Inde : un mouvement social historique des paysans contre les réformes agraires

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L’inde connaît depuis novembre 2020 des mouvements massifs et historiques de contestation face à trois réformes agraires passées en septembre qui cassent encore plus un secteur déjà en grande précarité.

Une libéralisation de l’agriculture en trois lois

Le Premier ministre, Narendra Modi, membre du parti nationaliste et xénophobe hindou Bharatiya Janata Party (BJP), a profité de la pandémie, la période semblant compromettre les possibilités de mobilisations, pour faire passer trois lois qui dérégulent entièrement le système public alimentaire et agricole.

Ces lois ouvrent le marché à l’agrobusiness et mettent fin aux tarifs minimum garantis par l’Etat qui permettaient encore aux agriculteurs de vivre. 

La première de ces lois  dite « de promotion et de facilitation du commerce et de l’échange des produits agricoles » permet aux agriculteurs de vendre leurs produits en dehors des “Mandis”  les marchés réglementés aux prix fixes, ayant pour conséquence une concurrence des agriculteurs et une baisse des prix de leurs produits, donc de leurs moyens de subsistance.

La deuxième dite « d’accord sur le prix », cherche à encourager les contrats entre les paysans et les acheteurs selon un cadre et des tarifs convenus avant la récolte, ce qui se traduira dans les faits par une présence et une force d’autant plus grande des géants de l’industrie agroalimentaire, les paysans ne pesant que peu dans le rapport de force des négociations comparés à ces géants et à la grande distribution. 

Enfin, la troisième loi, dite « d’amendement sur les produits essentiels », retire de la liste des denrées jusqu’à présent soumises à régulation publique l’huile, les oignons et les pommes de terre. Cette loi a pour conséquence directe la fin des achats de la part de l’Etat ou de ses institutions de ces produits, laissant les paysans livrés à eux-même sans garantie de pouvoir vendre leurs produits à des prix décents.

La contestation réprimée

Le secteur agricole, et les paysans, ont donc été transformés par ces trois lois majeures, ouvrant grand les portes à la concurrence, renforçant les monopoles et laissant mourir les petits agriculteurs face à une compétition exacerbée et à un poids drastiquement augmenté des géants de l’agroalimentaire. 

Mais le gouvernement de Modi, en promulguant ces réformes, ne s’attendait pas à l’ampleur de la réaction des agriculteurs. Depuis fin novembre 2020, des centaines de milliers de paysans se sont installés aux portes de la capitale indienne, New Delhi, avec la volonté de faire retirer ces trois lois.

Le  8 décembre, les organisations paysannes ont appelé à une grève nationale massive, suivie par une partie de la société indienne : étudiants, femmes, commerçants… Face à la répression féroce du gouvernement, via ses forces armées, le mouvement a continué à prendre de l’ampleur et à s’organiser, avec une place importante des communistes indiens dans la bataille des idées et les revendications. 

Des grèves de la faim sont mises en place contre la répression, et des manifestations ont lieu dans de nombreuses grandes villes du pays. Des conglomérats tenus par des milliardaires proches du pouvoir sont aussi dénoncés dans ces mobilisations, par les personnes de Gautam Adani et de Mukesh Ambani. 

Un mouvement de contestation historique

Face à la répression médiatique forte du gouvernement, censurant les médias d’opposition (tels que “People dispatch”) et  utilisant généreusement les médias à sa solde pour tenter de décrédibiliser et de qualifier de “terroriste” les acteurs de la mobilisation, la coalition paysanne à créé son propre journal : “Trolley times” et ils sont présents massivement sur les réseaux sociaux afin de relayer les informations de l’état des mobilisations et des discussions gouvernementales.

Les soutiens au mouvement des jeunes, étudiants, activistes climatiques et de travailleuses et travailleurs d’autres secteurs se multiplient, le faisant grandir au point qu’il représente aujourd’hui une menace importante contre le gouvernement. De nombreuses arrestations ont été constatés et continuent à se produire afin de dissuader tout soutien à ce mouvement massif.. 

De plus, la situation de protestation grandissante a poussé des organisations politiques de gauche à se faire entendre sur la question plus globale du travail et du chômage en Inde, ayant lancé la semaine dernière une grande campagne contre le chômage et revendiquant le droit au travail comme un droit fondamental.

L’inde connaît donc un mouvement historique de contestation qui, s’il se centre autour de la fin de ces trois réformes agraires, se transforme progressivement, en grande partie par l’action des communistes, en une mobilisation dépassant la paysannerie et remettant en question la politique gouvernementale, rassemblant autour de la nation indienne et sur une base antifasciste et anticapitaliste.