Assurance chômage, le gouvernement veut combattre la précarité avec moins de protection

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Les négociation paritaire entre les syndicats des travailleurs et ceux du patronat ont connu un énième round jeudi 14 février. Le patronat avait claqué la porte fin janvier en protestation de l’annonce présidentielle d’un bonus-malus pour lutter contre la précarité.

La précarité en hausse

La précarité est un fléau bien connu des salariés les plus jeunes et des femmes. Contraints à des faibles durées de travail hebdomadaires voire même sur la journée, généralement associés à des contrats courts voire très courts. Une récente étude de l’INSEE évalue à 1,2  millions le nombre de salariés qui occupent des contrats dont la durée est inférieure à trois mois pour l’année 2017. Dans ce chiffre les contrats aidés, l’apprentissage et le stage ne sont pas inclus. Ne sont pas non plus inclus les contrats conclus en CDI mais sur des faibles durées horaires hebdomadaires.

Deux chiffres illustrent l’ampleur du problème des contrats courts, alors que seuls 4,5% des emplois occupés sont concernés, les contrats courts représentent les trois-quart des embauches. C’est donc une frange minoritaire du salariat qui enchaîne des contrats de courtes durées parfois en alternance avec des périodes de chômage. Les ouvriers agricoles, et non qualifiés “de type industriel” y sont les plus exposés avec respectivement 15,6% et 22,54% des emplois occupés sous ce type de contrat. Les professions de l’information, des arts et des spectacles y sont également particulièrement exposées avec 16,8% des emplois occupés en contrat courts.

Les femmes y sont un peu moins exposées que les hommes, étant donné que les métiers industriels grands utilisateurs de l’intérim leur sont moins ouverts. En terme d’âge les catégories retenues par l’INSEE, 15-24 ans et 25-49 ans, ne sont pas idéales. Toutefois les 15-24 ans représentent 27% des contrats courts alors qu’ils ne représentent que 8% des personnes en emploi. 15,2% des 15-24 ans occupant un emploi sont en contrat court contre 4,2% des 25-49 ans avec, on peut le supposer, un différence forte entre les 25-30 ans et les 40-49 ans.

Les contrats courts, outre leur durée, présentent également deux autres caractéristiques. Ils ne sont bien souvent pas à temps complet. Pour près de 30% ils sont à temps partiel contre moins de 20% pour l’ensemble de l’emploi. Dans la même proportion les salariés en contrats courts souhaitent occuper un autre emploi. 18% se déclarent même en sous-emploi, ils aimeraient travailler plus longtemps que la durée hebdomadaire à laquelle ils sont employés. Ils sont plus de deux fois plus nombreux à être en situation de pauvreté monétaire, 17% des salariés en contrats courts contre 8% dans l’ensemble des personnes en emploi.

Les projets du gouvernement pour l’assurance chômage

Emmanuel Macron a depuis longtemps l’assurance chômage dans le viseur de ses “réformes”. La gestion paritaire, le financement sur cotisations sociales et le principe de protection du maintien d’une rémunération proche de celle en emploi ne lui conviennent pas. Depuis octobre 2018, il n’y a plus de cotisation salariale pour le chômage, le financement se fait désormais pour partie par la cotisation dite “patronale” et pour partie par l’impôt via la CSG. La gestion paritaire existe encore sur le papier, mais le gouvernement a précisé dans sa lettre de cadrage des négociations de trouver 3,9 milliards d’économie sur les trois prochaines années.

Une exigence qui restreint de facto les marges de manoeuvres.

Le gouvernement tient également à mettre en oeuvre une promesse de campagne du candidat Macron. Ce dernier voulait mettre en place un système de bonus-malus sur les cotisations patronales pour le chômage. Les contrats long bénéficieraient de taux réduits quand les contrats courts seraient frappés par un taux majoré. Toutefois en “échange”,  les salariés pourraient moins facilement alterner entre emploi et chômage. Le gouvernement voyant dans les salariés contraints à cette alternance des profiteurs qui exploitent les règles d’indemnisation pour ne travailler que la moitié du temps. L’exemple, sans cesse repris est qu’il serait plus intéressant de travailler 15 jours à temps plein dans un mois et être indemnisé les 15 jours suivants plutôt que d’accepter un emploi d’un mois.

L’argument est fallacieux et le but premier du gouvernement est de modifier les règles pour que les privés d’emploi soient contraints d’accepter des emplois sous-rémunérés. Le chômage est pourtant en légère baisse selon la mesure trimestrielle réalisée par l’INSEE, du côté de Pôle Emploi le nombre de salariés totalement privés d’emploi diminue, au détriment du nombre de salariés qui sont contraints à une activité limitée.

Le dernier point sur lequel le gouvernement aimerait intervenir c’est la gestion paritaire de l’assurance chômage.

Les négociations paritaires

La gestion paritaire exige des négociations entre les représentants des salariés et ceux du patronat. Ces négociations déterminent l’évolution des règles d’indemnisation et de cotisation, toutefois la loi a son rôle à jouer. Cette menace de légiférer en cas d’accord qui serait jugé insatisfaisant par le gouvernement a été agité avant même l’ouverture des négociations. Le patronat pourtant proche de ce gouvernement et du Président de la République est particulièrement remonté. Un simple déclaration d’Emmanuel Macron de soutien à la mise en place d’un bonus-malus a conduit les représentants du patronat a quitté la table des négociations. Le Premier ministre a dû assurer qu’aucun arbitrage n’était pris pour que ces derniers reviennent à la table des négociations.

A l’inverse les représentants des salariés ont sauté sur l’occasion de l’une des rares promesses du Président de la République qui améliorerait un peu la situation des salariés pour défendre ardemment le principe de bonus-malus. Le patronat y oppose lui des mesurettes dont une partie consiste à simplement respecter la loi sur les contrats courts, largement ignorée dans certains secteurs professionnels.

La dernière réunion se tenait le jeudi 14 février, le patronat n’a pas esquissé l’ombre de la moindre concession et les représentants des salariés ont tous fait part de leur sentiment de fin des négociations. Pour le Président de la République ce n’est pas le scénario espéré, puisqu’il se trouve dans la situation de devoir, soit céder au patronat, soit de lui donner tort dans un contexte de mobilisations sociales protéiformes qui lui laisse peu de marge de manoeuvre.

Par Rédaction

Collectif de rédaction d'Avant Garde