Plan de relance: des miettes pour la culture

CCO Domaine Public

La Culture est l’un des secteurs les plus touchés par la crise sanitaire liée au COVID-19. Au vu de la profondeur de la crise du secteur culturel révélée par le virus, la planification à long terme apparaît aujourd’hui comme seule garante possible d’un soutien réel du service public de la Culture. Le plan de relance du gouvernement trahit quant à lui une logique favorable uniquement aux institutions culturelles à forte attractivité et “rayonnement international”. 

Des emplois précaires fragilisés par la crise 

Selon une étude d’impact du Ministère de la Culture, le secteur du spectacle vivant et musical a enregistré une perte estimée à 72 % de son chiffre d’affaires en 2020, soit 4,2 milliards d’euros. Il s’agit du secteur le plus touché de la Culture, devant le patrimoine qui enregistre une perte de 36%. L’étude indique par ailleurs que “de par son intensité et sa durée, la crise du COVID-19 met à risque les professionnels et emplois du secteur” alors que seulement 10% des emplois du secteur spectacle vivant sont des emplois permanents. Ce chiffre tient en partie au fait que les emplois artistiques et techniques relèvent principalement du contrat à durée déterminée d’usage liés au statut d’intermittent (CDDU). L’on constate cependant que dans les emplois administratifs, les contrats à durée déterminée (à 41%) dépassent les emplois en CDI (à 39%). C’est dans la catégorie “Autres emplois” que l’on relève l’écart le plus important, avec 70% d’emplois en CDD. Ces chiffres permettent d’évaluer la précarité des emplois du secteur et leur fragilité face aux risques posés par la crise actuelle. 

Urgence des mesures pour l’emploi

Malgré l’existence d’une étude d’impact de la crise sur les emplois du secteur, l’existence d’un “plan de relance de la Culture” n’était pas donné pour acquis en sortie du confinement. Dans une lettre adressée au ministre de la Culture, Franck Riester, en avril 2020, Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, et Pierre Dharréville, député des Bouches-du-Rhône et responsable de la Commission Culture du PCF, appuient les revendications des salarié.e.s en faveur d’aides fléchées vers l’emploi dans le secteur culturel. Ils y soulignent la nécessité de mettre en place un vaste plan de soutien à la Culture mettant notamment à contribution les immenses profits des GAFAM, ce bien au-delà des mesures annoncées en janvier 2020 par le ministre. Les mesures pour l’emploi mises en avant par le PCF rejoignent les revendications portées par la Fédération nationale des syndicats du spectacle, du cinéma, de l’audiovisuel et de l’action culturelle – CGT. De fait, il apparaît essentiel à l’heure actuelle de garantir un soutien réel de l’emploi des équipes, technicien.ne.s, artistes, salarié.e.s permanent.e.s, intermittent.e.s, autrices et auteurs de spectacle vivant. 

Aucune contrepartie aux aides de l’Etat

Comme pour les autres secteurs, il semblerait que le plan de relance de la Culture ne prévoit pas de conditions de soutien à l’emploi en contrepartie des aides débloquées aux entreprises. Le 27 août dernier, la CGT Spectacle a rencontré la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot. Dans un communiqué publié à l’issue de la rencontre, la fédération syndicale fait état d’une “absence de certitudes concernant les 2 milliards (du plan de relance de 100 milliards) consacrés à la Culture ». Sans surprise, les mesures annoncées ne semblent pas conditionnées à des aides à l’emploi dans le secteur. La fédération syndicale indique n’avoir toujours aucune certitude quant à savoir si les mesures de relance prévoient des “aides fléchées vers l’emploi des permanent.e.s, intermittent.e.s ou encore autrices et auteurs”. De plus, pour la fédération, à défaut d’une pérennisation d’aides planifiées pour l’emploi dans le secteur, le  “plan d’urgence” ne pourrait guère constituer qu’un “effet de communication” de la part du gouvernement. Dans son intervention au ministère de la Culture, le secrétaire général de la FNSAC-CGT, Didier Gravouil, observe par ailleurs qu’il ne s’agit plus à ce stade de penser des “mesures d’urgence”, mais des mesures adoptées “à long terme pour des mois peut-être des années pendant lesquelles nous allons vivre sous la contrainte imposée par le virus”. A défaut d’une pensée au “long terme”, il paraît notamment impossible d’envisager des politiques de soutien à l’emploi des jeunes en sortie d’études, autre enjeu de taille dans le secteur culturel dans la période actuelle. 

Attractivité et rayonnement, plutôt que création 

Une certaine orientation stratégique semble d’ores et déjà se profiler à l’horizon des mesures de relance du gouvernement. La première mesure du plan de relance ministériel, s’élevant à 614 millions (soit environ 30% de l’enveloppe globale), concerne ainsi “une relance par et pour le patrimoine, alliant activité dans les territoires et attractivité de la France”. Cette mesure révèle d’emblée la grille d’analyse du gouvernement, qui prévoit des aides pour le patrimoine justifiées par “l’attractivité” et donc, les retombées économiques générées par le tourisme. A titre de comparaison et pour mesurer l’écart d’échelle, l’on peut citer l’enveloppe de financement prévue par le Ministère pour soutenir l’emploi artistique : 13 millions (répartis entre le spectacle vivant et les arts visuels) et un plan de commande publique de 30 millions pour donner “un nouvel élan” à la création artistique. Une enveloppe de 206 millions est prévue pour le spectacle vivant subventionné. Sur celle-ci, 126 millions seront consacrés aux  “établissements et opérateurs publics de création (Opéra national de Paris, Comédie Française, Philharmonie de Paris, Palais de Tokyo, etc.) participent de l’excellence artistique et du rayonnement international de la France”. Le gouvernement semble ainsi privilégier les lieux culturels de prestige, associés à “l’excellence artistique” et à “l’attractivité”, vitrines de la culture légitime, généralement concentrés dans la capitale. 30 millions d’euros seulement sont prévus pour le soutien des institutions de spectacle vivant maillant l’ensemble du territoire (structures labellisées et hors label confondues). Celles-ci accueillent pourtant la majeure partie des compagnies artistiques et animent la vie culturelle au plus près des populations. De même, on pourrait s’interroger sur ce qu’il en est des mesures prévues pour les musées ne remplissant pas les critères de “rayonnement international”, d’attractivité et de prestige du gouvernement. On note que celles-ci ne bénéficient même pas d’une mention spécifique dans la grille des mesures de relance du gouvernement pour la Culture.