La résistance en Corse : Vichy – épisode 1

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A l’occasion du 75e anniversaire de la libération de la Corse le 9 septembre prochain, nous publions une série d’article revenant sur la Résistance en Corse.

La Corse est l’île la plus élevée de Méditerranée Occidentale et son altitude moyenne de 568 mètres lui vaut souvent d’être qualifiée de “Montagne dans la Mer”. Conscient de cela et craignant les pirates, la malaria ou encore le paludisme, les corses s’installèrent majoritairement dans les montagnes, à l’intérieur des terres, ainsi chaque vallée, devint une province, souvent dominée par un “Clan”, un groupement de plusieurs familles dirigées par un Chef à l’autorité héréditaire. Un Chef dont le rôle est essentiellement de rendre des services (financiers, personnels ou juridiques) aux membres de son clan en échange de la servitude de ces derniers.

A la fin des années 1930 la Corse est alors divisée en deux, d’un côté le Clan Landry, celui des libéraux, des classes moyennes et des petits entrepreneurs et de l’autre celui de François Pietri, conservateur et majoritairement composé de gros propriétaires terriens en bref de “Jos” (Seigneurs). Et au milieu de ces mastodontes le Parti Communiste, qui a du mal à se faire une place, celui-ci ne compte d’ailleurs qu’environ trois cent membres au début de la Seconde Guerre Mondiale.

Mais ces trois cent communistes joueront un rôle essentiel durant chaque étape du conflit. Ainsi pendant la “Drôle de Guerre” ils s’efforcent de rassembler les forces antifascistes, grâce à l’aide notamment de deux membres du Comité Central des Jeunesses Communistes mobilisés en Corse : Robert Giudicelli et Léo Figuères.  Cette agitation détonne avec l’inactivité voir la collaboration des deux grands Clans insulaires et agace également le Gouvernement Français qui a interdit le PCF en septembre 1939. C’est ainsi que plusieurs membres du Parti et des Jeunesses Communistes, furent arrêtés puis emprisonnés à la forteresse de Calvi ou à la prison de Bastia. Cette purge continua l’année suivante avec la mutation d’Arthur Giovoni et Fred Borel alors professeurs au Lycée de Bastia sur le continent et l’internement de Nonce “Bebe” Benielli au camp de Saint-Paul d’Eyjeaux.

« Tous les corses, savaient parfaitement ce qu’était le fascisme italien. Ils le savaient pour plusieurs raisons. D’abord parce que nous sommes très proches, très près et qu’il y a eu un nombre assez considérable d’italiens qui avaient été déportés à l’île de la Pianosa – juste en face – a qui s’étaient évadés de l’île de la Pianosa et qui étaient arrivés à Bastia en particulier. Que nous avons accueillis et que nous avons protégés au maximum. Ceux-là ont créés des organisations dans le genre “Italia Libera” ou “Giustizia Liberta” c’est-à-dire des organisations antifascistes en pays étranger. Et ceux-là nous ont expliqués ce qu’était le fascisme italien »

Arthur Giovoni, Résistant et ancien maire d’Ajaccio.

Cependant cette répression ne stoppa pas ceux qui d’après un rapport envoyé au Maréchal Pétain étaient “les plus actifs et les plus courageux”. Bien au contraire même, ils continuèrent à s’activer dans l’ombre en publiant notamment le journal “Terre Corse” (qui existe encore aujourd’hui) et une édition Corse de l’Avant-Garde. Ces deux journées diffusèrent alors les idées du Parti Communiste et de la JC, mais aussi et surtout de la résistance aux quatre coins d’une île qui craignait plus que tout d’être annexée par l’Italie fasciste de Benito Mussolini.

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« Dans la défaite il y avait un vainqueur, qui est l’ennemi héréditaire et la Corse et des Corses, c’est-à-dire l’Italien, alors le ressentiment a été ressenti par tout le monde, dans le fond des montagnes, comme des villes ».

Henri Maillot

Cette inquiétude ne fit qu’aller crescendo puisqu’en avril 1942, Pierre Laval abandonna l’Alsace et la Lorraine à Hitler, laissant ainsi craindre à certains un scénario similaire pour la Corse. Une crainte qui s’amplifia donc encore un petit peu plus le 8 août de la même année lorsque le Dulce revendiqua une nouvelle fois la Corse lors d’un de ses discours.

Face à cette peur grandissante le Clan Landry fait preuve d’une passivité quasi complice, qui lui fit perdre de nombreux appuis et qui permis à Paul Giacobbi alors Sénateur – le seul sénateur Corse a ne pas avoir voté les pleins pouvoirs à Pétain –  et partisan de la Résistance, de prendre la tête des patriotes de ce même clan. Ce changement est le terreau dans lequel naîtra le Front National et avec lui la lutte de libération nationale pour la France sur l’Ile de Beauté.