En Argentine, victoire féministe pour le droit à l’IVG

La Fede Argentina

Ceci est une traduction d’un article de la fédération des jeunes communistes d’Argentine que nous avons traduit et reproduit ici. 

Initiative, audace et conviction : le mouvement féministe entre dans l’histoire

Le 15 juin dernier, la Chambre des représentants d’Argentine approuvait par 129 contre 125 le projet de loi légalisant l’IVG. Ce vote, qui doit être confirmé par le Sénat pour entrer en vigueur, est le résultat d’années de lutte soutenue du mouvement féministe. Dans cet article, les jeunes communistes d’Argentine analysent les raisons et la portée de cette victoire historique.

“Dans les grands processus historiques, 20 années ne sont qu’un jour, bien que des jours puissent venir où vingt années se condensent”

Karl Marx à Friedrich Engels dans la lettre du 9 avril 1862.

Le 13 Juin, jour du vote de la loi d’Interruption Volontaire de Grossesse au Congrès, fut un jour de démonstration du pouvoir du mouvement féministe. Mouvement qui persiste dans sa lutte, qui clarifie ses objectifs et les défend dans des conditions difficiles : l’assassinat de Diana Sacayan alors que se déroulait la Rencontre Nationale des Femmes, la manipulation médiatique qui fait apparaître les féminicides comme des faits divers, les nouveaux jalons de la stigmatisation du féminisme, etc.

Le mouvement féministe a lutté et persévéré. Il a répondu hardiment aux injures du patriarcat. Il a réalisé un travail monumental de communication en décortiquant les significations, en déconstruisant les préjugés, en rendant visibles les violences, en dénonçant, en interpellant, en créant des valeurs et en construisant une conscience et un pouvoir populaire (car le féminisme est hégémoniquement populaire en Argentine, bien que la classe populaire ne soit pas hégémoniquement féministe).

Loin du découragement, il a fait face aux injustices les plus dures en sublimant la colère dans la volonté, l’énergie, la créativité et le courage.

Un barrage créé par le patriarcat a été rompu et, depuis quelques années, le féminisme a pu se diffuser dans une bien plus grande mesure, avec un impact d’une ampleur qui a ébranlé le pays et a permis d’obtenir toujours plus de légitimité. Cette barrière ne s’est pas brisé seule : c’est le travail des combattantes, des militantes qu’elles soient partisanes ou non, etc.

Il n’y a pas de point de comparaison entre le “8M”, les nombreux appels féministes des dernières années d’une part et les autres expressions de lutte au sein de notre pays. Les manifestations féministes sont qualitativement supérieures car elles sont l’expression d’une joie, d’une créativité et d’une conviction très forte. Elles interviennent avec une force écrasante en bannissant la résignation et en n’attendant pas qu’un leader charismatique ou représentatif décide et dise ce qu’il faut faire.

La cause féministe se manifeste partout et tout le temps. Elle est débattue de manière publique et sans limite. Le débat qui l’entoure est abordé avec audace et n’arrête pas d’avancer, il élucide de plus en plus de questions et gagne en clarté. Il aspire à toucher tout le monde, tout en défendant en particulier les victimes de viols et en punissant les auteurs de violences sexistes. Le mouvement féministe grandit car il a la volonté de grandir, il avance car il a la volonté d’aller de l’avant. Il réussit finalement à désarmer un ennemi qui a, à plusieurs reprises, mis en jeu des munitions lourdes.

Que signifie tout cela ? Serait-ce de la magie ? Les femmes, les travestis, les transexuels, sont-ils les mêmes qui participent à tant d’autres luttes au sein de notre pays ? Pourquoi en deux ans et demi de macrisme le camp populaire n’a-t-il pas été capable d’imprimer une logique similaire à n’importe quelle autre lutte ?

Est-ce la faute de la Coupe du Monde ? Est-ce la faute du traitement de la question de l’avortement au Congrès ? Cela ne dérangerait personne de perdre sa prime et de commencer à diminuer son salaire pour payer son propre licenciement ?

Non. Nous craignons que la réponse soit non. Nous voyons que le mouvement féministe prend des initiatives, est audacieux et a la conviction qu’il vaincra car il est traversé par l’idée qu’il ne faut plus attendre, que nous ne devons plus obéir, que nous devons conquérir la vie que nous souhaitons vivre et que le fait de prendre les rênes est une fin en soi afin de pouvoir vivre dignement.

Ces convictions ont toujours été le moteur du militantisme populaire et révolutionnaire mais elles semblent aujourd’hui être mise à l’écart, sauf dans le mouvement féministe. Cela lui permet de développer une offensive politique alors que sur le reste des fronts, le mouvement populaire est sur la défensive ou en retraite.

On ne demande pas “la permission” d’inscrire l’avortement à l’agenda politique, surtout contre un lobby aussi puissant que celui qu’est l’Eglise catholique. Nous l’avons fait, et nous avons réussi. L’important dans cette réussite est que nous avons fait se mouvoir notre propre force et nous avons pu constater son ampleur.

Cette force nous a surpris et a surpris le monde entier, elle a ouvert des portes et a permis de rendre d’autres objectifs proches ou atteignables. L’ennemi n’aspire plus qu’à retarder le moment de l’approbation de la loi. Et cela, c’est nous qui l’avons réalisé.

Mais nous ne devons pas nous endormir après le vote. Comme l’a montré le mouvement des femmes dans les derniers documents du 8M, la lutte contre la force capitaliste apparaît comme une nécessité face à l’exploitation, à la féminisation de la pauvreté et à la dépossession des droits. La lutte contre le patriarcat ne peut être distinguée de la lutte contre le capitalisme. Ces deux systèmes se soutiennent et s’entretiennent mutuellement : il est difficile d’imaginer la violence sexiste sans la construction de la femme comme un produit marchand à utiliser, consommer, et humilier pour la jouissance des mâles.

Constatant l’impact du capitalisme sur nos vies de femmes, il est nécessaire de mener et de renforcer les luttes contre les réformes du travail, de l’éducation et de la santé que le macrisme essaie d’imposer. Les femmes doivent être sur le front dans ces batailles, elles doivent êtres pionnières dans la libération, elles doivent travailler et militer pour vaincre le patriarcat et la capitalisme oppresseur, elles doivent occuper les lieux qui leur correspondent, prendre le pouvoir. Notre mouvement a montré une force inégalée lorsqu’il a organisé une grève nationale alors que les centrales syndicales bureaucrates restaient silencieuses au sujet des politiques du gouvernement.

Nous pouvons vaincre. Nous pouvons reproduire le phénomène grâce à l’exemple de la campagne pour l’avortement légal, gratuit et sûr. Soyons le. Assumons que cette conquête est une étape importante et prometteuse dans une bataille plus vaste. Soyons motivés par l’enthousiasme et luttons contre le conformisme comme nous l’avons fait pour légaliser l’avortement. Discutons partout, de façon créative et sans laisser les initiatives entre les mains d’une poignée de bureaucrates. Nous avons réalisé que notre peuple avance culturellement et matériellement. Optons pour plus.

 

Traduit par Zoé Imbert

Par Rédaction

Collectif de rédaction d'Avant Garde