Mélancolie Ouvrière – Lucie Baud sort de l’ombre

Affiche du film

Téléfilm diffusé sur la chaîne Arte, Mélancolie Ouvrière retrace le destin méconnu de Lucie Baud, première femme syndicaliste française. Si le film est intéressant, voir même nécessaire du point de vue historique, il n’arrive pas à convaincre totalement.

Nous sommes au début du XXème siècle dans soierie en Isère. Lucie Baud y travaille depuis ses 12 ans. Elle y rencontre son mari, Pierre Jean Baud à 21 ans. Il meurt 11 ans plus tard, laissant Lucie Baud veuve à 32 ans. Mais dans son usine textile, la mécanisation des techniques provoquent une baisse des salaires, déjà bien bas, des ouvrières et ouvriers de l’usine. C’est ainsi que Lucie Baud crée en 1902 le Syndicat des ouvriers et ouvrières en soierie du canton de Vizille pour s’opposer à ces baisses de salaires. Suite à son travail, un large mouvement de grève va émerger, les usines alentours vont suivre la mobilisation. Lucie Baud est donc la première femme syndicaliste en France.

Le film de Mordillat représente réellement un intérêt historique, et l’histoire de Lucie Baud doit être mise en avant, et c’est ce que le réalisateur réussit en partie à faire. Dans sa manière de filmer les gestes des ouvrières, le film est quasi-documentaire, rendant un bel hommage à ces travailleuses. Mais la vie de Lucie Baud est celle d’une femme qui essaye d’exister dans un monde – celui du syndicalisme – exclusivement masculin. On le voit bien lorsqu’elle est la seule femme déléguée syndicale à participer au congrès national de l’Industrie du textil à Reims. Lucie Baud est donc une femme forte et indépendante qui a réussi à mettre son usine en grève sans l’aide de ses homologues masculins. C’est pourtant à travers les hommes que Gérard Mordillat fait exister le personnage.

L’histoire d’amour qu’elle entretient avec Auda, un autre syndicaliste prend une place très importante dans le film, et c’est par ce prisme là que Baud se fait une place et c’est bien dommage. Pourtant, le film soulève des questions importantes, comme les violences sexuelles au travail avec cette ouvrière violée à deux reprises par son patron. Son suicide en prison après avoir mutiler le sexe de son employeur est une scène marquante du film.  Autre scène forte, celle où les ouvrières font face à la répression : menacées de se faire tirer dessus par l’armée, elles chantent ensemble bravement l’Internationale .

Le film montre également comment une femme délaisse sa vie de famille (ses deux filles) pour son engagement syndicale, reproche que l’on fait systématiquement à une femme et jamais à un homme. Mais ici, le réalisateur ne culpabilise pas le personnage principal mais montre comment ses filles lui ont reproché puisque ces dernières décident de quitter la maison. Et c’est ce départ, celui de son amant qui ne donnait plus de nouvelle et son licenciement qui pousse Lucie Baud à tenter de se suicider dans une scène finale qui aurait pu être moins mièvre où l’on voit revenir Auda s’excusant d’être partie et lui chuchotant “j’avais promis que je reviendrai”. Trop tard.

On peut saluer la prestation de Virginie Ledoyen qui incarne Lucie Baud avec beaucoup de justesse, mais aussi le reste du casting à la fois amateur et professionnel qui joue avec un certain naturel appréciable à regarder.