La filière bois, abandonnée et naufragée

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Alors que les gouvernements successifs promettent tous de faire reculer le chômage, aucun d’entre eux n’a jamais proposé un programme national de développement de l’industrie du bois.

Une filière délaissée au détriment de travailleurs du secteur

Pourtant dotée d’atouts historiques dans de nombreux secteurs, la France se laisse déclasser et nos dirigeants sacrifient sans cesse notre industrie nationale sur l’autel du profit et des opérations financières.

Les syndicats, notamment la CGT, et le PCF ont depuis longtemps mené bataille contre ce crime social en partant du constat simple que, comme toujours, ce sont les travailleurs qui sont en première ligne dans ce démantèlement orchestré des filières historiques.

Pour la filière bois, ces attaques se sont faites particulièrement flagrantes ces derniers mois. Dans les seules Vosges, on peut noter au moins trois conflits sociaux d’envergure dernièrement: celui des salariés de la scierie de Valfroicourt, la grève des papeteries Clairefontaine et le procès remporté aux prud’hommes par les ex-MVM (groupe Parisot).

Tous ces conflits sont le fruit d’années de mépris pour les revendications des salariés du secteur. En 2015,  la CGT organisait à Montreuil une initiative de réflexion sur l’avenir de cette filière et, loin de défendre une vision passéiste des métiers concernés, militait pour une modernisation et un renouvellement profond de la filière. Elle identifiait des obstacles à un potentiel pourtant énorme. Tout laisse à penser que ses revendications n’ont pas été entendues, vu la situation aberrante du secteur.

Une situation absurde

Aujourd’hui, la France se comporte dans cette filière comme les pays victimes du néocoloniasme obligés de vendre à bas coût leurs matières premières brutes. Nous vendons des grumes brutes à bas coût et nous rachetons à prix d’or les produits finis : papier, planches, meubles,…

Tout cela pour une perte dans la balance commerciale de près de 6 milliards d’euros en 2016, soit le deuxième trou dans notre balance derrière l’énergie. Pour l’année 2016, le trou s’est encore creusé de 150 millions par rapport à l’exercice précédent. Cela se traduit évidemment par des pertes d’emplois.

Selon la CGT, la filière a perdu 50 000 emplois en dix ans avec la fermeture de plusieurs centaines de scieries. Quand on sait que la filière emploie 400 000 salariés sur tout le territoire, c’est un véritable sabordage qui est opéré.

Un savoir-faire historique brisée par l’absence de vision stratégique

Longtemps, la France a su mettre en valeur son couvert forestier avec des savoir-faires mondialement reconnus dans la papeterie  ou l’ameublement. Aujourd’hui plus faiblement exploitée, la forêt  ne cesse de s’étendre depuis quelques années et représente 30% du territoire national.

A l’heure actuelle, la production est totalement désorganisée, du fait d’abord d’un morcellement excessif : 3,5 millions de parcelles représentent les 70% du couvert forestier possédé par le privé. Refuser de remettre en cause cet éclatement en millions de petites propriétés inexploitées, c’est condamner les pouvoirs publics à l’inefficacité.

En effet, plusieurs rapports ont déjà souligné le potentiel de la filière, mais n’ont accouché que de lois faiblardes qui n’ont pas enrayé le naufrage du secteur.

Roger Perret, animateur de l’Institut de recherche et d’études des salariés agricoles déclarait en 2015 :

« La loi forestière ne donne pas les moyens de mener une véritable gestion des forêts françaises. La coupe du bois nécessite en outre des scieries et de la transformation. Or, la casse des scieries a été telle qu’à partir des objectifs que la loi a fixés, on ne détient plus la capacité de les atteindre. À cela s’ajoute le fait que les industriels pressurent les PME et les petites exploitations, ce qui ne permet pas une véritable valorisation du bois. »

Les gouvernements apparaissent donc totalement déconnectés de la situation réelle, incapable de saisir l’état de l’industrie française, ou les mécanismes de concentration et d’étouffement des petites exploitations inhérents au capitalisme.

L’Office National des Forêts abandonné

C’est pourtant d’une gestion nationale coordonnée qu’a besoin le secteur, une gestion au plus près des réalités du terrain, qui nécessite en premier lieu de remettre en cause l’état actuel de la propriété des forêts.

Seul organisme à fournir une vision nationale, l’ONF souffre d’un manque d’effectif et de moyens, notamment d’un sous-effectif flagrant dans des métiers souvent difficiles.

Comment prétendre défendre un projet d’avenir pour les forêts françaises quand les effectifs de l’organisme public ont chuté de 40%  depuis 1986 ? Là encore, le service public est sacrifié. Alors que les exploitations rentables, on l’a vu, se compte sur les doigts de la main, l’Etat a jugé bon de privatiser la zone d’activité de Velaine-en-Hay, pourtant largement bénéficiaire.

Des conditions de travail difficiles

Les conditions de travail ont provoqué depuis 10 ans 38 suicides.

Cette âpreté du travail est générale dans un secteur où 70% des salariés sont des ouvriers. Au nom de la pénibilité,  la CGT demande la retraite à 55 ans dans cette branche et le secteur détient le triste record du taux de salariés déclarés inaptes au travail (1,7%). Les revendications légitimes pour une meilleure formation, une revalorisation salariale et des perspectives de carrières se frottent à un patronat qui a su profiter de la désorganisation générale pour mettre en place une convention collective au rabais et renvoyer de nombreux points aux négociations dans l’entreprise. Une méthode que Macron voudrait aujourd’hui généraliser…

Alors, à quand un office national véritablement efficace, laissant la parole et la décision aux premiers concernés : les travailleurs de la filière ? A quand un service public efficace de mise en valeur et d’exploitation de la forêt et de tous ses potentiels : industriels, écologiques et récréatifs ?