Marseille, l’union difficile des gauches

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Jean-Marc Coppola est élu municipal communiste  à Marseille, il a accepté de répondre à nos questions pour revenir sur la situation politique de la cité phocéenne à un mois du scrutin. 

Quelle est la situation à Marseille pour les élections municipales en 2020 ?

Elle n’a jamais été aussi ouverte. Jean-Claude Gaudin va partir, aux dernières élections la gauche était divisée et la droite était beaucoup plus forte et rassemblée, aujourd’hui ce n’est plus le cas. LREM a divisé la droite alors que la gauche s’est rassemblée autour d’un projet commun avec le Printemps marseillais. La candidate tête de liste est une militante d’EELV qui a le soutien de l’ensemble des partis de gauche du PS au PCF en passant par la FI. Seule la direction d’EELV ne la soutient pas. Donc la situation est très ouverte et bien maligne qui peut prédire les résultats du scrutin de mars prochain. Le premier sondage qui est sorti avant l’officialisation de notre tête de liste donne la droite à 23 %, la RN à 22 % et le Printemps marseillais à 16, EELV à 14 et LREM à 9. Donc à deux mois du scrutin la situation politique est ouverte. Nous espérons créer une dynamique populaire pour que notre liste crée la surprise.

Quelle est la démarche initiée par le PCF ?

Il y a un an, nous avons appelé au rassemblement de toutes les forces de gauche écologiste et citoyenne. Pourquoi ? Les différentes révélations sur le système Gaudin qui ont été tristement mises sur le devant de la scène avec la catastrophe de la rue d’Aubagne ont montré à quel point Marseille est en retard dans tous les domaines par une incurie de gestion, de l’affairisme et une politique très libérale. À Marseille, les logements indignes se sont multipliés, des quartiers entiers sont laissés à l’abandon… Il y a un réel ras-le-bol de la part des Marseillais, une envie de tourner la page. Donc nous — forces de gauche, écologiste et citoyennes- nous n’avions pas le droit de partir divisé – c’est ainsi que les communistes ont travaillé à la construction d’une liste de large rassemblement.

Aujourd’hui il n’y a que la direction d’EELV qui ne part pas avec nous, tous les autres se sont rassemblés. De nombreux dissidents EELV ont d’ailleurs rejoint notre liste. Nous retrouvons également des responsables syndicaux et des acteurs associatifs. Nous avons réussi à rassembler un très large collectif. Nous avons construit ce rassemblement avec des valeurs de justice, d’égalité, de solidarité et de l’intérêt général. Ce rassemblement s’est fait avant tout autour d’un projet : sortir Marseille de l’incurie, des inégalités et de la pauvreté. Un mot sur les inégalités. Marseille n’est pas une ville pauvre, c’est surtout une ville très inégalitaire, et cela dans tous les domaines, logement, social, transport, etc. Lorsqu’on regarde les études menées sur les autres villes en France, l’extrême droite est haute là où les inégalités sont fortes. C’est ce qu’il se passe à Marseille.

Comment sont construites les listes ?

Il y a 50 % de citoyens et 50 % de forces politiques. Nous avons autant de candidats membres de partis que d’acteurs syndicaux ou associatifs. Nous passons d’un engagement à la réalité quand nous invitons les citoyens à s’engager en politique qu’ils prennent le pouvoir. Dans notre démarche de rassemblement nous incitons non seulement les citoyens à se présenter directement, mais aussi, et surtout de faire des propositions afin de construire le programme collectivement.

La construction d’une majorité se résume-t-elle à l’addition de forces politiques ?

Non, c’est le projet qui rassemble. En finir avec Gaudin d’une part, mais surtout sortir Marseille des inégalités, de la pauvreté et avoir une ville plus écologiste, plus juste, plus démocratique. Ce sont ces ambitions-là qui nous rassemblent. À Marseille avec les privatisations à tout va et les politiques austéritaires, la ville a pris énormément de retard dans la lutte pour réduire les inégalités sociales et territoriales.

Nous voulons rompre avec le système Gaudin, et mettre en œuvre un projet social et écologique pour la ville de Marseille. Sur la question des transports par exemple, aujourd’hui le tramway et le métro ne desservent quasiment que le centre-ville. Les transports sont pourtant un enjeu central, tant d’un point de vue social qu’écologique. Aujourd’hui, Marseille est pris dans des embouteillages monstres, c’est une ville très polluée et à côté de cela nous avons un réseau de transport cher et une qualité du réseau déplorable. Pour contrecarrer cela, la liste du Printemps marseillais porte à la fois la question du développement des transports en commun et de leur accessibilité par la gratuité dans un premier temps pour les jeunes de moins de 26 ans.

La stratégie électorale est souvent opposée au projet politique, comment lier les deux ?

Les deux ne sont pas forcément opposés, le programme est le fruit de longues années de réflexions, de débats et de contributions citoyennes. Si nous prenons par exemple notre revendication autour de la gratuité des transports collectifs. La première fois que les communistes l’ont proposé en 2010, à la Région pour les TER, toutes les autres forces politiques étaient contre cette proposition jugée utopique, irréaliste, voire démagogique. Aujourd’hui la population s’en est emparée et cette proposition a vu le jour et figure aujourd’hui dans notre programme municipal et dans celui d’autres listes comme LREM… comprenne qui pourra.

Nous devons porter des propositions qui répondent directement aux besoins et aspirations des citoyens pour qu’ils s’en emparent. Pour ce qui est du rassemblement, ce n’est pas une addition de sigle, c’est une convergence autour d’un projet politique. Et le rassemblement ne veut pas dire effacement. Le PCF a été fort à chaque fois qu’il a été unitaire. On allie à la fois rassemblement, projet, luttes et stratégie électorale. Sur les luttes sociales que nous menons : sur l’emploi, l’école, l’aide aux migrants, pour des logements dignes, pour les transports publics du 21e siècle, etc.

Au-delà de la stratégie électorale, nous nous réunissons autour d’un projet. Ce projet est le fruit d’un long travail effectué directement avec les citoyens.

Un dernier mot sur le rassemblement. Certains journalistes et observateurs nous interpellent parfois sur le fait que la gauche est divisée notamment parce que la direction d’EELV part seuls de son côté. Nous continuons pourtant de lui tendre la main. Il faut que nous soyons unis pour gagner. À l’élection européenne de 2019, la gauche était divisée, il n’y a eu que 25 % de participation dans certains quartiers de Marseille et le RN est arrivée en tête. Dans ces mêmes quartiers à la présidentielle de 2017, la participation a été de 75 % et la gauche était en tête. Donc si nous voulons réellement en finir avec la droite et le système Gaudin, il est nécessaire d’aller chercher les voies des abstentionnistes. Ce qui passe par le rassemblement et par un projet politique cohérent qui réponde aux aspirations populaires. C’est bien autour de ces deux principes que la liste « le Printemps marseillais » s’est construite.

Nous verrons bien les résultats, mais d’ores et déjà nous avons pris nos responsabilités. Nous avons réussi à nous rassembler avec des collectifs citoyens sans pour autant nous effacer en tant que force politique. Et si demain nous gagnons, alors des perspectives d’avenir pour la politique dans le sens noble du terme peuvent s’ouvrir, des perspectives pour une gauche renouvelée. C’est ainsi que j’entends l’utilité et l’efficacité des communistes et du PCF en ce 100e anniversaire.