“Semer les graines d’une gauche combative, généreuse et populaire” Entretien avec Francois Ruffin et Zoé Desbureaux

Rédaction | Avant Garde

Dans le cadre de la campagne des élections législatives, nous donnons la parole aux candidats qui veulent porter la voix de la jeunesse, du progrès et de l’espoir.

François Ruffin, on ne le présente plus, est candidat aux élections législatives sur la première circonscription de la Somme. Sa suppléante, Zoé Desbureaux, est professeure de français. A 25 ans, elle est syndicaliste et militante au MJCF et au PCF. Le binôme est soutenu par toutes les forces de gauche mis à part le PS, une unité rare dans cette campagne.

Avant-Garde : Vous êtes un binôme emblématique de par vos profils respectifs et l’unité qui se dégage de vos soutiens, quel sens donnez-vous à cette candidature ?

François Ruffin : Moi je veux qu’on sème les graines pour demain d’une gauche qui soit combative généreuse et populaire.

Zoé Desbureaux : Le slogan du journal de François c’est “fâché avec tout le monde ou presque”, c’est assez symbolique le fait de s’allier comme ça et de choisir une communiste comme suppléante. Depuis un moment on soulève la question du rassemblement, notamment pour ne pas reproduire l’expérience des régionales ou communistes et écologistes s’affrontaient dans la Somme. Plein de gens disent qu’il y a un souffle nouveau, c’est vrai mais les militants que je vois autour de moi sont ceux que j’ai l’habitude de croiser dans les différentes forces de gauche sur Amiens. On a donc réussi à allier le militantisme politique traditionnel et de terrain des communistes, comme la force du porte à porte, et la force de la communication avec l’équipe qui entoure François.

AG : Quels sont pour vous les grands chantiers du quinquennat à venir ? Et Pour les jeunes ?

Il y a un combat à mener pour l’ensemble de la société mais dont les jeunes hériteront en premier lieu, c’est le combat contre la précarité.

FR : La jeunesse entre dans un monde du travail qui est complètement désarticulé par des CDD, de l’intérim, des services civiques ou des contrats d’auxiliaires, de vacataires, etc. Il y a un combat à mener pour l’ensemble de la société mais dont les jeunes hériteront en premier lieu, c’est le combat contre la précarité. C’est un combat général qui n’est pas un combat spécifique en direction des jeunes mais les premiers qui en bénéficieront ça sera les jeunes.

Je suis pour qu’on diminue l’usage de la voiture mais pas pour que ce soit les pauvres à qui on le diminue sous la contrainte.

Je suis très sensible à la question de la mobilité chez les jeunes, notamment en milieu rural. En particulier les difficultés que cela implique pour aller chercher du boulot. Je considère que le permis de conduire devrait être intégré au parcours scolaire ou du moins qu’il doit y avoir de très fortes aides. Une sorte de service public du permis de conduire et la possibilité d’acquérir des voitures parce qu’à la campagne c’est nécessaire. Quand je vois des gens qui sont condamnés à ne pas trouver de travail parce que c’est la galère au niveau des transports, autant je suis pour qu’on diminue l’usage de la voiture mais pas pour que ce soit les pauvres à qui on le diminue sous la contrainte.

Je suis aussi favorable à un revenu de formation au niveau du SMIC qui permette aux gens de se former et, lorsqu’ils ont des contrats de travail qui ne sont pas satisfaisants, de percevoir un revenu digne avant d’avoir les 25 ans nécessaires pour le RSA.

ZD : Pour les jeunes nous avons commencé à quelques uns la rédaction d’un tract spécifique. On fait surtout ressortir la problématique de l’insertion professionnelle car dans la Somme on ressent surtout une grande détresse au niveau de l’emploi. On ressent vraiment le sas de précarité qu’on a l’habitude de dénoncer à la JC. Toutes les usines ferment autour de nous comme Goodyear, Bigard et maintenant Whirlpool et Dunlop qui se préparent aussi à fermer. Nous avons également été contacté par un sous traitant de Tatti.

On a l’impression que tout se qui faisait l’économie du département se sauve et qu’on n’a pas vraiment d’autre choix que celui de faire des études supérieures quand on est suffisamment aisé ou d’être condamné à errer si ce n’est pas le cas. J’ai plein d’amis qui n’ont rien…

Sinon plus largement notre slogan de campagne c’est “Un banquier à l’Elysée, le peuple à l’assemblée”. Nous voulons surtout redonner une parole populaire à l’assemblée et se soucier vraiment des gens qui galèrent. Nous voulons défendre la sécurité sociale, nous voulons nous protéger mutuellement. On critique le CICE par exemple parce qu’on donne beaucoup à ceux qui en ont déjà, alors que nous on nous rétrécit toujours le peu qu’on a.

AG : Vous vous faites l’écho de nombreuses luttes locales et nationales comment imaginez vous l’articulation entre la lutte et le travail parlementaire ?

Faire que les voix qu’on portera à l’assemblée soient fortes de millions de voix dans la rue.

FR : Il ne faut pas se la raconter on va jouer en défense [rire]. Le grand chantier quand on sera élu c’est de trouver le chemin avec les gens, avec la rue et de faire que les voix qu’on portera à l’assemblée soient fortes de millions de voix dans la rue. Je ne vois pas mon rôle autrement que comme un animateur de cela, comme quelqu’un qui vient relayer dans l’hémicycle ce qui doit se passer dans la rue. Donc il faut à la fois qu’on le suscite, et qu’on le transmette.

Pour moi on ne pourra pas peser dans l’Assemblée Nationale s’il n’y a pas une forte demande de la société. Alors cela peut s’exprimer par des sondages, c’est un mode d’interpellation pour montrer qu’on est majoritaire, on peut interpeler par un certain nombre de témoignages qu’on ramène aussi. Mais cela se fait aussi par des mobilisations.

ZD : Moi je trouve que c’est important d’avoir des témoignages, de rencontrer des gens qui savent de quoi ils parlent. C’est ce qu’on fait par exemple en ce moment avec les ouvriers Whirlpool, on a vraiment une parole de premiers concernés. On ne leur prend pas la parole, notre rôle c’est de la porter. Il faut travailler au plus près dans les dossiers, au plus près des concernés, être sur place, faire de la politique d’investigation en fait.

AG: De nombreux jeunes sont déçus du résultat de l’élection présidentielle et de la politique gouvernementale qui s’annonce, quel message leur adressez-vous ?

Il y a un appétit pour une autre politique dans la jeunesse.

RF : Il faut d’abord qu’il se tiennent à leur vote du premier tour. Il y a eu beaucoup de positif dans le vote Jean-Luc Mélenchon du 1er tour. Sur Amiens on voit bien que c’est dans les quartiers populaires que Mélenchon a fait de très bons scores, donc on renoue avec un vote populaire, un peu moins dans les zones rurales et périurbaines. Et plus de 30% des jeunes ont voté pour lui à la présidentielle. Maintenant la difficulté c’est de construire cela dans la durée, que ça ne soit pas que ponctuel. Il y a un appétit pour une autre politique dans la jeunesse et malheureusement cela peut se traduire aussi par du vote FN.

ZD : J’ai envie de leur dire de se bouger avec nous. La politique ce n’est pas que les costards cravates à l’Assemblée, nous on organise des matchs de foot, on a un camion buvette, etc. Il y a plein de façons d’aborder la politique et il ne faut pas s’imaginer que ça ne se passe qu’à l’Assemblée. C’est partout et les urnes seront toujours appuyées par la rue!

Par Rédaction

Collectif de rédaction d'Avant Garde