Quelle bataille mène Macron sur les travailleurs détachés ?

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On a tous entendu parler de la bataille opposant Emmanuel Macron à Beata Szydlo la première ministre polonaise sur la question des travailleurs détachés. A travers les petites phrases revenons ensemble sur cette question essentielle.

Les travailleurs détachés

Le travail détaché est un contrat qui permet à une entreprise de faire venir d’un pays étranger des travailleurs dont le salaire est celui du pays d’accueil mais dont les cotisations sont celles du pays d’origine.

Autrement dit si un polonais vient travailler en France il touchera le SMIC français (au cas où son contrat est en règles) mais son employeur versera dans les caisses de cotisations polonaises bien moins exigeantes. Ce type de contrat concerne environ 286 000 personnes en France soit 0,7% des travailleurs présents sur le sol français. En Pologne ils sont 2% de la population active à être travailleurs détachés. On estime néanmoins qu’un nombre aussi important de personnes n’est pas déclaré.

Le cas particulier de la Pologne

Concernant le cas particulier de la Pologne, il faut se rappeler plusieurs choses. D’abord les capitaux du pays sont massivement étrangers. Pour s’en rendre compte il suffit d’une promenade à Cracovie pour voir des Carrefour un peu partout, accompagnés de BNP Paribas et autres Deutsche Bank. Même les spectacles à l’opéra sont sponsorisés par EDF.

De fait les travailleurs polonais ont aussi à affronter le chantage à la délocalisation puisque tous ces groupes font bien comprendre qu’ils ne restent pas là pour les beaux yeux des polonais mais bien pour leurs salaires bruts bas (8€40/h contre 31€40/h en Allemagne). Le pays a également un taux de chômage à 5%, ce qui est mieux que les presque 10% français mais tout de même conséquent.

Enfin, le plus important est l’ultra-libéralisation de l’économie, le travail en Pologne est souvent précaire mal payé et pénible, on voit des jeunes dans les rues distribuer des flyers toute la journée et tous les 10 mètres pour tel bar ou tel musée et beaucoup d’enseignes ne ferment pas de la nuit ou presque.

Pour beaucoup de polonais le travail détaché dans ces conditions, représente ainsi une aubaine. Le SMIC français a beau être une poignée de miettes, il représente beaucoup pour ces travailleurs. Mais même dans ce secteur la concurrence est rude, entre polonais bien sûr mais aussi avec d’autres pays comme la Bulgarie ou la Slovaquie aux cotisations moins élevées (hors Russie, la Pologne est la plus riche des ex-URSS).

La proposition de Macron

Arrive Emmanuel Macron, il dit vouloir mettre fin au dumping social et mieux encadrer le travail détaché. Parmi les mesures qu’il propose se trouve notamment une durée maximale des contrats à 50 jours, autant dire à peu près rien. Le voyage n’est absolument pas pris en compte dans le paiement d’un travailleur détaché et on imagine quelles conséquences cela aurait pour un polonais  au SMIC de faire Varsovie-Paris tous les deux mois.

On trouve également quelques mesures de durcissement de la législation qui ont toutes pour point commun de prendre le travailleur comme variable d’ajustement.

En face de lui se trouve un gouvernement issu du parti Prawo i Sprawiedliwość dont le doux nom signifie Droit et Justice ce qui annonce la couleur politique. Par ailleurs les polonais sont dans l’Union Européenne essentiellement pour s’éloigner de la Russie avec qui ils entretiennent une cordiale rivalité depuis le Moyen-Age, le jeune président de la start-up-Europe pragmatique devrait assez logiquement se heurter à un mur.

Le travail détaché, en Pologne comme ailleurs reste un moyen d’exploiter à moindre coût des travailleurs désœuvrés, de les loger dans des baraquement insalubres en leur faisant miroiter un salaire dérisoire mais il reste une conséquence d’un capitalisme vorace.