Réforme du code du travail, Acte 2.

Capture d'écran BFMTV

Macron l’avait annoncé: un an après la mobilisation contre la loi El Khomri il veut à nouveau réformer rapidement et par ordonnances le code du travail. Le contenu précis de cette réforme n’est pas encore connu, mais quelques éléments figuraient déjà dans son programme de candidat. Zoom sur les contours de cette nouvelle bombe libérale.

Droit du travail à la carte

La première des priorités pour le nouveau Président de la République est de “libérer le travail”. En premier lieu il veut parachever l’œuvre du précédent gouvernement en matière d’accords d’entreprise. En bref il veut étendre l’inversion de la hiérarchie des normes en faisant primer les accords d’entreprise sur le code du travail.

Qu’est-ce que la hiérarchie des normes ?

Initialement en France, le droit est organisé de manière pyramidal, de la loi jusqu’au contrat, du général au particulier, pour assurer un socle réglementaire commun de droits.

Ainsi la Constitution cadre la loi qui, elle, régit les rapports au travail. Il faut bien comprendre que les rapports qui sont encadrés sont ceux du salariat. Le droit du travail ne concerne que le travail salarié. C’est donc un cadre général minimum qui s’applique à tous en termes de temps de travail, de salaire minimum, etc. C’est à partir de ce cadre général que peuvent être signés des accords de branches (secteurs d’activité) et les accords d’entreprise à l’échelle de cette dernière. Les dispositions de ces derniers ne peuvent donc être que plus favorables aux salariés que celles de la loi. De la même façon les accords à l’échelle de l’entreprise ne peuvent être que plus favorables que ceux qui ont été signés au niveau supérieur. Ainsi le contrat de travail d’un salarié, lui aussi, ne peut pas être moins favorable qu’un accord collectif.

En quoi cela va-t-il plus loin que la loi travail ?

La loi travail a déjà inversé cette hiérarchie en matière de temps de travail. Autrement dit un accord d’entreprise prime sur une réglementation de niveau supérieur pour ce qui est de la durée du travail.

Macron veut étendre ce principe dans tous les domaines, comme celui des salaires, des conditions de travail ou de la formation  par exemple. Très concrètement, un accord au sein d’une entreprise pourrait fixer une règle inférieure au minima garanti à l’échelle d’une branche d’activité.

C’est donc un droit du travail à la carte que le gouvernement compte nous imposer, différent en fonction de l’entreprise dans laquelle on travaille.

C’est donc un droit du travail à la carte que le gouvernement compte nous imposer, différent en fonction de l’entreprise dans laquelle on travaille. Ce n’est donc pas le travail qui se verrait libérer mais les employeurs qui, à leur guise, pourraient baisser les salaires tout en augmentant le temps de travail. Et si la négociation avec les syndicats aboutissait à un accord minoritaire (donc non applicable), le patron pourrait organiser un référendum dans lequel il disposerait de tous les moyens de chantage et de pression pour contraindre les salariés à l’accepter.

Faciliter les licenciements

Bien sûr, pour que les menaces patronales soient prises au sérieux par les millions de travailleurs, à qui on va demander de renoncer à une vie et des conditions de travail décentes, il faut qu’elles puissent être exécutées.

La crainte la plus légitime de n’importe quel travailleur étant de perdre son emploi, Macron veut donc permettre au patron de licencier comme bon lui semble en plafonnant les indemnités prud’homales.

Cette une vieille revendication du MEDEF, qui se trouvait dans le projet initial de la loi travail et qui en a été retirée grâce à la mobilisation. Ces indemnités sont versées par l’employeur et viennent compenser le préjudice subi par le salarié en cas de licenciement sans “cause réelle et sérieuse”, en clair en cas de licenciement abusif.

Le coût des indemnités prud’homales est donc également un frein au licenciement lorsque celui-ci n’est pas justifié. En tant que ministre, Macron avait préparé le terrain à cette mesure en instaurant un barème indicatif via la loi Macron (2015).

Si les indemnités étaient plafonnées, les employeurs pourraient alors mettre à la porte quiconque, à partir du moment où ils sont assurés d’en avoir les liquidités.

Si les indemnités étaient plafonnées, les employeurs pourraient alors mettre à la porte quiconque, à partir du moment où ils sont assurés d’en avoir les liquidités. Ce que demande le MEDEF et ce que le président veut leur offrir, c’est la possibilité de budgéter les licenciements pour accroître les profits.

Affaiblir la défense et la représentation des salariés

Parmi les obstacles à la toute puissance du patronat, il y a les instances représentatives du personnels, ou des salariés sont élus, en général sous la bannière de leur syndicat. Il en existe de différents types, selon la taille de l’entreprise et selon les prérogatives qu’elles ont en charge.

Dans les entreprises de plus de dix salariés se sont les délégués du personnel, et à partir de cinquante salariés, il y a un Comité d’Entreprise (CE) et un Comité d’Hygiène, de Sécurité et de Conditions de Travail (CHSCT). C’est donc là que se déroulent les négociations entre la direction d’une entreprises et les représentants élus des travailleurs.

Avec tout le mépris pour la démocratie, caractéristique de la classe dominante, Macron propose de tout fusionner en une seule instance, quelque soit l’entreprise. Cela ne peut conduire qu’à un affaiblissement de la représentation et de la défense des intérêts des salariés.

Une fois de plus, sous prétexte de simplification, ce sont des espaces de démocratie en entreprise, conquis de hautes luttes, qui se verraient balayés du revers de la main et placés dans une poubelle unique dont le pouvoir serait moindre. Il n’y a pas d’autre objectif que celui-ci dans cette mesure. On le comprend d’ailleurs très vite quand on recense le nombre de salariés syndiqués qui se voient inquiétés aujourd’hui par leur hiérarchie du fait de leur engagement et de leur candidature aux élections professionnelles.

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Une rentrée de mobilisation ?

S’il n’y a pas un calendrier encore précis pour cette réforme, il est certain que le gouvernement veut aller vite et, si possible, passer en force. Les rencontres avec les dits “partenaires sociaux”ont débuté. Bien sûr les organisations patronales sont aux anges et certaines organisations de salariés restent floues sur les cartes qu’elles comptent jouer.

En revanche, il est évident qu’en cas de passage en force, qui plus est sur le contenu ultra libéral décrit plus haut, une mobilisation d’ampleur sera nécessaire pour faire entendre la voix des salariés et des jeunes qui se préparent à le devenir. La CGT a notamment prévenu, par l’intermédiaire de son Secrétaire Général, qu’une telle mobilisation n’était pas exclue.

Le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, qui n’est visiblement pas encore à la pointe des rouages de la négociation, a prévenu les syndicats récalcitrants qu’ils n’avaient “pas le droit de bloquer la France”. Philippe Martinez, jugeant nécessaire que “les salariés se fassent entendre”, lui a rétorqué :

“Un ministre, il dit ce qu’il veut. Les salariés, ils font ce qu’ils veulent”.

Sans nul doute la rentrée sera chaude.

Par Rédaction

Collectif de rédaction d'Avant Garde