“J’aimerai que toutes les luttes s’agrègent” entretien avec Hélène, lycéenne à Paris

Rédaction | Avant Garde

Les lycéens sont mobilisés depuis plus de deux semaines pour les premiers mobilisés, pour leur avenir, le droit à l’éducation, mais aussi par solidarité avec les gilets jaunes et pour plus d’égalité. Nous sommes allés à leur rencontre.

Peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Hélène, je suis en Terminale ES au lycée Balzac et j’ai 16 ans.

Pourquoi es-tu mobilisée ?

Je suis mobilisée comme beaucoup de gens ici contre la réforme du bac et contre Parcoursup. Nos revendications s’inscrivent dans un mouvement plus large porté par les profs, les ouvriers, les gilets jaunes, ou les cheminots, etc. Celui-ci s’oppose aux politiques libérales du gouvernement qui détériorent les services publics, l’éducation qui nous touche directement mais aussi plus généralement comme les hôpitaux.

Pourquoi maintenant ?

La réforme du bac c’est en ce moment qu’elle se dévoile et qu’on en comprend les tenants et les aboutissants. Parcoursup, ou la réforme de la SNCF sont arrivés très vite. Leur contestation a rapidement perdu en soutien. Le mouvement des gilets jaunes à l’inverse donne l’impression d’une opportunité de convergences de luttes et de vraiment remettre en question la politique du gouvernement. Donc on s’y rallie et on espère que ça portera ses fruits.

Rédaction | Avant Garde

Comment te mobilises-tu ?

On a commencé il y a deux semaines par des blocus. Au début c’était en soutien aux gilets jaunes, mais des revendications propres aux lycéens et étudiants ont émergé. La hausse des frais d’inscription pour les étudiants non-communautaires décidée par le gouvernement a déclenché un mouvement dans les facs, qu’on a décidé de soutenir également au lycée.

On s’est donc inscrit dans ce grand mouvement.

On a organisé alors des assemblées générales pour que les blocus soient votés par tout le monde. On a pu avoir les débats nécessaires avec tout le monde puisqu’il était reproché aux premiers blocus de ne pas être démocratiques. Cette critique n’est désormais plus possible, c’était vraiment ouvert à tout le monde, beaucoup y ont participé.

On a ensuite répondu aux appels de l’UNL à bloquer notre lycée et à participer aux manifestations. Les professeurs nous ont rejoints.

Et plus particulièrement aujourd’hui ?

Aujourd’hui j’ai fait le tour des classes pour appeler à venir à la manifestation. Beaucoup viendront et sont mobilisés, mais vu qu’il fait super froid, ils sont à l’intérieur ou dans des cafés. Beaucoup sont prêts à venir en manifestation mais pas forcément à attendre trois heures dans le froid sachant que ça n’aura pas un grand impact.

Une bonne majorité des lycéens seront présents au départ à la manif. Une majorité des profs aussi, il n’y en a pas beaucoup qui sont venus faire cours aujourd’hui. Ces derniers nous soutiennent, ils ont organisé une assemblée générale et ont produit un document expliquant point par point leur contestation de la réforme du bac à notre destination.

Des problèmes avec la police ?

Sur Balzac, non.  Sur les blocus peu de policiers viennent puisqu’il y a une bonne entente avec l’administration. On a pu par exemple avoir accès à une salle pour tenir l’assemblée générale. Il n’y a pas eu de heurts ici avec les CRS.

En manifestation par contre, c’est différent. A la fin de la manifestation de mardi il y a eu une nasse alors que la manifestation était pacifique. On a vu par contre les violences policières en banlieue, à Gennevilliers et surtout Mantes-la-Jolie.

Mantes-la-Jolie a vraiment choqué. C’est devenu un rituel dans les manifestations de se mettre à genou les mains sur la tête pour exprimer notre solidarité et rappeler que ce qui s’est passé est inacceptable.

La répression policière on l’a vu également dans les mobilisations des gilets jaunes, ou de salariés. Même face à des manifestations pacifiques la police bloque, pousse les gens, et met la pression. On a l’impression que même une manifestation déclarée et légale on ne peut pas la faire en toute sérénité. L’objectif semble clair, c’est celui de museler les oppositions.

Rédaction | Avant Garde

Qu’attends tu du gouvernement ?

Le retrait de la réforme du bac. Notamment sur les programmes, c’est extrêmement idéologique ce qui a été fait. Il n’y a plus du tout de place pour la réflexion. En SES il n’y a plus que de la microéconomie, les enjeux sociaux sont ignorés. C’est un endoctrinement néolibéral, la question des inégalités ne sera quasiment plus abordée.

Ce que j’attend c’est un changement majeur pas seulement qu’on nous donne quelques miettes. Les 100€ de plus pour le SMIC, c’est pour 20€ des baisses des cotisations sociales. Hors les cotisations sociales c’est aussi du salaire, donc on nous enlève 20€ de salaire pour nous en redonner 20 de plus. Ça n’a aucun sens. Les 80€ restant le seront par l’augmentation de la prime d’activité. La prime d’activité c’est une prestation sociale, hors tout travail mérite salaire. Le salaire ce n’est pas de la charité que donnerait le patronat. C’est le fruit du travail. Je me sens solidaire des travailleurs.

J’attend un vrai changement dans la politique du gouvernement avec plus de moyens dans l’éducation. Je veux l’arrêt de cette politique néolibérale de désinvestissement de l’Etat des services publics au profit du privé. C’est toute cette logique là qu’il faut remettre en question.

Quelle suite pour la mobilisation ?

Dans l’idéal j’aimerais une convergence des luttes et c’est déjà ce qui est en train de se passer. Les cheminots sont à nouveau en grève, mais aussi les gilets jaunes, les profs, dans l’hôpital public les infirmières sont également mobilisées avec les élèves, les étudiants. Il faut que les différentes composantes se rallient à la lutte et qu’on puisse provoquer un véritablement changement de politique gouvernementale.

J’aimerais que toutes les luttes s’agrègent pour forcer le gouvernement à nous écouter.

Par Rédaction

Collectif de rédaction d'Avant Garde