Avec Fillon, l’école de nos arrières grands-parents

Avec Fillon, l’école de nos arrières grands-parentsDomaine public | CC0
Avec Fillon, l’école de nos arrières grands-parents

Au sujet de l’éducation, François Fillon introduit son programme sous le signe de la “performance”, avec la nécessité de promouvoir dans le système scolaire “les valeurs d’excellence et de mérite, à contre-courant de l’égalitarisme voulu par la gauche”. Le ton est donné. On retrouve ici la méritocratie chère à la classe dominante. Ce concept n’a d’autre utilité que de justifier les inégalités sociales qui, bien loin d’être atténuées, sont entretenues et renforcées dans le système éducatif actuel.

Il s’agit donc pour la droite de donner l’illusion que la réussite ou l’échec ne reposeraient que sur la responsabilité et les efforts de chacun. A l’inverse le projet de Fillon vient sanctuariser les inégalités et remet en cause le principe de droit à l’éducation.

Il s’agit pour lui à la fois de renouer avec une vision autoritaire de l’éducation tout en instaurant la concurrence à tous les niveaux. Il veut aussi faire correspondre l’orientation des élèves aux seules exigences du patronat sous prétexte d’insertion professionnelle. En bref il accélère le processus de libéralisation et de privatisation rampante de l’éducation.

Une éducation réactionnaire et autoritaire

L’éducation permet une transmission du savoir, c’est un outil qui peut créer  l’égalité. À l’heure où cette égalité est plus que jamais remise en cause par le système éducatif, François Fillon nous révèle un programme d’éducation très conservateur, basé sur l’autorité et la sanction.

Il y prône une éducation autoritaire, avec des élèves déconsidérés : ils ne seraient que des enfants qui ne pourraient pas s’émanciper, soumis à une obéissance aveugle à des règles strictes. Mais les élèves sont des futurs adultes et citoyens, l’école doit donc les former à la vie en société et les aider à se forger un esprit critique. Ils doivent être aidés pour mieux comprendre leur environnement.

Ce programme propose également d’écarter « les élèves les plus perturbateurs » de l’école et les envoyer dans des établissements de correction. Cette pratique d’une autre époque serait une véritable ségrégation et renforcerait les inégalités au lieu de développer de vraies aides pour ces élèves.

Il propose enfin que les élèves portent un uniforme unique, ce qui n’est qu’une égalité de surface : le système éducatif a besoin d’une égalité totale et réelle pour mettre fin aux conditions de la reproduction sociale et permettre la réussite de tous.

L’autonomie et la concurrence contre le service public.

En s’attaquant au service public, Fillon veut mettre en danger notre système éducatif, que ce soit au niveau des établissements, des enseignants ou encore des élèves en instaurant l’autonomie et la concurrence.

Les établissements :

L’objectif de Monsieur Fillon serait de faire des chefs d’établissements des patrons en leur donnant le pouvoir de promotion des professeurs. Il permettrait aussi aux chefs d’établissement du second degré de recruter les enseignants comme bon leur semble, dans une logique de performance pour faire mieux que l’établissement d’à côté.

Il va bien plus loin dans son programme en proposant de confier la présidence du conseil d’administration à une personnalité extérieure, c’est-à-dire, qu’on pourrait très bien mettre un patron d’entreprise en président de conseil d’administration afin d’assouvir la grande soif du patronat.

Les établissements pourraient choisir les modes de soutien aux élèves qui en ont besoin et organiser le temps scolaire en concertation avec l’ensemble de la communauté éducative en cassant le cadrage national, et donc, l’égalité de traitement sur l’ensemble du territoire, renforçant les inégalités sociales.

Mais il veut aussi organiser une course infernale à la performance et donc à la concurrence entre établissements en rendant obligatoire la présentation au conseil d’administration des résultats de l’évaluation de la performance scolaire.

Les enseignants :

En plus de prévoir la suppression de plus de 500 000 fonctionnaires, dont des enseignants, il veut organiser une compétition entre prof au détriment de l’objectif de transmettre un savoir aux élèves, en accordant le pouvoir de promotion des enseignants aux chefs d’établissement, en développant une part du salaire au mérite.

Les élèves :

Mais au final, ce sont les premiers concernés qui sont sanctionnés par de telles propositions (établissements autonomes, donner aux chefs d’établissements un pouvoir important, organiser la concurrence entre enseignants). Cela ne peut que favoriser à terme les inégalités de traitement des élèves alors que l’éducation doit être la même pour tous sur l’ensemble du territoire. Le projet Fillon c’est une éducation à deux vitesses avec des écoles d’élites et des écoles poubelles.

Orientation: trier les élèves en fonction des exigences du patronat.

Dans le programme du candidat on peut lire la déclaration suivante: “Le choix de l’orientation est décisif pour permettre aux jeunes de trouver un emploi et d’entrer ainsi dans une dynamique de réussite”. Selon lui il faut travailler deux axes principaux: l’information et l’accompagnement des jeunes. Derrière ces principes consensuels se cache toujours le même projet de démantèlement des protections collectives des travailleurs de la formation jusqu’au travail. L’orientation est donc pour la droite un des éléments pivots pour imposer définitivement une logique de “certification des compétences” contre la garantie des qualifications. Autrement dit, l’objectif est de fournir une main d’œuvre dispersée, à la tâche, et donc tout aussi corvéable que jetable.

Pour mener à bien ce projet, il propose d’abord de faire correspondre nos formations à chaque bassin d’emploi. L’ouverture d’un portail d’information présenterait les “opportunités professionnelles” à l’échelle du bassin local ainsi que le taux d’emploi de chaque filière et établissement à la sortie, à 3 ans et à 5 ans. On retrouve donc ici la mise en concurrence des formations, la logique de performance et le tout en soumission aux seuls intérêts du monde économique.

Il propose également de “former les enseignants à l’accompagnement individualisé de leurs élèves”. A priori cela peut sembler pertinent, mais nous venons de voir ce que la droite attend des méthodes et des finalités cet accompagnement. De plus, si les enseignants ont bien un rôle à jouer dans l’accompagnement et le suivi de l’orientation des élèves, cela ne relève en aucun cas de leur mission principale pour la simple et bonne raison que ce n’est pas leur métier. Il existe des personnels formés dans ce domaine, les conseillers d’orientation psychologues (COPSY), mais qui sont aujourd’hui en nombre plus qu’insuffisant et à qui on enlève progressivement le peu de moyens qui restent. Aujourd’hui on ne dénombre qu’un COPSY pour 1300 élèves en France et nul doute que la saignée programmée par Fillon ne les épargnera pas.