Convention citoyenne pour le climat, caution écologique et démocratique

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La convention citoyenne pour le climat suscite beaucoup d’espoir pour l’exécutif. Cette dernière doit être la réponse tant sur les critiques sur l’inaction climatique du gouvernement que sur le déficit démocratique du fonctionnement des institutions étatiques.

La convention citoyenne pour le climat

La convention citoyenne pour le climat est directement issue du grand débat. Ce dernier avait été l’instrument du gouvernement pour trouver une sortie à la mobilisation des gilets jaunes. Cette assemblée « citoyenne » devait remplacer le conseil économique social et écologique. La troisième assemblée prévue par la Constitution de la Ve république a pour l’instant survécu aux vélihilité de suppression du président de la République. La nouvelle assemblée composée par tirage au sort a pour mission de proposer des mesures permettant d’atteindre une réduction de 40 % de la consommation d’énergie fossile d’ici à 2030 ainsi que la neutralité carbone en 2050.

Le tirage au sort de 150 personnes âgées d’au moins 16 ans a été confié à la société Harris Interactive au mois d’août dernier. Le tirage s’est fait sur 300 000 numéros de téléphone auxquels un SMS a été envoyé pour leur demander leur volonté de participer. Une fois réparti entre origines géographiques, classe d’âge, niveau d’étude, etc. le tirage à proprement parlé a eu lieu.

Le fonctionnement de la convention citoyenne

L’assemblée doit se réunir au moins 6 weekends. Ces temps de réunions sont divisés entre temps en plénière et temps en groupes thématiques. On retrouve ainsi « se nourrir », « produire-travailler », « consommer », « se loger » et « se déplacer ». Un sixième groupe nommé « l’escouade » était chargé de travailler le financement des mesures, une révision de la Constitution pour mieux intégrer les enjeux environnementaux ainsi que de la biodiversité. Il a toutefois été supprimé, les participants aux groupes thématiques étant peu convaincu de l’efficacité de celui-ci et les thématiques qu’il travaillait remis à des temps de travail dématérialisé entre les weekends de réunions.

Une plateforme internet est à disposition des 150 membres. Celle-ci regroupe de la documentation mise à disposition par l’encadrement de la convention. Un comité de gouvernance nommé par le gouvernement est en effet chargé d’encadrer les travaux de la conférence. Trois garants sont également d’assurer « l’indépendance » des travaux en s’assurant du « respect des principes d’impartialité et de sincérité ». Chaque président d’une des trois chambres (Sénat, Assemblée nationale et Cese) a été chargé d’en nommer un.

Les objectifs de la convention citoyenne

Pour l’instant, la convention s’est réunie quatre fois et doit se réunir encore au moins deux fois avant de rendre ses conclusions pour la mi-avril. Un calendrier relativement serré que l’exécutif n’entend pas lâcher. Pour ce dernier, l’exercice semble avant tout un moyen de donner de la légitimité à des mesures écologiques qui peinent souvent à conquérir les cœurs. L’échec de la mise en place d’une taxe carbone en novembre 2018 et le mouvement des gilets jaunes qui a suivi n’a pas été oublié. Se faisant, le chef de l’État oublie quelque peu les propres contradictions de son gouvernement en la matière. Que ce soit en termes de transition énergétique, de lutte contre les déchets plastiques ou encore sur les pesticides, les actes ont cruellement manqué d’ambition par rapport aux discours. La quasi-absence de la France à la COP25 a été également négativement perçue. Tous ces éléments conduisent à s’interroger sur l’objectif réel de cette convention.

Emmanuel Macron a échangé le 10 janvier dernier avec les 150 citoyens tirés au sort. L’occasion pour le locataire de l’Élysée d’expliquer le traitement qui sera réservé aux conclusions de la convention, mais également de préciser ce qu’il en attend. Il s’est réservé le droit de refuser une proposition s’il était en désaccord avec et a insisté pour que ces dernières soient les plus « précises, claires et détaillées » sans quoi il lui sera nécessaire de les modifier. La piste d’un référendum pour les mettre en place a été évoquée, tout comme des options plus classiques de décision gouvernementales pour ce qui relève du champ réglementaire ou par les assemblées pour ce qui relève de la loi.

Des propositions déjà vues et d’autres plus originales

Pour l’instant, peu de choses sont ressorties des travaux de la convention qui a essentiellement travaillé sur l’audition « d’experts ». Selon franceinfo quelques pistes ont été présentées lors de la session des 10, 11 et 12 janvier sans que celles-ci ne puissent être considérées comme définitives. Certaines ne sont pas vraiment nouvelles et reviennent régulièrement dans le débat public, d’autres sont plus originales. Dans la première catégorie, on retrouve :

–            Une réforme de la politique agricole commune afin de lui allouer des objectifs de promotion de pratiques plus écologiques.

–            La création d’un crime « d’écocide », un moyen de sanctionner les acteurs économiques qui commettraient des dégâts écologiques, mais également de poursuivre des États pour les obliger à agir. Cette proposition a été rejetée à la mi-décembre par l’Assemblée nationale.

–            Rendre obligatoire la rénovation énergétique des bâtiments, une idée elle aussi rejetée par l’Assemblée nationale cet été

Dans la deuxième catégorie de propositions plus surprenantes, on découvre :

–            L’abaissement à 110 km/h de la vitesse maximale sur les autoroutes. Cet abaissement permettrait d’économiser plus d’un million de tonnes de CO2 par an, mais reste assez modeste aux regards du total des émissions du pays.

–            L’indication sur les produits de consommation d’un indicateur sur leurs émissions de CO2.

–            La modification de l’article 1 de la Constitution pour y intégrer la prise en compte des enjeux environnementaux

–            La diminution du temps de travail dans un objectif de sobriété

Si certaines de ces propositions déjà largement débattues paraissent pouvoir facilement être mises en place, d’autres paraissent nettement plus floues et semblent nécessiter d’être davantage travaillées. Un certain nombre ont déjà été écartés par le gouvernement. On imagine assez mal ce dernier revenir sur ses décisions passées.

Quelles suites pour cette convention citoyenne ?

Les députés de la majorité ne se montrent pas nécessairement ravis de l’existence de cette assemblée même si l’exercice de communication est soutenu. Après une première partie du mandant à valider l’essentiel des textes du gouvernement, ils aimeraient bien peser davantage dans la seconde moitié du quinquennat. Les enjeux écologiques sont en plus porteurs dans la période, les épisodes climatiques extrêmes se multipliant sur la planète, la réalité du changement climatique s’imposent dans les esprits. Pour les députés, se voir contourner sur ses enjeux qui cristallisent une partie des critiques contre le président, c’est manquer une occasion de mettre en avant leur utilité.

On peut craindre que les propositions sorties de cette convention peine à s’imposer dans le réel. Les citoyens tirés au sort n’ont pas de relais politiques, pas de circonscription, ils n’ont pas non plus de légitimité tirée d’une élection. Le temps qui leur a été imposé est court et probablement insuffisant. Ils n’ont pour la plupart qu’une connaissance limitée dans l’écriture du droit ou le fonctionnement de la puissance publique.

On peut également largement douter de la sincérité du chef de l’État à vouloir réellement engager une politique de lutte contre le changement climatique au vu des renoncements passés. L’exercice de la convention citoyenne est inédit sur le plan démocratique, il témoigne par son sujet de la nécessaire importance à accorder à l’écologie. Pas sûr toutefois que le format ne soit pas autre chose qu’une énième opération de communication.

Par Rédaction

Collectif de rédaction d'Avant Garde