Parcoursup, même la Cour des comptes démonte la plateforme

CCO Domaine public

La Cour des comptes a livré son premier bilan de la loi ORE qui a mis en place Parcoursup. Si elle ne remet pas en cause le principe de sélection, elle dénonce l’opacité du système.

L’institution du Palais Cambon est principalement connue pour ses interventions sans gants dans le débat public où elle incarne généralement une ligne ultralibérale de réduction de la dépense publique sous couvert d’efficacité. À côté de ses missions de contrôle budgétaire, la cour dispose également d’une capacité à produire des rapports d’évaluation sur les politiques publiques. C’est ainsi qu’elle a rendu son avis sur la loi Orientation et réussite des étudiants (ORE) qui a mis en place la plateforme Parcoursup en 2018.

Un dispositif informatique sans stratégie

Pour les magistrats, la mise en place rapide du dispositif doit être saluée comme un exemple d’efficacité. Cependant, plusieurs remarques sont faites sur le suivi par la suite de la plateforme. Pour la cour, la gestion actuelle de la plateforme manque de moyens et d’une véritable stratégie. Plusieurs problèmes de sécurité non réglés sont pointés du doigt.

L’architecture héritée de la plateforme précédente APB n’a pas été remaniée et son code reste à 99 % fermé. Une opacité qui ne permet pas réellement de comprendre le processus d’affectation, la partie du code publiée ne donnant pas l’ensemble des éléments. Dans la même veine, les données accumulées par Parcoursup ne sont pas valorisées, ni en les rendant accessibles à des tiers dans une perspective de recherche ni par l’administration elle-même. On peut penser à ce titre aux rapports particulièrement lacunaires fournis par le ministère depuis 2018.

Un déficit d’accompagnement des élèves

La cour constate également que la mise en place de la plateforme ne s’est pas accompagnée d’une réelle refonte des politiques d’orientation. Les heures dédiées sont mises en place de manière inégale selon les établissements et aucune articulation n’a été pensée entre ce qui est déployé dans le secondaire et ce qui est mis en place dans l’enseignement supérieur. En conséquence, l’autocensure liée au genre, à l’origine territoriale ou sociale reste forte. Les magistrats soulignent par ailleurs la contradiction de faire reposer l’accompagnement à l’orientation sur le ou les professeurs principaux quand le groupe classe est en voie de disparition sous l’effet de la réforme du bac.

Les solutions proposées sont de rendre obligatoires les heures dédiées à l’orientation, former davantage les professeurs principaux à l’orientation qui seraient chargés d’assurer la tenue de ces temps en échange d’une augmentation de leur rémunération.

Le constat est également sévère sur les filières « oui, si ». Le dispositif qui concentre la majorité des moyens ajoutés par la loi ORE n’est pas jugé satisfaisant. Les résultats très hétérogènes de ces nouvelles filières rendent impossible un jugement global sur leur plus-value. Le nombre de bénéficiaires reste en réalité très faible malgré la dépense de plusieurs centaines de millions d’euros jusqu’en 2022. Il est également mis en avant que les critères actuels de mise en place de ces filières n’ont pas forcément ciblé les universités en ayant le plus besoin.

La sélection et la concurrence faussée reconnues

L’élément le plus intéressant soulevé par le rapport de la Cour des comptes est probablement l’existence des algorithmes locaux et plus généralement la sélection opérée.

Ainsi sur les attendus, les magistrats pointent que si ces derniers offrent a priori des éléments intéressants et objectifs dans les choix des élèves, ils ne s’avèrent pas nécessairement réellement pris en compte au moment de l’examen des dossiers.

« La publication “d’attendus” pour chaque formation sur la plateforme Parcoursup constitue une information nouvelle et utile pour les candidats lycéens. […] Les attendus publiés, dont les énoncés mériteraient une nouvelle revue, ne correspondent pas toujours aux paramétrages retenus in fine par les commissions d’examen des vœux. »

L’utilisation de procédures de tri automatiques fondées sur des éléments traitables en masse dans les dossiers des élèves est pointée du doigt pour son manque de transparence. La cour demande à ce que les algorithmes utilisés soient rendus publics, un combat mené depuis le début de la plateforme par le sénateur communiste des Hauts-de-Seine Pierre Ouzoulias

Un combat qui se joue aujourd’hui devant les tribunaux, l’UNEF a déposé une question prioritaire de constitutionnalité sur la légalité du refus de rendre publics les algorithmes locaux.

La Cour des comptes dénonce par ailleurs la prise en compte du lycée d’origine dans les critères utilisés pour sélectionner les élèves. Il est proposé d’anonymiser le lycée d’origine et d’utiliser à la place une mesure de l’écart entre les notes obtenues en contrôle continu et celles obtenues lors du baccalauréat. Sur la sélection, les magistrats conseillent également à ce que les critères utilisés soient rendus public afin de permettre un développement de stratégies adaptées par les élèves pour obtenir la filière de leur choix.

La très libérale Cour des comptes n’a donc pas effectué de mue progressiste, elle souligne toutefois les contradictions de Parcoursup. Pour elle, c’est bien une sélection qui a été mise en place à l’entrée de l’ensemble de l’enseignement supérieur. La concurrence entre les élèves est donc réelle et largement faussée par l’opacité des critères utilisés. La sélection n’est toutefois pas dénoncée, alors même que son inefficacité et son injustice semblent avoir été démontrées.

Par Rédaction

Collectif de rédaction d'Avant Garde