E3C à Rennes : entre répression, désœuvrement et amateurisme

JC 62

Depuis le début de l’année scolaire, c’est l’incompréhension qui règne dans les établissements. Enseignant·e·s, élèves, parents, tou·te·s s’interrogent sur cette réforme du bac et ses conséquences sur l’avenir de la jeunesse. Sans surprise, la politique de Blanquer démantelant complètement le système éducatif tel que nous le connaissons impacte directement et négativement le déroulé des études secondaires. Elle met les élèves et les personnels des établissements dans des positions stressantes et angoissantes.

Ce sont les E3C qui sont aujourd’hui au cœur de la polémique. La part plus importante au contrôle continu pour le bac pénalise en effet toute une génération. D’une part, la réforme s’inscrit dans la logique libérale et compétitive du gouvernement Macron, puisque les établissements ne sont pas à égalité sur les offres de spécialités et sur les moyens mis en œuvre pour chaque lycéen·ne. D’autre part, les conditions de passage de ces épreuves sont désastreuses, bien que les rectorats affirment le contraire.

Ces conditions d’évaluation sont intéressantes à analyser, au-delà de la logique politique de la réforme.

Reportage à Rennes, où Avant-Garde est parti à la rencontre de lycéen·ne·s qui au travers de leurs témoignages anonymes nous révèlent la seule considération technocratique du ministère envers la jeunesse.

Tout d’abord, les élèves relèvent un amateurisme et un manque de prévoyance sur l’organisation des épreuves. Le manque d’information du personnel, mais aussi une volonté de désinvestir les professeur·e·s ont logiquement provoqué une gestion hasardeuse des moments de composition, allant à l’encontre des règles légales de déroulement des épreuves (« Le surveillant ne connaissait pas les consignes de déroulées de l’épreuve »). Accès aux téléphones (« Le proviseur adjoint a interrompu l’épreuve pour demander aux élèves de mettre leurs sacs dans le fond de la salle, ce qui n’avait pas été fait par le surveillant »), salles bruyantes et non conformes aux règles de sécurité (« Le proviseur adjoint a autorisé le surveillant à s’enfermer avec les élèves dans la salle pour plus de calme. Les élèves ont aussi été enfermés l’après-midi »), changement de salle au cours de l’épreuve : tous ces éléments ont accru le stress des élèves, placés dans des conditions peu propices à la réussite. C’est le sens du témoignage d’une élève de première dans un lycée rennais :

« Jeudi matin, c’était flippant et anxiogène avec ces surveillants froids et droits, qu’on ne connaît pas et qui avaient l’air vides d’empathie pour exécuter les ordres. »

À cela sont venues s’ajouter des évaluations inédites, pour lesquelles ils et elles n’ont pas été préparé·e·s convenablement. En effet, on peut aussi noter que certain·e·s lycéen·e·s ont composé sur des sujets qu’ils et elles ne connaissaient pas et qui n’avaient pas été étudiés en cours. Elève en première au lycée Rennes, un lycéen en a fait les frais :

« Les sujets n’ont pas été vus en entier durant les cours voir pas du tout abordés. »

Les conséquences du manque de sérénité, pourtant nécessaire pour des épreuves diplômantes, sont catastrophiques pour les élèves, déjà inquièt·e·s quant à leur avenir, mais également désavantagé·e·s par rapport à leurs camarades d’autres établissements. Le ministre de l’Éducation nationale caractérise sa politique par une mise en place précipitée et désorganisée d’une réforme à peine finalisée. Le Syndicat national des Enseignants du Secondaire (SNES) évoque par exemple dans un communiqué la problématique de la banque nationale des sujets. Présentée comme une solution efficace et pratique à l’égalité de traitement des candidat·e·s, elle fut publiée dans l’urgence, expliquant le manque de préparation des élèves et des enseignant·e·s sur des sujets, ce qui garantit finalement une inégalité entre les lycéen·e·s sur tout le territoire.

Les élèves mobilisé·e·s ont d’ailleurs payé le prix de leurs revendications. Parlons par exemple du lycée Victor et Hélène Basch (Rennes) où les élèves ont été accueilli·e·s pour leurs épreuves par des compagnies de CRS et de gardes mobiles en armes. Pour les plus impliqué·e·s, les conséquences sont parfois graves. Les proviseurs et recteurs font peser sur elles et eux bon nombre de pressions administratives, méthode utilisée, parfois avec zèle, depuis le début des mobilisations contre la casse du système éducatif et contre Parcoursup (voir notre article à ce sujet). Ainsi, les lycéen·ne·s les plus contestataires se retrouvent sous le joug d’une menace des directions, un 0/20 sans possibilité de rattrapages, empêchant ainsi la mobilisation de leurs camarades. La répression s’abat aussi sur le personnel éducatif. Mi-janvier, le ministère annonçait déjà 500 rappels à l’ordre d’enseignant·e·s grévistes et 50 sanctions disciplinaires.

Jean-Michel Blanquer est, semblerait-il, pressé de détruire toute forme d’égalité des chances dans le système éducatif et a mis en place une politique dangereuse, traitant les élèves comme de simples apprenants et les privant de toute possibilité de critique. Chacun et chacune, qu’il ou elle soit enseignant·e, personnel administratif ou lycéen·e·s doit rentrer dans le rang, sous peine de sanctions toujours plus conséquentes.

Pourtant, la répression est médiatisée et dénoncée par les syndicats, et le ministre et ses recteurs peinent à la dissimuler, malgré l’envoi de messages rassurants aux parents sur le déroulé des épreuves. Comment être dupé par ces méthodes quand le matin même les parents déposent leurs enfants devant une armée de CRS la matraque et le revolver à la ceinture ? Les lycéen·e·s et les personnels continuent donc de se mobiliser, notamment en perspective des prochaines E3C, qui auront lieu dans quelques mois.