“L’Humanité n’insulte, ni ne méprise les travailleurs qui luttent.” Entretien avec Patrick le Hyaric

lhumanite-ninsulte-ne-meprise-travailleurs-luttent-entretien-patrick-hyaric-directeur-de-lhumaniteL'Humanité

A l’occasion de la journée mondiale de la liberté de la presse, le 3 mai, nous sommes allés interroger Patrick le Hyaric directeur de l’Humanité, l’un des derniers quotidiens français qui ne soit pas propriété des grands groupes de presse.

Le 25 Avril, Reporter Sans Frontières a publié son classement mondial sur la liberté de la presse. La France est en 33e position, elle a surtout été sanctionnée pour les conflits d’intérêt liés à une concentration verticale avec des groupes qui cherchent plus à gagner en influence qu’à développer les médias. Comment s’articule la liberté de la presse avec les intérêts économiques et politiques de ces entreprises privées ?

Dès lors que des médias et des journaux appartiennent à quelques grands groupes industriels et financiers, il est sûr que les contenus éditoriaux ne s’affronteront ni à ces intérêts, ni au système capitaliste lui-même. Au contraire ils vont en vanter les prétendus mérites et organiser les débats en ce sens.

En vérité on habitue les citoyens à apporter des réponses de droite à des questions de droite. Ajoutons que la conception des jeux télévisuels, les séries policières de début de soirées sur la quasi-totalité des chaînes organisent un imaginaire qui lui aussi oriente la manière de penser. Et, nous sommes en train d’entrer dans une nouvelle ère avec les développements numériques.

D’une part les grands groupes numériques à bases Nord-Américaine vont de plus en plus contrôler une information mondialisée. Et les groupes de téléphonie s’accaparent des journaux et médias pour les valoriser avec l’abonnement téléphonique.

L’enjeu est donc de construire une appropriation démocratique du « pouvoir » médiatique. Dans l’immédiat les rédactions doivent négocier des chartes déontologiques respectant le pluralisme et la diversité culturelle. Un conseil national de l’audiovisuel associant usagers, professionnels, parlementaires pourrait constituer un outil pour faire respecter le pluralisme.

Enfin n’oublions pas que nous disposons d’un puissant pôle public de radio-télévision à défendre, à démocratiser et améliorer.

La concentration de la très grande majorité des médias dans les mains de quelques personnes appartenant aux plus grandes fortunes de France permet-elle la pluralité des opinions ?

Non ! C’est un combat à mener avec celui de la défense de la diversité culturelle.

Ce modèle médiatique avec d’une part la propriété privée concentrée entre quelques mains et le financement par la publicité induit forcément la recherche de l’audience, donc une logique de foule, et non de citoyens, impose une logique de flux, d’immédiateté et même d’instantanéité qui s’éloigne d’une information décryptée, fouillée, de qualité.

Ceci pousse à l’uniformisation éditoriale. L’un des combats à mener porte sur les droits de journalistes et celui des citoyens d’être convenablement informés.

Après l’adoption de la loi sur le secret des affaires au début du mois d’avril, et le projet de loi sur les fausses informations, quelle est, aujourd’hui, la situation du journalisme en France ?

Les lois sur le secret des affaires comme la future loi sur « les fausses nouvelles » (fake-news) découlent de ce modèle médiatique et de la nécessité de défendre et de protéger le système.

De telles législations constituent des mises en cause graves du droit d’informer et du droit d’être informé. Avec de tels dispositifs sont visées directement par exemple les révélations sur l’évasion fiscale, la corruption, les conflits d’intérêts, les ventes d’armes, les discriminations, les moteurs diesels truqués ou les méfaits des pesticides….

D’ailleurs le meilleur moyen de combattre les « fausses nouvelles » est le développement du pluralisme. C’est un principe constitutionnel. Il est à faire vivre dans le débat et l’action.

C’est de la liberté de jugement du citoyen dont il est question ici.

Quel est le rôle du journal l’Humanité dans le contexte actuel ?

L’Humanité, l’Humanité Dimanche et la plateforme numérique l’humanite.fr sont porteurs d’une information qui les engage et un engagement à travers l’information.

Ils sont les révélateurs de la question sociale, les décrypteurs de la géopolitique nouvelle qui se déploient devant nous tout en étant acteurs de la solidarité internationaliste, les défenseurs des créateurs tout en portant leurs travaux dans toutes les disciplines. Ils sont le lieu du débat progressiste.

L’Humanité n’insulte, ni ne méprise les travailleurs qui luttent. Elle s’en nourrit pour mettre à nu les enjeux de la violence du combat de classe en cours. C’est un groupe de presse qui ne confond pas réformes et « contre-réformes », qui ne considèrent pas le travail comme un « coût » mais comme la richesse créatrice de valeur, les services publics obsolètes mais la condition d’accès aux biens communs humains.

Bref, c’est un ensemble de médias communistes au service des alternatives et de l’émancipation humaine.