cette solidarité, cet engagement vient porter les valeurs de l’éducation solidaire. « On veut démocratiser le jeu pour tous », explique Thomas Larcher, à la fois pour permettre de partager une culture spécifique, mais aussi pour les enseignements pédagogiques que portent ces jeux en eux-mêmes. « On apprend par exemple à gérer sa frustration, poursuit-t-il. Attends ton tour, apprends à perdre… »

Derrière cette bonne humeur générale et contagieuse, il y a des animateurs engagés, des militants bénévoles, qui collaient les affiches sur les panneaux de la ville, qui tiennent la buvette d’où s’étire une longue file. La joie des enfants auprès de leurs grands-parents, les rires des étudiants assis en tailleur, les échanges joyeux entre des groupes qui ne se connaissaient pas quelques minutes plus tôt mettent des visages, de voix sur les valeurs qu’ils défendent, celles d’une société plus humaine, plus sociale, débarrassée des logiques de profits pour simplement vivre joyeusement ensemble.

Par Rédaction

Collectif de rédaction d'Avant Garde