Le droit à l’erreur réservé aux plus riches

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La semaine dernière, le gouvernement dévoilait le projet annoncé phare du quinquennat Macron. Son objectif annoncé est de simplifier les relations avec l’administration, à la fois pour les particuliers et les entreprises. Pourtant, une fois de plus, force est de constater que les ambitions et la portée ne concerne que les plus riches.

Une vision restrictive de l’erreur

L’administration a souvent tendance à considérer que de simples erreurs (un retard ou une omission déclarative par exemple) constituent en réalité des «manquements délibérés», autrement dit des fautes volontaires, ce qui exclut la bonne foi des contribuables.

Ainsi, seuls ceux ayant déclaré leurs revenus en temps et en heure auront accès à ces simplifications administratives. Finalement, il n’y aura pas grand intérêt à rectifier une erreur, au vu des risques associés au fait de se dénoncer sans savoir si l’administration accordera le bénéfice de la bonne foi. Or, la qualification est très subjective.

Pour la majorité des mesurettes en forme de coup de communication

Les contribuables de bonne foi donc, bénéficieront de deux types de mesure.

Une remise gracieuse de pénalités, totale ou partielle, d’amendes ou de majorations fiscales ainsi que d’intérêts de retard.

Une relance amiable, qui permettrait aux contribuables de régulariser une discordance entre les sommes déclarées et les informations que lui fournissent les tiers déclarants (employeurs, caisses de retraite, etc.), seulement si la nature et le montant des écarts constatés permettent de penser qu’il s’agit de simples erreurs l’indiquent à l’administration par retour de courrier.

Des dispositifs pour alléger ces pénalités, qui concernent environ 800.000 personnes par an, existaient déjà. La bonne foi aurait pour résultat de permettre de diminuer les intérêts de retard de 30 ou de 50%.

Paroles, paroles, paroles

L’autre point majeur du projet de loi, le droit au contrôle, est également critiqué.

Théoriquement actionnable par tout usager, il vise à « privilégier le dialogue et le conseil au détriment du contrôle et de la sanction ». Cependant, il s’agit de la mise en place d’une procédure supplémentaire, sans simplification des normes et procédures existantes.

Autrement dit, l’applicabilité de ce droit est en question, puisque dans un contexte d’austérité débridée, alors que la plupart des services de l’Etat ont vu leurs moyens fortement réduits et leur fonctionnement perturbé, on voit mal comment le centre des finances publiques pourra assumer ces nouvelles missions.

A ce propos, une autre proposition d’adapter les horaires des administrations « aux besoins réel des Français » a également fait réagir. Jusqu’ici , ni les syndicats ni les agents de la fonction publique ont été consultés sur de possibles extensions d’horaires, et tous pointent les fermetures d’administrations en province qui compliquent la prise en charge réelle des usagers.

Pour les entreprises, un droit à la tentative de fraude ?

Le projet de loi concerne toutes les relations entre les usagers et l’administration, mettant sur pieds d’égalité entreprises et citoyens. Mais le droit à l’erreur pour les entreprises pose un certain nombre de question, notamment quand le projet de loi prévoit que l’inspection du travail ne sanctionne plus systématiquement mais donne  des avertissements si elle estime que l’intention frauduleuse n’est pas avérée. On imagine aisément que des consignes nationales seront données en ce sens.

Alors que le gouvernement publie des lettres types de licenciement et propose un calculateur d’indemnité pour licenciement abusif, on devine quelle utilisation de cette clémence envers les entreprises sera faite.

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De même la présomption de bonne foi pour les entreprises peut être prise comme une véritable invitation à tenter le coup. Alors que les révélations fracassantes de fraudes fiscales, ou d’optimisation très avancée se multiplient, partir du principe que tous les acteurs sont de bonne foi, c’est prendre le risque d’une surcharge de travail pour les administrations. Après tout, payer avec quelques mois de retards et sans pénalités, pour certains groupes avec d’importantes sommes c’est déjà économiser un peu… sur le dos de l’Etat et des citoyens donc.

Simplification, ou mesures d’exception ?

Mais ce n’est pas tout. D’autres mesures envers les entreprises semblent particulièrement dangereuses pour le respect de la loi et la justice. Telle que la volonté d’instaurer un “bouclier”, qui limiterait la durée cumulée d’inspection administrative à neuf mois sur trois ans. Que pourront faire les salariés, alors, s’ils constatent entre temps des anomalies ou s’ils vivent des conditions de travail  anormales ?

Autre proposition stupéfiante: la possibilité pour un employeur dans le secteur de la construction de contourner les normes et les matériaux requis par la législation en vigueur. En effet, la nouvelle loi prévoit un “permis de faire” qui donne la liberté au constructeur de choisir d’autres techniques ou matériaux “plus innovants” si leur performance est prouvée. Cependant, le texte ne précise pas encore comment ces preuves seront étudiées. Sous couvert de simplification, le gouvernement d’Emmanuel Macron s’apprête donc à autoriser de multiples dérogations à la loi, créant ainsi un véritable dispositif d’exceptions.

Malgré l’intention affichée par Gérald Darmanin de “lever la peur de la sanction, qui décourage les bonnes volontés”, il s’agit à nouveau d’en finir avec le droit commun.

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