États-Unis : « La campagne de Sanders n’était que le commencement » (YCLUSA)

Alike 4.0 International

Entretien avec Maicol David Lynch de la ligue des jeunes communistes des États-Unis sur la situation de la gauche à quelques mois du scrutin présidentiel. 

Après une campagne dynamique qui lui aura longtemps valu le statut de favori, le candidat indépendant à la primaire démocrate pour les élections présidentielles états-uniennes, Bernie Sanders, a annoncé la suspension de sa candidature le 8 avril, quelques jours avant d’annoncer son soutien à Joe Biden, désormais seul en lice. 

Dans le camp progressiste, les interrogations sont nombreuses sur les raisons de cet échec électoral, mais également sur les possibles résultats des élections de novembre et la possibilité de mettre un terme à la présidence Trump, mais aussi sur les perspectives de développement de l’idée « socialiste » dans le pays, qui connaît une popularité inédite depuis des décennies.

Maicol David Lynch, dirigeant de la Ligue des jeunes communistes des États-Unis, présente à l’Avant-Garde son analyse de la situation et les défis actuels de la gauche dans le pays.

Bernie Sanders, qui était considéré par de nombreux observateurs comme le favori pour remporter la primaire démocrate, a annoncé son retrait de la course le 8 avril dernier. Cela fait de Joe Biden le dernier candidat restant, un résultat que peu envisageaient. Que s’est-il passé ?

Le sénateur du Vermont Bernie Sanders a mené une campagne présidentielle de terrain, faite de centaines de milliers de volontaires et de millions de donateurs, provoquant des ondes de choc à travers l’ « establishment » démocrate. Il a mobilisé des millions de personnes pour participer à une politique progressiste – qui ont fait du porte-à-porte, inscrit des électeurs, manifesté, fait des dons, etc. – et mis en dynamique des gens qui auparavant étaient mis de côté sur le plan électoral. Sanders, de ce fait, et, car il représentait une menace crédible pour les profits de la classe dominante et des monopoles privés, était un ennemi de l’establishment du Parti démocrate, un parti qui est dirigé de longue date par des vendus aux grandes entreprises, qui ont toujours refusé les réformes progressistes.

À mesure que Sanders remportait des victoires dans les premiers caucus et primaires contre ses opposants démocrates, émergeant ainsi comme un candidat de plus en plus en mesure de remporter la nomination, plusieurs démocrates de droite se sont retirés de la course et ont rallié l’ancien vice-président Joe Biden, formant une coalition contre l’aile progressiste, pro-Sanders, du parti. Le vent a commencé à changer pour Sanders après la primaire de Caroline du Sud, lors de laquelle Biden a remporté une victoire décisive parmi un corps électoral principalement noir. Cette victoire, ainsi que la privation massive du droit de vote, les purges et les manœuvres de l’establishment démocrate, a permis à Biden de prendre une avance significative sur Sanders. Ne bénéficiant de presque aucun moyen pour obtenir la nomination, Sanders a suspendu sa campagne le 8 avril et annoncé soutenir Biden le lundi 13 avril.

Quelles sont désormais les perspectives pour les élections présidentielles ? Comment évaluez-vous la signification et l’impact du soutien de Sanders à Biden ?

La campagne de Bernie Sanders a mobilisé des millions de travailleurs autour de questions centrales telles que l’Assurance santé pour tous (Medicare for All), la syndicalisation, la hausse du salaire minimum, des logements accessibles, l’éducation gratuite, la taxation des entreprises riches et exploiteuses. Le CPUSA et la Ligue des jeunes communistes placent les luttes autour de ces questions au-dessus de celle du soutien à quelque candidat bourgeois individuel que ce soit. Cependant, nous reconnaissons le besoin urgent de battre le fascisme qui s’est manifesté dans le mouvement Trump. Nous pensons que c’est la classe travailleuse elle-même, et non la machine de l’establishment du Parti démocrate, qui doit se mobiliser contre le fascisme et pour battre Trump. Cela ne se limite pas à la politique électorale et la défaite de Sanders sur ce plan ne signifie pas que la classe travailleuse, surtout la jeunesse, ne peut pas porter une lutte plus radicale.

Au-delà du processus électoral, quel peut être l’impact de la campagne de Sanders pour la gauche et le mouvement populaire états-uniens ?

La campagne de Sanders a reformulé le débat politique états-unien et déplacé l’attention vers les excès et la grave exploitation mis en œuvre par la bourgeoisie, ou le 1 %, pour reprendre les termes de Sanders. Le mouvement de ce dernier a fait prendre conscience et rendu populaires des questions progressistes, qui sont centrales pour donner plus de pouvoir aux travailleurs et améliorer leurs conditions matérielles, par exemple un système de santé à payeur unique [où les coûts sont pris en charge par une unique entité publique], le logement comme droit humain, l’éducation gratuite, un New Deal vert, etc. Faire basculer le débat dans une direction plus à gauche et progressiste est une victoire importante de la campagne. Sanders a également mobilisé les jeunes en masse, une catégorie démographique qui était auparavant en retrait de la politique en général. Il y a désormais un grand potentiel pour qu’un authentique mouvement de la classe travailleuse porte ces luttes plus loin et éveille la conscience de classe dans le sens d’un renversement du capitalisme. La campagne de Sanders n’était que le commencement. Une fois que l’extrême droite aura été battue en novembre, le mouvement de masse pour le socialisme, qui continue de grandir jour après jour, sera capable d’assembler une coalition contre les monopoles, afin de démanteler la « démocratie » bourgeoise à deux partis dans ce pays. C’est bien entendu pourquoi nous nous battons pour que la classe travailleuse devienne indépendante politiquement du système bipartisan, en encourageant les travailleurs et les étudiants à voter en ayant ces questions en tête, plutôt que d’en faire une compétition entre des personnalités individuelles.

Quel est l’impact attendu de la gestion de la crise du Covid-19 par l’administration Trump sur les élections de novembre ?

Ni Trump ni sa base évangéliste ne croient à la science. Il n’a pas confiance dans les scientifiques en ce qui concerne le changement climatique et n’a pas cru les avertissements des docteurs, ici et à l’étranger, dans les mois précédant le confinement national, qui a débuté dans différents états à partir de la mi-mars. Bien que de nombreux Etats-Uniens, particulièrement parmi les jeunes et les Latinos, resteront chez eux pour les élections ou voteront pour un troisième parti inutile en signe de protestation, plus de gens iront voter que lors des élections de 2016, dans un effort pour battre l’extrême droite. Biden est particulièrement populaire dans la communauté afro-américaine du fait de son ancien poste de vice-président d’Obama, et parce que les travailleurs de toutes couleurs et croyances s’unissent autour de questions concrètes, au lieu de faire de la lutte électorale un combat démocrates contre républicains. Biden n’est en aucun cas progressiste, mais le message social-démocrate de Sanders a gagné et sera, nous l’espérons, utilisé par les masses pour pousser l’ancien vice-président vers la gauche en ce qui concerne l’assurance maladie, les droits reproductifs des femmes, le changement climatique, le droit du travail et d’autres questions.

Par Rédaction

Collectif de rédaction d'Avant Garde