Les figures de l’ombre : quand la science s’est affranchie de la ségrégation

femmes_ombreCapture d'écran de la bande annonce

1962 : en pleine guerre froide, la conquête spatiale est au cœur de l’affrontement entre les États-Unis et l’URSS. Il y est question de supériorité technologique, d’être à la pointe du savoir et de maîtrise de cette nouvelle frontière qu’est l’espace. Ce film retrace l’épopée scientifique qui a mené à l’envoi de la première navette étasunienne dans l’espace.

Mais il n’est pas question ici des astronautes mais bien d’une histoire inconnue du grand public : quand l’histoire politique des États-Unis de l’époque se mêle à celle d’un événement au retentissement international. Deux histoires a priori totalement étrangères, et pourtant…Les scénaristes ont décidé de faire appel à un casting relativement connu pour qui regarde les séries Empire ou The Big Bang Theory, ou pour les fans de soul music (Janel Monáe).

Pour rattraper son retard, Washington décide de mettre le paquet et d’investir massivement dans la recherche spatiale. Il fait appel à tous les chercheurs du pays, y compris des femmes et des personnes de couleur. Katherine Johnson est la figure principale, elle qui calculera le programme Mercury de la première navette etatsunienne, et enverra quelques années plus tard Apollo 11 sur la Lune en 1969. Accompagnée de ses amies Mary Jackson (ingénieure en mathématiques) et Dorothy Vaughan (spécialiste de la programmation informatique), elles joueront un rôle déterminant dans les avancées du programme de leur pays.

Voici que trois femmes sont intégrées au dispositif de recherche opérationnelle de Langley en Virginie. Évidemment, elles le sont sous commandement de leur supérieur blanc. Petit à petit, les relations se renforcent entre les personnages. Pour ceux qui sont les plus tolérants et sensibles à l’égalité (dans un contexte de luttes sociales fortes et de progressisme dans le pays), ils vont être confrontés à l’absurdité et à l’humiliation du système de ségrégation.

On voit d’ailleurs des scènes du quotidien ou des souvenirs d’enfance des trois héroïnes d’une violence innommable. Formées dans les universités dédiées à la population noire, les 3 chercheuses apprennent les mêmes contenus et le responsable du programme scientifique incarné par Kevin Costner s’en rend vite compte. La barrière raciale et sociale n’est plus une évidence surtout quand l’adversité n’est pas conçue comme étant dans la société mais face à un ennemi international qu’est l’URSS.

Malgré tout, les réticences restent fortes même dans un milieu scientifique teinté de progressisme. On y voit la misogynie et le maintien de privilèges sociaux alors que leurs consœurs noires pourraient légitimer exercer des missions à responsabilité à leur place. Ces dernières n’hésiteront pas à s’affirmer quitte à transgresser les conventions établies, se donnant pour mission de mener le combat antiségrégationniste dans leur profession avec succès puisqu’elles obtiennent peu à peu des avancées.

La sortie de ce film n’est pas anodine. Alors que la mandature Obama s’est terminée il y a quelques semaines, que la « question raciale » n’est pas résolue aux Etats-Unis, ce film a le mérite de montrer l’actualité du combat contre le racisme. Il n’en reste pas moins teinté d’idéalisme hollywoodien, laissant à penser que presque tous les problèmes de domination ont été dépassés. Charge aux spectateurs d’y voir un lien avec l’actualité et les combats en cours.

Ce film n’aurait probablement jamais vu le jour si Barack Obama n’avait pas remis la médaille présidentielle de la Liberté, plus haute distinction civile à Katherine Johnson en 2015.

Une preuve aussi du sexisme régnant dans les sphères de pouvoir et de la recherche tant le rôle de nombreuses femmes est minoré dans des découvertes scientifiques majeures.

Les figures de l’ombre reste un film à voir, intéressant pour mener la discussion et interpeller sur les batailles mémorielles et d’égalité.

Par Rédaction

Collectif de rédaction d'Avant Garde