Loi pour une « école de la confiance », une dérive droitière et autoritaire

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Depuis Lundi 11 février est examiné à l’Assemblée Nationale le projet de loi présenté par le Ministre de l’Education Nationale Blanquer.

Décryptage  des plus gros dangers pour l’éducation présents dans le texte.

« Sois prof et tais-toi »

L’article premier de ce projet de loi déclare que « Par leur engagement et leur exemplarité, les personnels de la communauté éducative contribuent à l’établissement du lien de confiance qui doit unir les élèves et leur famille au service public de l’éducation.»  Si personne ne remet en cause le fond de cette affirmation, il faut s’interroger sur le sens d’inscrire aujourd’hui dans cette loi ce principe, pourtant déjà existant dans les textes s’appliquant à l’ensemble des fonctionnaires. A l’heure où les mouvements des « stylos rouges » ou encore du hashtag  #PasdeVagues expriment la malaise des professeurs dans leur métier, la réponse du gouvernement ne semble être que le rappel à l’ordre et l’autoritarisme par ce premier article de loi, en tentant de museler et de prévenir toute forme d’opposition aux politiques du gouvernement.

L’école publique attaquée ? Le privé comme solution

Un autre point de la loi propose de rendre obligatoire la scolarisation des enfants dès 3 ans. Au-delà du caractère purement démagogique de cet article (c’est déjà le cas pour 98,9% des enfants), une contradiction apparait de manière évidente : à l’heure où l’on ferme des classes et où l’on réduit les moyens pour les mairies, comment va être assuré l’accueil de 26 000 nouveaux enfants à la prochaine rentrée? Face à cela, le ministre a une réponse toute faite : demander aux collectivités de financer les écoles maternelles privées pour accueillir les élèves.  Il s’agit donc d’un cadeau, estimé entre 100 et 150 millions d’euros, à destination de l’enseignement privé, dans un contexte où l’école publique étouffe sous le poids des réductions budgétaires.

Les surveillants du secondaire comme variable d’ajustement

Le projet de loi propose de permettre aux assistants d’éducation préparant un concours de l’enseignement de pouvoir se livrer à des activités pédagogiques. Cette mesure apparait comme une provocation alors que le gouvernement annonçait en septembre la suppression de 2 600 postes dans les collèges et lycées.  Ainsi, pour pallier aux manque de personnels dont il est responsable, le gouvernement accentue la logique de recrutement contractuel, manifestant à la fois tout son mépris pour les professeurs qualifiés et formés que pour les surveillants, qui seront « rémunérés » entre 680 et 980 euros pour ces missions d’éducation.

La confiance passe par le contrôle

Un autre article illustre la vision de la « confiance » que Blanquer manifeste envers les professeurs. Il s’agit de la mise à l’écart du « Conseil d’évaluation du système scolaire », instance indépendante chargée d’analyser et d’émettre des avis sur le système scolaire français, regroupant élus, professionnels et chercheurs indépendants.  A sa place, le ministre annonce la création d’un « Conseil d’évaluation de l’école ». Derrière ce simple changement de nom se cache en réalité une volonté de venir saper le travail d’évaluation indépendante réalisé par le CNESCO puisque cette nouvelle instance sera composée dans sa majorité de membres nommés par le Ministre. Pour Blanquer, faire confiance en l’école, c’est nommer des gens proches pour la surveiller.

Le gouvernement pioche ses bonnes idées à droite

Comme si tout cet arsenal ultra-droitier ne suffisait pas, la première nuit d’examen du texte à l’Assemblée a été l’occasion pour la droite parlementaire de faire intégrer ses lubies identitaires au texte. A trois heures du matin a ainsi été adopté un amendement du très réactionnaire Eric Ciotti député « Les Républicains ». Celui-ci proposait de rendre obligatoire dans chaque salle de classe, de l’école au lycée, la présence des drapeaux français et européens, ainsi que l’affichage du refrain de la Marseillaise. Ayant reçu la bénédiction du Ministre de l’Education, et sans que ni le rapporteur du texte, ni les élus d’oppositions puissent intervenir, l’amendement a été accepté, dans la confusion générale.

Avec ce texte de loi, le Gouvernement assume donc pleinement une orientation de droite dure, autoritaire et réactionnaire. Alors que les mobilisations contre la réforme du lycée, de Parcour’Sup ou contre l’augmentation des frais d’inscriptions pour les étudiants étrangers gagnent le pays, gageons que la bataille contre cette loi prendra toute sa place dans le combat pour une école en faveur de l’émancipation des élèves et de la réussite de toutes et tous.