L’ombre de Pinochet plane au-dessus du Chili

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C’est l’extrême droite qui arrive en tête, avec près de 35 % des scrutins, aux élections constituantes du 7 mai 2023, et qui sera donc chargée de rédiger une nouvelle constitution au Chili. 

Le danger que représente la montée en puissance des pinochetistes n’a jamais été aussi important depuis la chute du dictateur il y a 33 ans.

La victoire réactionnaire

Près de 15,1 millions de Chiliens se sont déplacés dimanche afin d’élire une Assemblée constituante, chargée de rédiger une nouvelle constitution pour le pays, qui devra être approuvée par référendum le 17 décembre prochain. Une première tentative de changement de la constitution chilienne avait échoué en 2022. 

La constitution chilienne, bien qu’elle ait été amendée à de nombreuses reprises, date toujours de la dictature militaire d’Augusto Pinochet. Elle établit de fait un système économique néolibéral, formé sur la privatisation des biens publics chiliens, y compris de secteurs clefs comme la santé, l’éducation ou encore l’eau, et limite la mise en place de fortes mesures sociales.

C’est cependant le Parti républicain qui arrive en tête des élections du 7 mai avec près de 35 % des scrutins, obtient 22 sièges à l’Assemblée constituante et sera donc chargé de rédiger une nouvelle constitution pour le pays, alors même que ce parti s’était illustré en s’opposant au principe même de réforme constitutionnelle. 

La liste « Unidad para Chile » (Unité pour le Chili) regroupant la gauche chilienne du Parti communiste aux libéraux en passant par « Convergence sociale », le parti dont est issu le président Gabriel Boric, n’obtient qu’environ 29 % des voix et 17 sièges à l’Assemblée. La liste de droite traditionnelle « Chile Vamos » de l’ancien président Sebastián Piñera ne se classe qu’en troisième position et obtient 11 sièges.

Un parti d’extrême droite

Le parti d’extrême droite profondément néolibéral, atlantiste et réactionnaire qu’est le Parti républicain, se veut proche de la mémoire d’Augusto Pinochet, dictateur chilien de 1973 à 1990 et commanditaire de l’assassinat de milliers d’opposants politiques. 

Le Parti républicain assimile ouvertement les mouvements indigènes au narcoterrorisme, s’oppose fermement au mariage homosexuel, à l’avortement, et s’érige en défenseur du néolibéralisme et de la non-intervention de l’État dans le domaine économique. Johannes Kaiser, l’un de leurs députés, a été contraint de quitter le parti en 2022 après avoir remis en cause le droit de vote des femmes et justifié le viol.

José Antonio Kast, fondateur du Parti républicain, était déjà parvenu en tête du premier tour de l’élection présidentielle de 2021, mais avait été battu par Gabriel Boric au second tour, qui accéda à la présidence avec près de 56 % des scrutins.

Le résultat des élections constituantes du 7 mai a également été marqué par un taux de votes blancs et nuls particulièrement élevé, dépassant 20 % des scrutins. Cela est sans doute lié à l’obligation du vote pour ces élections, mais le fait est que les Chiliens semblent réellement déçus par une classe politique déconnectée des aspirations populaires.

La nécessité de reconquérir les masses

Pour endiguer cette montée en puissance réactionnaire qui se concrétise élection après élection, la gauche chilienne doit impérativement reconquérir les masses.

Cependant, la politique que mène le président Gabriel Boric depuis près de deux ans et demi semble décevoir : nomination d’un ancien président de la Banque Centrale au ministère de l’Économie, chute du pouvoir d’achat des Chiliens… Son mandat semble donner l’image d’un gouvernement incapable de s’opposer frontalement à la finance.

La reconquête des masses populaires au Chili passe par la mise en place de mesures sociales fortes, favorables au monde du travail, comme c’est le cas de la semaine de travail à 40 heures votée au parlement le mercredi 12 avril. Ce projet, porté par les communistes depuis 2017, est ambitieux alors que le temps de travail hebdomadaire est de 48 heures dans la plupart des pays latino-américains.

« Il y a un risque pour l’avenir démocratique du pays », a déclaré le président du Parti communiste du Chili, Guillermo Teillier, à El Siglo.