Loi Asile, un projet de loi inhumain à l’Assemblée Nationale

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La loi asile-immigration vise à empêcher l’un comme l’autre. S’inscrivant à la suite de lois plus répressives les unes que les autres contre les migrants, elle fait l’objet d’intenses contestations y compris au sein de la majorité.

Un projet de loi inhumain

Le dépôt d’une demande d’asile ouvre normalement l’accès à certains droits, comme celui d’être hébergé ou encore dans certains cas de pouvoir percevoir une allocation, étant donné que le travail est interdit aux demandeurs d’asile. Cependant dans le cas de la procédure dite accélérée, ces droits ne sont plus ouverts. Actuellement toute demande d’asile faite après 120 jours d’entrée dans le territoire, passe sous la procédure accélérée. Le projet de loi prévoit d’abaisser à 90 jours ce délai. Or il peut être long parfois de réunir les pièces justificatives ou simplement que le migrant soit mis au courant des procédures à suivre.  

Aujourd’hui cette procédure concerne déjà 21% des demandes d’asile en 2017 et 40% en 2016.

En cas de décision négative de l’Office français pour les réfugiés et les apatrides, l’OFPRA, le délai d’appel est réduit à 15 jours contre un mois actuellement. Cette réduction est une atteinte directe aux droits des demandeurs, qui bien souvent vivent dans une précarité qui ne leur permet pas de formuler un recours en si peu de temps.  

Dans certains cas, l’appel ne sera pas suspensif d’une procédure d’expulsion. Le gouvernement souhaite pouvoir  expulser directement les personnes issus de pays considérés comme “sûrs”. La notion de sûreté des personnes dans leur pays d’origine étant souvent l’objet des débats de la cour d’appel au droit d’asile, c’est ici aussi une négation des droits des migrants.

Le gouvernement a même prévu que les différentes audiences puissent se faire en vidéo-conférence, une atteinte aux droits de la défense dénoncée par les avocats.

Enfin afin de rendre effectives les expulsions prononcées, pudiquement qualifiées d’éloignements dans le texte, la durée maximale de rétention est doublée à 90 jours.

Les voix discordantes de la majorité impuissantes

La loi est abondamment dénoncée par les députés de gauche mais également par des députés de la majorité. Ces derniers sont loin de représenter la majorité d’un groupe qui reste soudé. Richard Ferrand a d’ailleurs clairement indiqué qu’il attendait une solidarité dans le vote. Quelques uns ont déjà fait savoir qu’ils ne voteraient pas ce texte, sans pour autant indiquer s’ils voteraient contre.

Ils n’ont pas réussi à obtenir grand chose du débat en commission. Ils souhaitaient mettre fin au délit de solidarité, le gouvernement s’y oppose. Officiellement par soucis de ne pas amoindrir l’arsenal législatif contre les passeurs. Dans la pratique pour continuer sa campagne de chasse aux migrants et à ceux qui leur viennent en aide.

La possibilité pour les demandeurs d’asile de travailler au bout de six mois contre neuf actuellement était l’une des propositions phares du rapport d’Aurélien Taché, qui avait soulevé un certain espoir dans les rangs les plus progressistes de la majorité, la loi ne l’a pas retenue. Idem sur l’interdiction de l’enfermement des enfants en centre de rétention.

La droite et l’extrême droite se rejoignent dans une surenchère malsaine

Le ministre de l’intérieur souhaitant à tout prix éviter les accusations de laxisme de la part de la droite a lui même ouvert le bal des déclarations scandaleuses qui accompagnent chaque débat de l’immigration à l’Assemblée Nationale. Déclarant que des régions étaient “submergées par les flux de demandes d’asile” et qu’elles étaient “en train de se déconstruire”. L’emprunt d’une rhétorique nauséabonde à l’extrême droite en ouverture des débats n’aura pas suffit à la faire taire ainsi que la droite plus “classique” qui sur le sujet s’en rapproche de plus en plus.

Laurent Wauquiez, le nouveau patron des Républicains, s’est fait un point d’honneur à occuper le terrain de l’alimentation de la haine contre l’immigration, qu’il ne souhaite pas abandonner au FN. Devenir le FN pour que ce dernier ne prenne pas le leadership à droite, est une stratégie qu’avait déjà tentée Sarkozy et que le président de la région Auvergne-Rhônes-Alpes a décidé de faire sienne.

Si ce dernier n’est pas présent à l’Assemblée Nationale, il y a ses portes voix. Les Républicains, malgré leur nom, n’ont jamais de mal à trouver des orateurs pour porter, avec outrance, des positions peu républicaines. Guillaume Larrivé député de l’Yonne s’est ainsi particulièrement illustré en dénonçant :

“Une petite loi de petits ajustements techniques qui ne permettra pas à la France de sortir du chaos migratoire.”

Damien Abad, vice-président de LR et député de l’Ain, milite lui pour un plafond migratoire voté chaque année par le Parlement. Il souhaite également un contrôle des  migrants pour n’accepter que ceux dont le patronat aurait besoin. Il entend également qu’un système de point détermine la “capacité d’intégration”.

Le FN moins visible dû à son absence de groupe parlementaire, a également tenu à faire valoir son contre-projet jugeant qu’il n’y a “rien” dans  le projet de loi gouvernemental. Le contre-projet du FN prévoit notamment la suppression du droit du sol, ainsi que l’instauration d’une priorité nationale. Ces mesures sont destinées à faire face à “l’immigration de masse” pour que “les Français [aient] le droit de vivre en France comme des Français”. Le grande délire frontiste sur l’immigration semble devoir survivre au changement de nom.

Les associations et les députés de gauche dénoncent le projet de loi

La Cimade a lancé lundi dans une quarantaine de villes en France des opérations d’interpellation des députés de la majorité présidentielle en leur distribuant des “codes de la honte”. Ces derniers dans une analogie avec le code de la route, reprennent les mesures les plus injustes du projet de loi gouvernemental. A Paris, une cinquantaine de militant de la Cimade, ont fait d’abord étape devant l’Assemblée Nationale avant de se rendre au siège de la LREM où ils ont été reçus par un sceau d’eau…

Pour le secrétaire générale de l’association, Jean-Claude Mas, qui s’exprimait dans l’Humanité :

“[Le projet de loi] se caractérise par une série de mesures répressives visant à entraver leur accès aux droits en instituant plus de contrôles, plus d’enfermement, plus de sanctions et en usant même du bannissement, comme pour les indésirables d’un autre temps.”

A l’Assemblée Nationale c’est Elsa Faucillon, députée communiste des Hauts-de-Seine, qui a dénoncé une “énième loi communicationnelle” trentième du genre, aux effets jamais évalués. Elle a particulièrement fustigée une loi qui part une fois de plus du postulat que l’étranger est un problème, un ennemi.

https://www.facebook.com/LesDeputesCommunistes/videos/1134155056719759/

Son collègue de Seine-Maritime, Jean-Paul Lecoq a fait un salutaire rappel au règlement suite aux propos du ministre de l’intérieur.

https://www.facebook.com/jplecoq76/videos/2072995319606747/

Ultime preuve du caractère indigne de cette loi, elle est à peine assumée par le gouvernement, qui n’a pour l’instant pas encore déterminé de date pour un vote solennel. Un manque, qui n’a pas échappé aux députés communistes qui ont demandé aujourd’hui que cette loi ne soit pas votée en catimini au milieu d’une nuit.

Par Rédaction

Collectif de rédaction d'Avant Garde