Barème Macron : la Cour de cassation au secours du Gouvernement

Rédaction | Avant Garde

Contrairement à ce que les médias annoncent, faute de maîtriser le sujet, la Cour de cassation n’a pas « validé » les barèmes, mais rendu un avis. Un avis étonnant pour une Cour qui jusqu’ici refusait de se prononcer sur la conformité d’un texte au droit international en se fondant sur une argumentation faible et incohérente. Il faut également rappeler qu’il s’agit d’un avis et non d’un arrêt, le débat n’est donc pas clos.

Une première : la Cour rend un avis sur la conformité de la loi aux traités

Sur la forme, la Cour de cassation procède à un revirement étonnant qu’elle avait amorcé il y a quelques années. C’est en effet la première fois qu’elle accepte de rendre un avis sur la conformité du droit français aux traités et conventions ratifiées par la France. 

Habituellement, elle renvoyait cette question au juge du fond, c’est-à-dire aux juridictions de première instance et aux Cour d’appel comme le 16 décembre 2002 et le 12 juillet 2017. Elle avait cependant fait référence à des textes internationaux dans le cadre de la procédure d’avis les 7 février 2018 et 12 juillet 2018. Mais faire référence à une convention ou un traité, ce n’est pas juger de la conformité de la loi à ces textes. 

L’objectif de la Haute juridiction est avoué : « dans un souci de sécurité juridique, une unification rapide des réponses apportées ». C’est donc bien un choix politique qui a été opéré par la Cour alors qu’une majorité de Conseils de prud’homme écartaient l’application des barèmes. Une fois encore, on sécurise l’employeur et on flexibilise le salarié.

Une argumentation expéditive et fragile

La Cour a, de son propre aveu, voulu être rapide. Mais contrairement à Twitter, le traitement de situations juridiques demande de la réflexion et de la justification plus que de la réaction. C’est ainsi que l’argumentation est fragile. 

A lire les avis et la note explicative, l’article 24 de la Charte sociale européenne ne serait pas d’effet direct car le terme « adéquate » n’est pas suffisamment clair et précis pour être invocable devant le juge français, sans que celui-ci n’ait besoin de dispositions législatives permettant son application. Cependant, la Convention n° 158 de l’OIT, se référant également à une réparation « adéquate » qui est elle d’effet direct. Le même mot a donc besoin de transposition pour être compris dans un texte et pas dans un autre… 

Ce terme donnerait ainsi une marge de manœuvre aux Etats, marge dont ce serait saisi l’Etat français en adoptant un barème. Evaluation surprenante de la Cour de cassation alors que le comité européen des droits sociaux est saisi sur la même question et que celui-ci avait rendu un avis défavorable au plafonnement adopté par la Finlande, alors même que celui-ci était plus favorable que la loi française.

Il est également étonnant que la plus haute juridiction admette un tel plafonnement qui contraint le juge et l’enferme dans un barème. Et ce alors qu’il s’agit d’une indemnité civile, et non une sanction pénale, la première devant permettre une réparation intégrale du préjudice et la seconde devant être définie par la loi. Ce qui ne serait pas contraire pour autant à la Charte de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et qui garantie l’accès à un procès équitable. 

Un avis, pas une décision : le combat continue

L’avis de la Cour de cassation n’est ni une décision ni un arrêt. Celle-ci a tranché de manière abstraite, et non en jugeant d’une affaire. C’est par ailleurs ainsi qu’elle justifie sa compétence et qu’elle ne renvoie pas au juge du fond, car elle étudie la conformité de l’article aux conventions et traités sans prendre en considération le fond des affaires sur lequel elle n’est pas compétente.

 Mais si cet avis se base sur une appréciation abstraite, le juge du fond reste donc pleinement compétent pour évaluer la conformité de la loi aux textes internationaux au regard de situations concrètes. Par conséquent, rien ne l’empêche juger que le plafond, au regard des faits qu’il juge, ne permet pas une réparation adéquate.

 En outre, le code de l’organisation judiciaire dispose à son article L. – 441-3 que « l’avis ne lie pas la juridiction qui a formulé la demande ». Ce qui signifie que les Conseils de prud’hommes ayant demandé l’avis peuvent tout à fait rendre une décision contraire, comme n’importe quelle autre juridiction saisie.

Les avis de la Cour de cassation ne peuvent donc clorent le débat, ne permettant même pas de définir la position définitive de la Haute juridiction. Elle-même avait, le 30 janvier 2014, rendu un arrêt contraire à un avis rendu précédemment.