De la CMUc à la Couverture santé solidaire : quelle couverture maladie pour les plus précaires ?

Redaction

Le 1er novembre 2019 un nouveau dispositif est lancé, réformant la CMUc (couverture maladie universelle complémentaire) et l’ACS (aide à la complémentaire santé). Agnès Buzyn communique sur une simplification du droit pour garantir l’accès à la santé pour toutes et tous. Derrière cette communication de façade, se cache un réel virage idéologique.

La protection maladie : présentation générale

La protection maladie est un droit pour toute la population, financé par un système d’assurances obligatoires par cotisations et prélèvements divers. Il est historiquement apparu avec la Sécurité Sociale, mise en place en 1945 par Ambroise CROIZAT (PCF), alors ministre du travail.

Aujourd’hui, nos soins sont remboursés en deux temps. La Caisse Primaire d’Assurance Maladie, branche santé de la Sécurité sociale, rembourse généralement 70 % des frais, c’est la protection de base. Les mutuelles privées remboursent, elles, les 30 % restants, c’est la protection complémentaire. Il faut noter que depuis 2005, une participation forfaitaire d’un euro est exigée à chaque acte médical. Cet euro restant à notre charge est censé nous inviter à la responsabilité. Soyons de bons citoyens : ne tombons pas malades !

Si nous sommes affiliés à l’assurance maladie dès la première heure travaillée, ou selon un critère de résidence stable en France, nous avons la liberté de choisir une mutuelle privée sur le marché de la concurrence libre et non faussée. Le principe louable de la Sécurité sociale, « De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins » n’est valable donc qu’à 70 % pour le remboursement de nos frais de santé.

La protection maladie des plus précaire, principes et limites de l’AME, la CMUc et de l’ACS

Pour les plus précaires n’ayant pas les moyens de souscrire à une mutuelle privée, trois dispositifs existaient jusqu’à novembre 2019. Notons ici que les bénéficiaires de ces dispositifs sont exonérés de la participation forfaitaire d’un euro.

L’Aide Médicale d’État est une prestation d’aide sociale, couvrant les étrangers en situation irrégulière « résidant » en France depuis plus de 3 mois, qui sont de fait, exclus de l’assurance maladie. Ce dispositif est régulièrement attaqué et pointé du doigt pour son coût. Les dernières attaques notoires sont celles d’octobre 2019 à l’Assemblée nationale par Édouard Philippe lors du débat sans vote sur l’immigration, et dans le journal d’extrême droite Valeurs Actuelles, par Emmanuel Macron.

Si le durcissement régulier des conditions d’accès à l’AME est un scandale, son principe même fait débat. L’AME est financée directement par l’État, et non par la Sécurité sociale, par l’impôt, et non la cotisation. Chaque année, le parlement vote son budget, et le débat se transforme en occasion en or pour des élus de droite et d’extrême droite pour des sorties médiatiques peu brillantes, sur le coût des étrangers. De nombreuses associations de défense des droits des étrangers demandent la fin de l’AME, et l’affiliation à l’assurance maladie pour toutes et tous. 

La CMUc était un dispositif à destination de toute personne résidant en France de façon stable et régulière et dont les ressources sont inférieures à 753 euros par mois. La CPAM se substitue donc, pour les plus précaires, aux mutuelles privées, et prend en charge les fameux 30 % évoqués plus haut.

Pour les personnes résidant en France de façon stable et régulière et dont les ressources se situent entre 753 et 1016 €, existait l’ACS. Il s’agit d’un chèque de la CPAM, que l’assuré peut utiliser auprès de la mutuelle de son choix. Le montant de ce chèque dépend de l’âge de la personne : plus on est âgé, plus le chèque est élevé. L’assuré bénéficie donc d’un bon d’achat financé par la sécurité sociale, dont le montant dépend de l’âge de la personne. Il peut donc utiliser ce bon, auprès de la mutuelle de son choix. En plus de donner un chèque en blanc aux mutuelles à travers ce dispositif, la CPAM appliquait donc un principe injuste mis en place par les mutuelles, selon lequel plus on est âgés, plus on risque d’être un coût en termes de santé, et plus la souscription à la mutuelle doit être chère. Pour les mutuelles, c’est « de chacun selon son âge et donc son coût pour la société », avec le soutien tacite de la Sécurité sociale. Ambroise Croizat doit se retourner dans sa tombe.

La Couverture Santé Solidaire, la fausse bonne idée

Le principe de l’ACS est révoltant, et nécessitait donc une réforme allant dans le sens du progrès. Ce n’est bien évidemment pas le choix qu’a fait Agnès Buzyn, désormais grande absente des rendez-vous avec l’Histoire.

Depuis le 1er novembre 2019, la CMUc a été remplacée par la Couverture Santé Solidaire sans participation, et l’ACS par la Couverture Solidaire avec participation. Si la réforme ne change rien pour les bénéficiaires de la CMUc, elle vient modifier en profondeur le principe injuste de l’ACS.

Le projet est louable : plus de chèque en blanc pour les mutuelles privées, mais désormais une participation demandée à l’assuré pour que la part complémentaire de ses dépenses en santé soit prise en charge par la CPAM. L’absurdité se trouve dans le montant de la participation demandé, dont le tableau est disponible sur le site service-public.fr.

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La participation dépend donc de l’âge de la personne. Alors que l’ACS permettait de disposer d’un chèque plus important en fonction de l’âge, anticipant une souscription plus importante lors du paiement de la mutuelle, la participation à la CSS prend tout le chemin inverse. Plus on est âgé, plus on paye ! En trahissant une fois de plus les principes fondateurs de la Sécurité sociale, la réforme est injuste, et va faire augmenter les dépenses en santé des personnes âgées précaires. C’est la douche froide pour Ambroise CROIZAT.

Le Parti Communiste Français revendique de son côté une tout autre réforme en profondeur de la protection sociale. Pour les communistes l’objectif doit être le 100 % sécu

« Cela passe par une sécurité sociale renforcée. Il ne s’agit pas de “replâtrage », mais d’un système de protection sociale solidaire. Le financement est un enjeu pour la solidarité. La cotisation porte une signification forte. Le système doit répondre aux besoins, le remboursement à 100 % des soins prescrits est la perspective. Il porte aussi la question du contrôle démocratique, de la dynamique du système. »

L’héritage d’Ambroise CROIZAT pourrait alors se dresser fièrement, et il s’agirait d’un grand pas vers l’accès à la santé pour toutes et tous.