L’accord européen, le défi d’inhumanité relevé

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Dans la nuit du 28 au 29 juin dernier, un accord sur la gestion des migrants sur le sol de l’Union Européenne a été négocié entre les dirigeants européens.

C’est un véritable accord scélérat qui a été signé suite aux pressions diplomatiques du gouvernement italien, auxquelles Merkel et Macron notamment, ont répondu avec grande complaisance.

La situation politique en Italie

En mars dernier, les élections législatives italiennes ont donné lieu à une crise politique. En effet, à l’issue du scrutin, aucun des partis en lice ne remportait de majorité claire, obligeant ainsi les formations en tête à former des accords entre elles.

Un accord sera finalement trouvé entre la Ligue du Nord (parti d’extrême droite) et le Mouvement 5 Étoiles autour d’un programme commun dont la question de l’accueil des migrants revêt un enjeu central.

Dans la droite lignée des slogans de campagne de la Ligue du Nord, « Stop à l’invasion », « les Italiens d’abord », le programme du gouvernement de coalition prévoit des expulsions massives de migrants vers la Libye, l’ouverture de centres de rétention supplémentaires et un contrôle des frontières plus musclé, notamment en coopération avec les garde-côtes libyens. Le durcissement des politiques migratoires se fait donc à l’aune de manœuvres électoralistes.

Le 10 juin dernier, le nouveau gouvernement italien dirigé par Giuseppe Conte a donc fait son premier coup de force en refusant d’accueillir l’Aquarius. Cette décision visant à faire pression sur les autres gouvernements européens a donc été le déclencheur des négociations d’un accord sur la gestion des migrants.

Une réunion de crise ?

La réaction de Giuseppe Conte a donc poussé les gouvernements européens à se réunir en sommet afin de résoudre ce que nomment les dirigeants européens une « crise migratoire ». Mais quelle est la réalité de cette crise migratoire ?

Commençons par quelques chiffres : si les recensements évoquent 1 millions de migrants arrivés en Europe en 2015, les données de 2017 montrent une nette diminution puisque ce sont 46 219 personnes recensées (source : l’UNHCR). A titre de comparaison, le Liban a dû accueillir depuis la guerre en Syrie l’équivalent d’un quart de sa population. L’Union Européenne qui compte une population de 510 millions d’habitant a dû accueillir quant à elle l’équivalent de 0,3% de sa population entre 2008 et 2016, période où les pics d’arrivée de demandeurs d’asile étaient les plus forts.

Si un tel rythme se poursuit pour l’année 2018, nous ne pourrons plus parler de crise migratoire, du moins pour les pays européens. De leur côté, les migrants auront toujours à vivre dans des situations de grande précarité, pour ceux qui n’auront pas péri en mer.  

Nous devrions donc plutôt parler d’une crise politique majeure au sein de l’Union Européenne, alors que les dirigeants laissent mourir des milliers de personnes au large de nos côtes, guidées selon une logique électoraliste, croyant lutter contre l’extrême droite en usant de ses discours.

Ce que prévoit l’accord

Nous avons donc assisté en amont de la tenue du sommet à un véritable coup de force de plusieurs gouvernements européens (Autriche, Pologne, Hongrie, Slovaquie, République Tchèque) avec l’Italie en tête et son refus de laisser accoster l’Aquarius.

Sans le réel opposition des autres pays européens, particulièrement l’Allemagne et la France, l’Italie a pu imposer des mesures très dures contre l’accueil des migrants à l’issue de ce sommet.

Création de plateformes de débarquement

La réponse des dirigeants européens au défi d’humanité qui nous attend résiderait donc dans la création de « plateformes de débarquement » hors Europe. Ce qui veut dire ni plus ni moins que de renvoyer les migrants d’où ils viennent, avec pourquoi pas la création de camps en Libye, où des milliers de migrants seraient livrés à des organisations criminelles, comme c’est déjà le cas en ce moment.

De nouveaux centres de rétention

L’accord européen mentionne que les Etats membres devront « prendre toutes les mesures législatives et administratives internes nécessaire » afin d’enrayer les mouvements de migrants entre les pays de européens. Cela implique donc l’enfermement des migrants et la création de centre de rétention, véritables prisons pour migrants (nommées à l’occasion « centres contrôlés ») où des familles entières, enfant compris peuvent se retrouver enfermés.

Ces centres auront la charge d’effectuer un tri des migrants, entre ceux éligibles au droit d’asile et ceux qui ne le sont pas, qui se verront expulsé.

La réécriture du règlement de Dublin

L’accord mentionne également dans des contours flous la refonte du règlement de Dublin. L’objectif recherché par l’Italie est de faire en sorte que chaque migrant arrivant sur son sol arriverait en Europe. La gestion des demandes d’asile seraient partagées entre les pays membres, mais une fois de plus, les pays du groupe Visegrad ne veulent pas en entendre parler, réticents à tout accueil de migrants sur leur territoire.

Plus de moyens aux garde-côtes européens

Un renforcement des pouvoirs de l’agence Frontex est envisagé.  Davantage de moyens militaires lui seraient octroyés et d’autres accords, notamment de réadmissions seraient signés avec les pays alentours, impliquant d’avantage l’Union Européenne dans des trafics d’êtres humains tel qu’ils sont commis actuellement par les garde-côte Libyens.

Une politique migratoire sous influence de l’extrême droite

Sous l’emprise des discours de l’extrême droite européenne, l’Union Européenne révèle une nouvelle fois son rôle néfaste quand il s’agit de faire vivre la solidarité entre les peuples.

Le rôle flou entretenu par Macron, qui d’un côté condamne la décision italienne du refus de laisser accoster l’Aquarius, mais n’hésite pas à mener une politique répressive dont les destructions régulières de camps de migrants sur le territoire français est finalement tout à fait à l’image de cet accord.

A l’aube d’une réelle crise migratoire qui pourrait cette fois être liée aux conséquences du dérèglement climatique, il incombe à l’Union Européenne de répondre au défi qui nous attend, celui d’un accueil digne et humain de ces milliers de personnes fuyant la guerre et la misère.