« Chypre est le pays où l’écart entre riches et pauvres a le plus augmenté dans l’UE » : Entretien avec Christos Christofias, secrétaire général d’EDON

entretien-christos-christofias-secretaire-general-dedonConcert pendant la campagne électorale | EDON

Le 28 janvier se tenait le premier tour des élections présidentielles à Chypre. Nikos Anastasiades, président de droite sortant, est arrivé en tête avec 35,5% des voix, suivi de  Stavros Malas, candidat indépendant soutenu par le parti communiste AKEL, qui recueille lui 30,2% des suffrages. Le second tour aura lieu le dimanche 4 février et déterminera le futur de l’île pour les prochaines années.

Presidential Candidate Stavros Malas | EDON

Malgré sa taille modeste (1,14 million d’habitants et une superficie équivalente à celle du département des Landes), Chypre condense de nombreuses problématiques qui se posent aux pays européens (politiques d’austérité, arrivée de réfugiés), auxquelles s’ajoute l’occupation militaire du nord de l’île par la Turquie depuis 1974.

À l’occasion de ces élections, nous avons demandé à Christos Christofias, secrétaire-général d’EDON – Organisation unie démocratique de jeunesse, aile de jeunesse d’AKEL et membre de la FMJD (Fédération Mondiale de la Jeunesse Démocratique) – ses analyses sur la situation actuelle.

G.C. of EDON c. Christos Christofias | EDON

2018 sera une année importante pour Chypre, avec des élections législatives dans le nord de l’île, occupé par la Turquie, et les élections présidentielles dans le sud, en janvier. Comment ces élections peuvent-elles façonner l’avenir du pays ?

Les résultats des « élections législatives » illégales qui se sont tenues dans les territoires occupés ont dans une certaine mesure eu un effet négatif sur les efforts en vue de résoudre le problème chypriote. En effet, malheureusement, les forces de droite dans la communauté chypriote-turque – qui s’opposent à la solution d’une fédération bi-zonale et bi-communale, sur laquelle les discussions sont fondées – se sont renforcées.

Néanmoins, le dirigeant chypriote-turc Mustafa Akinci, qui joue le rôle de négociateur et qui est favorable aux bases des négociations et à la réunification de l’île, est toujours en fonctions.

Les prochaines élections présidentielles en République de Chypre sont cruciales pour le futur de l’île, car ce n’est qu’avec l’élection d’un candidat indépendant – qui est également soutenu par AKEL – que nous pouvons espérer une reprise des discussions là où elles avaient été laissées et une issue positive à celles-ci.

Les faits-accomplis que sont l’invasion et l’occupation turque, qui durent et se consolident depuis 44 ans, nous mènent vers la partition. C’est pourquoi nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour libérer et réunifier Chypre et notre peuple le plus tôt possible, pour nous débarrasser de l’occupation et de la colonisation, pour rétablir les droits humains et les libertés fondamentales du peuple chypriote dans son ensemble, et pour avoir une solution qui éloigne toutes « puissances garantes » et « droits d’intervention ».

De 2013 à 2016, sous le gouvernement de droite actuel de Nikos Anastasiades, Chypre a été soumise à un mémorandum de l’UE. Le « programme d’assistance » a été présenté comme un succès exemplaire par la Troika (FMI, BCE, Commission européenne), qui a notamment souligné la réduction du déficit public. Mais quels ont été les coûts de cette politique pour la population chypriote et les jeunes en particulier ?

Au cours des cinq dernières années, le gouvernement d’Anastasiades et de son Rassemblement démocrate (DISY) s’est concentré sur l’imposition des recettes néolibérales pour faire face à la crise capitaliste, via le mémorandum : attaques contre l’État-providence, réduction des salaires et des retraites, coupes dans les aides et allocations sociales, coupes dans les dépenses de santé, d’éducation et de culture.

Ce sont également cinq ans d’insultes éhontées à l’intelligence et à la dignité de la majorité écrasante de notre peuple, par le clientélisme et le népotisme, la violation des lois, l’extermination politique des opposants, l’exacerbation de la corruption et des mélanges d’intérêts, la détérioration de la sécurité des citoyens, l’émigration de masse de milliers de nos compatriotes – en particulier parmi les jeunes générations.

Bien sûr, ces cinq ans n’ont pas été mauvais pour tout le monde. Certains ont vu leurs revenus augmenter : les 10% les plus riches de la population. Selon l’agence statistique Eurostat, Chypre est en effet le pays où l’écart entre riches et pauvres a le plus augmenté dans l’UE.

Zones occupées | EDON

Chypre est située à cent kilomètres à peine des côtes syriennes. Comment le conflit dans ce pays a-t-il affecté Chypre ? Quelle est la position d’EDON sur la « crise des réfugiés » ?

Dans notre voisinage de la Méditerranée orientale, des milliers de Syriens sont devenus des réfugiés à cause de la guerre civile sanglante fomentée par l’OTAN, les Etats-Unis et leurs alliés dans la région.

Nous avons reçu plusieurs milliers de réfugiés dans notre pays, avec lesquels nous avons exprimé notre solidarité. La situation est très difficile du fait des crimes commis par l’impérialisme en Syrie ces dernières années. La magnitude du désastre humanitaire ne se reflète pas uniquement dans les milliers de réfugiés qui se sont noyés dans la Méditerranée, mais aussi dans ceux qui sont restés. Elle s’exprime dans les familles qui tentent de survivre en recherchant aliments de base et médicaments. EDON a démontré sa solidarité avec les victimes des atrocités impérialistes de la façon la plus pratique, des victimes qui subissent de la façon la plus brutale les conséquences des interventions impérialistes au Moyen-Orient.

Barrière entre les "deux" Chypre | EDON

Tous ces sujets illustrent la nature profondément interconnectée des problèmes actuels. Quelles sont pour EDON les principales tâches de l’internationalisme aujourd’hui ?

En ces temps difficiles, l’unité du mouvement international sur une base de classe et anti-impérialiste n’a jamais été aussi obligatoire. La classe travailleuse, avec la gauche en première ligne, a le devoir d’organiser et de mener les luttes. Malheureusement, de manière générale, la gauche est aujourd’hui très hétérogène et sur la défensive, situation à laquelle a contribué la retraite du mouvement communiste après la dissolution de la communauté des États socialistes.

Néanmoins, la gauche peut et doit dans les conditions actuelles, être au premier rang des forces qui ne transigent pas avec l’injustice, l’impérialisme et l’impasse du capitalisme. La solidarité internationaliste et la coordination de l’action entre les organisations communistes et progressistes et le mouvement anti-impérialiste au plan mondial est une nécessité. La Fédération mondiale de la jeunesse démocratique doit rester en première ligne de cette lutte.

Les luttes de la gauche ne peuvent qu’être connectées à la perspective de la construction d’une société qualitativement supérieure qui est le socialisme. Une société qui abolisse l’exploitation, une société fondée sur la justice et la solidarité et qui soit centrée sur les peuples et leurs véritables besoins.

Par Rédaction

Collectif de rédaction d'Avant Garde