Réforme des retraites : le gouvernement ment, les Sages saccagent

Amado Lebaube | Avant Garde

À l’issue de quelques jours d’un suspens sans surprise, le Conseil Constitutionnel a validé les principales mesures de la réforme des retraites. 

Après une promulgation éclair, les pyromanes de la macronie se sont empressés de faire valoir un discours apaisé, tentant à peine de dissimuler le saccage démocratique auquel ils viennent de procéder. 

Plus de doute, plus de fausses issues, une certitude : plus que jamais, il nous reste la rue.

Une loi validée avec les félicitations du jury

Le vendredi 14 avril, les Sages ont donc pleinement assumé leur rôle d’alliés et de membres de la bourgeoisie en validant l’essentiel du projet de réforme des retraites. L’âge de départ légal sera repoussé à 64 ans, la durée de cotisation passera de 42 à 43 et la plupart des régimes spéciaux seront supprimés.

Afin de faire preuve de nuance et de démontrer l’impartialité ô combien importante du Conseil Constitutionnel, quelques mesures marginales de la réforme ont été rejetées. 

Ce qui n’a pas empêché les conseillers de faire tout de même du zèle : la demande de Référendum d’initiative partagée déposée par les parlementaires de la NUPES a été rejetée, au prétexte qu’elle « se born[ait] à affirmer une limite d’âge qui figur[ait] déjà dans les textes en vigueur ». 

Le cynisme est grand, quand on tient compte du fait que la proposition consistait justement à « affirmer que l’âge légal de départ à la retraite ne peut être fixé au-delà de 62 ans » : l’idée était bien d’aller plus loin que les textes actuels, pour empêcher jusqu’à la possibilité de mettre en place une réforme comme celle imposée actuellement par le gouvernement.

Promulgation éclair

Manifestement pas à une démonstration de mépris près, Emmanuel Macron a promulgué la réforme des retraites avec au moins autant de dignité qu’un voleur : le plus rapidement possible, coupant court à toute discussion, avec inscription au journal officiel au cœur de la nuit de vendredi à samedi. 

La crainte est palpable et nous le savons depuis plusieurs semaines maintenant : l’exécutif est pressé d’en finir.

Dans sa grande générosité, le chef de l’État a tout de même proposé aux organisations syndicales de se rendre à l’Élysée en début de semaine. Proposition que les organisations syndicales ont bien fait de refuser, laissant le président de la République seul avec ses amis du patronat.

Le pyromane appelle à l’apaisement

Face au tollé provoqué par tant de mépris face aux aspirations majoritaires dans le pays, Emmanuel Macron a donné rendez-vous aux Français.e.s lundi 17 avril devant leur poste de télévision pour une allocution de 13 minutes. 

N’exprimant aucun regret sur sa réforme, mais plutôt sur l’incompréhension dont elle a été l’objet, le président a tenu à appeler à l’apaisement national après avoir mis le feu au pays. 

Il promet ainsi 100 jours à la nation pour se réunir, grâce à un ensemble de grands chantiers que nous avons hâte de découvrir, tant ils semblent nous rapprocher du progrès.

Bien évidemment, la population ne s’y est pas trompée : 60 % des Français.e.s souhaitent la poursuite du mouvement par l’intersyndicale, et plusieurs centaines de concerts de casseroles en parallèle de l’allocution ont eu lieu, avec un certain succès.

La pente antidémocratique s’intensifie

La réforme des retraites, passée grâce à tous les dispositifs les plus antidémocratiques de notre constitution, votée nulle part, passe en force malgré son extrême impopularité. 

Sa validation par le Conseil Constitutionnel ne doit être qu’une invitation de plus à identifier dans le fonctionnement même de la Ve République un système à l’avantage exclusif de la classe bourgeoise.

2023 sera ainsi l’année où, en mentant de manière à peine déguisée, le gouvernement et ses sbires auront prétendu avoir toute la légitimité pour priver les Français.e.s de deux années de vie reposantes et libres. Ce sera aussi l’année où, pour faire taire les oppositions progressistes, les capitalistes n’auront pas hésité à leur préférer l’extrême droite antisociale, et à amalgamer la gauche au terrorisme.

Dans son isolement, nos dirigeant.e.s ont aussi accentué la frénésie répressive : les mouvements sociaux ont subi d’importantes violences des forces de l’ordre, et le gouvernement n’a plus de limite pour asseoir son contrôle. Il s’en prend donc à la Ligue des Droits de l’Homme, visiblement trop gênante dans l’observation qu’elle fait de graves attaques au droit de manifester, et au Conseil d’orientation des retraites, visiblement pas assez docile politiquement.

Il nous reste le seul rapport de force qui a toujours été le nôtre : la rue. 

Les syndicats ont d’ores et déjà annoncé que le mouvement contre la réforme des retraites n’était pas terminé. Renforçons donc les cortèges, appuyons la grève générale reconductible pour bloquer le pays, et faisons de la journée du premier une date historique de rassemblement. 

En somme, ne laissons aucun répit au gouvernement et à la classe bourgeoise qu’il sert, commanditaire de cette réforme non seulement inutile, mais d’une violence inouïe à l’égard de celles et ceux qui vivent de leur seul travail.