Elimination des violences faites aux femmes, entretien avec Camille Lainé

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Le weekend du 25 novembre sera l’occasion de nombreuses mobilisations pour l’élimination des violences faites aux femmes. Nous avons recueilli les propos de Camille Lainé, secrétaire générale du MJCF, qui appelle à y participer.

Pourquoi le MJCF appelle-t-il les jeunes à se mobiliser dans le cadre de la journée internationale pour l’élimination des violences faites aux femmes ?

Pour le Mouvement jeunes communistes de France, c’est un enjeu politique fort mais également un marqueur de notre engagement communiste. Notre mouvement est féministe et lutte pour une société d’égalité. Le patriarcat aujourd’hui empêche la totalité des individus de se réaliser pleinement en les enfermant dans des rôles.

Pour les femmes, le patriarcat s’exprime également pas la violence la plus terrible. Les chiffres sont connus et circulent largement mais il ne faut jamais cesser de les répéter. Tous les trois jours une femme meurt sous les coups de son compagnon. Chaque soir des milliers de femmes ont peur en rentrant chez elles, des dangers des espaces publics mais surtout de ce qui les attend chez elles.

Un chiffre m’a particulièrement marqué, 8% des filles de 15 à 17 ans ont déjà eu à subir un rapport sexuel forcé ou une tentative. C’est absolument énorme et symptomatique de la violence engendrée par le patriarcat. Il n’est pas possible dans notre combat communiste de faire l’impasse sur les violences subies par la moitié de la population.

Le sujet semble faire consensus, est-il utile de se mobiliser ?

Il est vrai que la majorité du champ politique affiche sa volonté de combattre les violences sexistes et sexuelles. Pourtant rien ne change. Ou trop peu et pas assez vite.

Cet apparent consensus cache deux contradictions.

La première c’est que la lutte contre les violences faites aux femmes nécessite une action forte et sur un temps long. Les gouvernements successifs travaillent dans le même sens d’amoindrissement de l’action publique et l’impératif du temps court. Investir des milliards d’euros dans l’éducation des générations futures, c’est moins porteur que de faire voter une nouvelle loi pénale qui ne coûte rien. La première contradiction c’est que pour lutter contre les violences faites aux femmes, il faut produire des actes forts.

La deuxième c’est que la lutte contre les violences faites aux femmes ne peut réellement se mener sans remise en cause du patriarcat. Tant que les individus seront enfermés dans des rôles pré-assignés, nous observerons toujours des dominants et des dominées ainsi que les violences qui vont avec. Il est illusoir de prétendre vouloir combattre les violences faites aux femmes sans remise en cause radicale de l’organisation patriarcale de la société. La fin des violences nécessite l’égalité réelle.

Il ne faut donc rien considérer comme gagné, ou se montrer attentiste, il faut saisir chaque occasion pour faire avancer les choses. Le 25 novembre en est une.

Un an après MeToo constatez-vous des évolutions ?

Assurément. La parole des femmes victimes de violences a plus de poids. Je pense que c’est l’évolution principale apportée par l’affaire Weinstein, et pour la France la vague de témoignages sous le hashtag #BalanceTonPorc. Cette légitimité nouvelle pour ces femmes a soulevé d’importantes contradictions qui se sont muées en réactions parfois violentes. On a pu constater par la violence de ces réactions la crispation que génère la remise en cause du système patriarcal.

Si les témoignages tournaient particulièrement autour des violences sexuelles et sexistes, la force de MeToo c’est, en montrant leur nombre, d’avoir montrer leur caractère systémique. L’ampleur en nombre, la fréquence, le quotidien de ces violences est l’illustration que ces violences sont produites par un système et aujourd’hui le perpétue.

Défendre un viol est quelque chose de quasiment inenvisageable, pourtant celles et ceux qui défendent l’organisation patriarcale défendent tous les viols. Cette masse de violences est le fruit et la condition nécessaire du patriarcat et ça MeToo l’a exposé, l’a montré.

Pour le reste, le gouvernement français ne s’est pas montré à la hauteur et c’est regrettable car on commence à sentir que l’opportunité historique est en train de se refermer, c’est pour ça qu’il est important de se mobiliser.

Le mouvement féministe est divisé sur de nombreux sujets, la lutte contre les violences sexistes est-elle le plus petit dénominateur commun ?

Peut être. Sans alimenter les divisions pour le seul plaisir de le faire, il ne faut toutefois pas considérer que la lutte contre les violences sexistes se suffit à elle même. Comme je le disais, il n’est pas possible de lutter contre elles sans lutter contre le patriarcat dans son ensemble. L’autre aspect c’est qu’il faut réellement agir, accepter de faire des choix clivants, qui nécessitent des moyens conséquents.

Je pense que ce serait une erreur d’abandonner cette exigence pour une unité de façade qui se traduirait par l’abandon d’une lutte réelle.

Quel apport particulier souhaitez-vous apporter au mouvement féministe en tant que jeunes communistes ?

Le mouvement jeunes communistes de France doit premièrement être un acteur essentiel et systématique des mobilisations et luttes féministes. C’est la première chose que nous devons apporter. Nous avons par nos pratiques une mission particulière de mobilisation des jeunes.

Ensuite nous avons le rôle de montrer la nécessité d’une rupture radicale avec l’ordre actuel des choses pour parvenir aux victoires auxquelles les femmes aspirent. Les militantes féministes sont bien évidemment déjà conscientes de ça, mais nous avons pour rôle de nous adresser aux jeunes femmes et aux jeunes hommes pour leur montrer que le patriarcat n’est pas un état de nature indépassable. Quand en tant que jeunes communistes nous faisons le choix de nous investir fortement sur ces mobilisations, c’est avec tout ça en tête.

Par Rédaction

Collectif de rédaction d'Avant Garde