Marwan Barghouti, héros palestinien condamné 5 fois à la prison à perpétuité

CC 2.0 | Anna

Marwan Barghouti héro de la cause palestinienne est toujours emprisonné. Sa femme Fadwa Barghouti était en Corse pour faire entendre sa voix.

12 Mars 2019, soixante dix personnes se sont amassées dans une petite salle du centre ville d’Ajaccio pour applaudir Fadwa Barghouti, épouse de Marwan Barghouti depuis plus de trente ans. A la fin de son discours et sous une véritable Standing Ovation, elle nous promet que si Marwan est libérée, elle reviendra en Corse avec elle pour remercier les gens venus la soutenir et les membres de l’association Corsica Palestina qui l’a invité à venir sur l’île de beauté. Quelques heures plus tôt, elle était à la Mairie de Cuttoli-Corticchiato pour s’entretenir avec une dizaine de maires corses afin que ceux-ci tentent de nommer son époux “Citoyen d’Honneur” de leurs villages respectifs.

Comme à Gennevilliers, ou à la Courneuve, quelques années plus tôt, cette proposition a été vivement critiquée sur les réseaux sociaux. Certains n’hésitant pas à accuser Vincent Gaggini, Président de Corsica Palestina et les élus présents, de mettre en avant un barbare, un terroriste, un assassin de sang froid aux mains couvertes de sang. Et pourtant face à ces accusations il est important de se rappeler d’une phrase prononcée par Marwan Barghouti lors de son procès :

“Je ne suis ni un terroriste, ni un pacifiste, je suis un résistant !”

Résistant comme le peuple palestinien, qui malgré les attaques répétées de l’armée israélienne se tient toujours debout et fier.

La question du terrorisme, n’est jamais simple, défendu par Jean-Paul Sartre (qui le condamnera quelques années plus tard), mais vivement condamnée par Albert Camus elle divise même au sein de la gauche. Mais s’il est toujours considéré comme un terroriste aux yeux d’Israël et de ses alliés, Marwan Barghouti n’est rien d’autre qu’un leader politique, qui à l’image de Nelson Mandela en son temps, accepta de soutenir la lutte armée afin de combattre l’injustice avant de finalement user de son expérience et de sa sagesse pour tenir un discours, plus modéré et pacifiste, mais toujours aussi émancipateur.

« Moi et avec moi la majorité écrasante du peuple palestinien, sommes prêts à un compromis historique fondé sur les décisions internationales, qui garantira deux États, un État d’Israël et un État Palestinien, vivant côte à côte dans la paix et la sécurité. Nous sommes prêts à un compromis historique qui assurera à vos enfants comme aux nôtres une vie sans menace de guerres et de massacres. C’est la raison pour laquelle il faut parvenir le plus rapidement possible à un cessez-le-feu réciproque. »

Extrait d’une lettre écrite par Marwan Barghouti et adressée à Shalom Arshav, membre de “La Paix Maintenant”.

Depuis 1967, plus de 850 000 palestiniens sont passés par les prisons israéliennes, c’est donc 20% de la population palestinienne ! Marwan Barghouti ne fait donc pas exception à la règle, emprisonné une première fois en 1976, puis en 2004 ou au terme d’un procès qui dura deux ans le natif de Kobar fut condamné à cinq peines de prison à perpétuité. Pour Jean-Claude Lefort, ancien député PCF de la 10e Circonscription du Val-de-Marne, Président d’Honneur de l’Association France Palestine Solidarité :

« Le cas de Marwan Barghouti est particulièrement significatif et symbolique de cette impitoyable et violente mécanique israélienne qui vise, de manière arbitraire, à casser les Palestinien·ne·s qui refusent l’occupation israélienne en les plongeant en prison de manière systématique. »

Cette répression est avec les bombardements intensifs sur la Bande de Gaza un moyen de briser la volonté des hommes palestinien. Mais toutes ces années d’occupation ont montrées que la violence ne faisait que renforcer la volonté des palestiniens et tue petit à petit les possibilités de paix. Marwan Barghouti ne fait pas exception à la règle et au lieu de le réduire au silence, son incarcération lui a permis de devenir l’une des figures les plus rassembleuses de Palestine. Sans doute grâce à son procès, dont le déroulement abracadabrantesque a attiré l’attention de la communauté internationale qui n’a pas perdu de temps pour condamner ce simulacre de justice ! Voici le témoignage de Jean-Claude Lefort, qui fut l’un des nombreux observateurs de ce que nombreuses associations comme France Palestine Solidarité qualifient toujours aujourd’hui de “procès spectacle politique” :

« Marwan Barghouti est triplement victime de cet arbitraire violent. Tout d’abord son arrestation par l’armée israélienne a eu lieu à Ramallah. Elle est totalement illégale puisque cette ville de Cisjordanie est située en zone A, c’est-à-dire en zone sous souveraineté totale des Palestiniens. Chef du Fatah en Cisjordanie, Marwan avait déjà été l’objet, un an plus tôt, d’une tentative d’assassinat. Un missile a été tiré sur son véhicule. Il en a réchappé mais pas son chauffeur. Un ministre israélien avait précisé alors qu’il « méritait la mort ». Rien de moins. Le second arbitraire vient de son statut. Marwan est député et doit bénéficier, comme tous, de l’immunité parlementaire. Cela ne veut pas dire qu’il ne peut pas être arrêté mais il ne peut l’être seulement que s’il y a flagrant délit. Ce qui n’est strictement pas le cas. Enfin, et je suis allé, en payant de ma poche, à toutes les audiences au tribunal de Tel Aviv avec d’autres collègues de tous les bords politiques, et un constat s’est imposé à nous tous : accusé d’avoir commandité des meurtres, aucun élément ou témoignage n’est venu corroborer cette accusation. Rien. Et ce procès a duré un an. Le jugement le condamnant à 4 fois la prison à vie plus 40 ans est uniquement politique mais aussi totalement arbitraire. Marwan se plaît à dire qu’il n’est « ni terroriste ni pacifiste mais un résistant ». Ce qui est un droit sacré. Nous en avons quelque chose en France et en particulier en Corse. »

Cette indignation on la retrouve dans de nombreux rapports internationaux qui démontrent tous qu’il s’agissait d’un procès à charge. À charge contre un homme qui toujours comme Nelson Mandela, refusa de se défendre face une cour suprême dont il niait la légitimité ! Ainsi de nombreuses observations confirment le témoignage de Jean-Claude Lefort :

Marwan Barghouti a été arrêté par l’armée en Zone A, ce qui constitue une violation grave des accords d’Oslo, sa détention est restée secrète et il n’a eu le droit de consulter son avocat qu’au bout de trois jours d’emprisonnements. Ni lui, ni ses avocats n’ont eux le droit de consulter, le résultat des interrogatoires.

Lors de ces mêmes interrogatoires, Marwan a subit des pressions physiques et psychologiques comme la privation de sommeil, le supplice du shabeh et de nombreuses menaces de mort à l’encontre de membres de sa famille. Le Shabeh est une technique de torture qui consiste à faire s’asseoir et à attacher quelqu’un à une chaise, au dossier recouvert de clous pendant des heures ou des jours.

Sur les 96 témoins à charge lors du procès de Marwan Barghouti, 63 sont des enquêteurs ayant enquêtés sur les attentats qui lui étaient reprochés, 12 autres étaient des victimes ou des témoins d’attentats qui n’ont pas pu confirmer la présence ou l’implication de l’intéressé. Seul 21 étaient réellement à charge, mais la plupart ont simplement avoué au juge qu’ils n’étaient pas aptes à juger du rôle du mise en cause. Plusieurs témoins ont même avoué que leurs déclarations avaient été obtenues sous pression des enquêteurs.

Enfin une forte pression a été mise par les autorités israéliennes aux avocats de Marwan Barghouti et notamment à Gisèle Halimi qui fut notamment bloquée plusieurs heures à l’aéroport de Tel-Aviv et dont les dossiers furent fouillés par la douane israélienne. Si sur le papier le Curriculum Vitae de Marwan Barghouti peut sembler peu reluisant et même honteux, en y regardant de plus près les faits sont beaucoup plus nuancés. Si encore aujourd’hui Benyamin Netanyahu s’entête à vouloir faire passer Monsieur Barghouti pour un dangereux terroriste, fanatique religieux et assoiffé de sang, c’est uniquement pour que la communauté internationale n’entende pas les messages de paix et de résistance de ce député du Fatah qui a toujours défendu le retour aux frontières de 1967 et l’existence de deux état, dont un Etat Palestinien avec Jérusalem Est comme Capitale. Nous sommes donc à des années lumières de l’homme sans coeur et destructeur que pointent du doigt, la droite et l’extrême-droite israéliennes.

« La vérité est que Marwan Barghouti gêne beaucoup de monde. IL est intègre et respecté en « Palestine ». IL rassemble au-delà de son parti, le Fatah. IL dénonce la corruption qui se développe au sein de l’Autorité palestinienne. C’est un homme également et farouchement attaché aux droits de son peuple mais aussi à la paix sur la base du droit. Il dit « Le dernier jour de l’occupation sera le premier jour de la paix ». Son destin est comparable à celui de Nelson Mandela. Son avenir aussi. Lutter pour sa libération, sans oublier les autres prisonniers politiques, c’est lutter pour la libération de la Palestine. De nombreuses voix, inclus en Israël, se prononcent pour cette libération. Même Kouchner, alors ministre des Affaires étrangères de la France, s’est prononcé pour. Reste que le pouvoir actuel est en recul, très en recul sur la question palestinienne malgré le fascisme qui domine le gouvernement israélien. L’Histoire ne fera pas de cadeaux aux lâches. Quant à nous, continuons dans la justice et la noblesse : exigeons plus largement encore la libération de Marwan ! »

Jean Claude Lefort, ancien député de la 10eme Circonscription du Val-de-Marne.

Un grand merci au Camarade Jean-Claude Lefort qui a grandement contribué à la rédaction de cet article et qui a aimablement accepté de répondre à mes questions.