Au Royaume-Uni, impréparation et thatchérisme nourrissent la pandémie

YCL

Les récentes annonces que le Prince Charles, puis le Premier ministre Boris Johnson, étaient atteints du Covid-19 a illustré le fait que, au Royaume-Uni comme ailleurs, la pandémie actuelle était belle et bien réelle et pouvait atteindre jusqu’au plus au haut niveau de l’État.

Une évidence qui n’en était pourtant pas une il y a peu pour les autorités britanniques. Si les circonstances n’étaient pas aussi tragiques — on recensait ce dimanche 1 228 morts dans le pays —, on pourrait voir une certaine ironie dans le fait que Boris Johnson ait été contaminé, lui qui avait perdu un temps précieux à minimiser les risques du coronavirus. Plus tôt dans le mois, le Premier ministre avait en effet déclaré à la presse qu’il continuait à « serrer la main à tout le monde ». Une pratique qu’il regrette probablement aujourd’hui, mais qui était en cohérence avec la théorie alors promue par son gouvernement de développement de l’immunité grégaire, consistant à laisser le virus se propager jusqu’à ce qu’une part suffisante de la population ait développé une résistance immunitaire à celui-ci. Une stratégie adoptée dans plusieurs pays européens dont les Pays-Bas ou la Suède, mais depuis abandonnée, car non adaptée à la létalité du covid-19.

Par-delà les arguments scientifiques sur cette stratégie, son choix par le gouvernement britannique répondait d’abord à des intérêts de classe. Comme le souligne la Ligue des jeunes communistes de Grande-Bretagne, dans une déclaration en date du 21 mars, les conservateurs « veulent maintenir la “normalité” aussi longtemps que possible afin de protéger la valeur des actions à la City de Londres, qui ont connu des pertes historiques avec l’extension de la pandémie. Ils ne veulent pas interférer avec le business ou les profits des entreprises, banques et fonds de pension qui financent leur parti et dont les directeurs et lobbyistes sont allés à l’école avec eux et sont ceux dont ils reçoivent leurs ordres ».

Cette attitude coupable a conduit le pays à un état d’impréparation grave face à l’aggravation de la pandémie. Le gouvernement a ainsi refusé de participer à un programme d’aide mis en place par l’UE, au motif que le Royaume-Uni ne faisait plus partie de cette organisation et s’en sortirait « par ses propres moyens » (une position par la suite révisée, mais après la date limite…). Une proclamation d’autosuffisance pourtant non suivie d’effets, comme le révèle un éditorial publié dans le journal The Guardian : plusieurs fabricants britanniques de respirateurs artificiels ont ainsi contacté le gouvernement pour lui proposer d’augmenter la production de ces appareils essentiels, sans recevoir de réponse. L’un d’entre eux avait également contacté le ministère du Commerce pour connaître les besoins de répartition de 5000 respirateurs recensés. Sans retour, ceux-ci ont été vendus ailleurs.

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Plus profondément, la crise actuelle met en évidence l’état catastrophique du système de santé britannique, en particulier du Service national de santé public, le NHS. Après des années de casse de ce service public qui faisait la fierté du peuple britannique, le système de santé est à bout de souffle. En temps normal — c’est-à-dire hors pandémie —, le taux d’occupation des lits dépasse régulièrement les recommandations de sécurité et le nombre de personnels soignants par habitant est inférieur à la plupart des pays riches. Aujourd’hui, alors que la pandémie n’a toujours pas atteint son pic en Grande-Bretagne, les personnels hospitaliers de première ligne n’ont pas encore accès au matériel de protection essentiel, notamment les masques. Des locaux ont été réquisitionnés pour accueillir les malades, mais, en l’absence de personnel additionnel, il s’agit de « déshabiller Pierre pour habiller Paul » pour une docteure londonienne citée par The Guardian. Dans un geste de bonne volonté, le gouvernement a cependant rendu provisoirement gratuit le stationnement pour les soignants sur leur lieu de travail…

Le Royaume-Uni est désormais en confinement depuis la semaine dernière et tous les commerces non essentiels ont été fermés. Le gouvernement est conduit à prendre des mesures qu’il aurait déclarées irréalisables il y a quelque temps encore, telles que la garantie de 80 % du salaire des travailleurs en inactivité du fait de ces mesures. Pour les communistes cependant, ces mesures ne sont pas suffisantes et elles arrivent trop tard. Selon Robert Griffiths, secrétaire général du Parti communiste de Grande-Bretagne, « toutes les ressources nécessaires dans le secteur privé de la santé, les secteurs pharmaceutiques, industriels et hôteliers devraient déjà avoir été réquisitionnés pour fournir toutes les installations médicales, les kits de dépistage du virus, les équipements de sécurité et les hébergements pour les personnes sans abri et les victimes de violence familiale, dont nous avons besoin dans cette crise ».

Alors que la situation est encore loin d’être sous contrôle, le peuple et les travailleurs britanniques voient déjà se profiler les futures batailles pour empêcher les conservateurs de leur faire payer le coût de la crise sanitaire, mais aussi pour mettre fin aux décennies de politiques thatchériennes et néolibérales dont les conséquences meurtrières apparaissent plus clairement que jamais.

Par Rédaction

Collectif de rédaction d'Avant Garde