Annonces de Macron, les aspirations populaires méprisées

Capture d'écran YouTube

La communication présidentielle millimétrée avait été perturbée la semaine dernière par l’incendie de la cathédrale de Paris. Après quelques hésitations et la fuite de la totalité de ses annonces dans la presse, Emmanuel Macron a finalement donné une conférence de presse jeudi dernier.

Une première conférence de presse pour aucun changement

L’exercice n’est pas habituel pour le président de la République, cette conférence de presse était la première de son quinquennat. Jusqu’à présent, le locataire de l’Elysée préférait des allocutions vidéos soigneusement préparées. Il avait également donné des entretiens à des journalistes triées sur le volet et avec une mise en scène bien préparée. La mise en scène était ici plutôt minimale, la salle était relativement sobre si on fait abstraction des lustres dorées. L’assemblée face au Président était nombreuse avec plus de 300 journalistes et l’intégralité du gouvernement mobilisé pour décorer un coin de la salle.

La conférence s’est faite en deux temps, un premier temps de discours d’Emmanuel Macron qui a pu rendre publique son allocution annulée et un deuxième d’échange avec les journalistes. Le président a adopté un ton relativement conquérant, non sans rappeler ses accents de candidat quand il était en campagne en 2017. Une attitude en cohérence avec ses propos du refus d’un changement de cap, du refus d’entendre les aspirations populaires et la poursuite de ses politiques pourtant largement contestées. Pour lui il n’y a pas de changement de cap, car il n’a pas “fait fausse route”.

Pas de révolution démocratique

Aucune réelle nouvelle annonce n’est réellement intervenue par rapport aux fuites sorties dans la presse la semaine dernière. Certaines ont fait toutefois l’objet de précision et le Président a également profité des questions des journalistes pour livrer son avis, sa pensée sans qu’il soit réellement possible de parler d’annonce.

Sur la refondation du fonctionnement démocratique, le Président continue à vendre sa révision constitutionnelle. La baisse du nombre de parlementaires pourrait toutefois être plus limitée qu’initialement prévue afin d’obtenir les voix nécessaires au Sénat, la REM ne disposant pas de la majorité des 3/5 requise au Parlement (Assemblée Nationale + Sénat). Demandée par François Bayrou, la dose de proportionnelle pourrait être plus importante qu’initialement envisagée.

Le seuil de signature nécessaire pour le référendum d’initiative partagée baisserait à 1 million de pétitions, mais nécessiterait toujours un cinquième des parlementaires. Un mécanisme de saisie des élus locaux par les citoyens serait en revanche mis en place, sans qu’il était précisé le fonctionnement précis d’un telle initiative.

Le tirage au sort est également plébiscité par Emmanuel Macron qui a annoncé que 150 citoyens tirés au sort siégeront au conseil économique social et environnemental (CESE), dans la même idée 250 seront tirés au sort pour réfléchir à des solutions concrètes pour la transition énergétique. Ces choix illustrent la difficulté du parti présidentiel a constitué un réservoir d’idée et un relai efficace d’opinion dans la population. Ce besoin de relégitimer son action par un sorte de grand débat permanent (les conférences régionales étaient également composées par tirage au sort) illustre le décalage entre le Président et les aspirations populaires.

La retraite à 64 ans

Les retraités sont les seuls réels bénéficiaires de reculs sur des mesures gouvernementales. Les retraites inférieures à 2000 € seront réindexées sur l’inflation. Une seconde victoire pour ces derniers qui avaient obtenu l’annulation de la hausse de la CSG pour les plus petites retraites. Le président a également annoncé son intention qu’aucune retraite suite à une carrière ne puisse être inférieure à 1000€/mois un montant jugé juste par ce dernier alors même qu’il est à peine au-dessus du seuil de pauvreté.

Il a également précisé sa vision du futur système de retraite dans lequel il s’est engagé à ne pas toucher à l’âge légal. Cependant, la notion même d’âge légal sera vidée de sa substance puisqu’un système de décote imposera de travailler davantage pour toucher une retraite décente. Cet âge “pivot” qui sera en réalité le nouvel âge légal devrait être fixé autour de 64 ans alors même que plus de la moitié des salariés du privé font valoir leurs droits à la retraite en étant privé d’emploi.

Pas de retour de l’ISF

La fiscalité jugée injuste pour une large part de la population et revendication phare des gilets jaunes a également été l’objet de la pensée présidentielle. Cette aspiration à une fiscalité davantage redistributive pour combattre des inégalités en hausse, le Président de la République a refusé de l’entendre. Pour il n’y a pas d’inégalité fiscale puisque les classes les plus aisées sont déjà largement mises à contribution, qu’importe si ces derniers ont très largement profité des premières réformes fiscales du quinquennat.

Ainsi sur la suppression de l’ISF, le locataire de l’Elysée juge qu’il est de son “devoir de la défendre”, car c’est une mesure “pragmatique”. Il concède toutefois une évaluation de ses effets en 2020. Pour ce dernier, la justice fiscale ne passe pas par l’augmentation des impôts, mais par des baisses. Il se prononce ainsi pour une baisse de l’impôt sur le revenu sous le prétexte de valoriser le travail, mais cependant, il s’agit du seul impôt progressif…

Plus de services publics avec moins d’argent

Le Président a également fait plusieurs annonces concernant la fonction publique. Outre la très symbolique suppression de l’ENA, il a réaffirmé son intention de décentralisé certains services et de redéployer les fonctionnaires affectés à l’administration centrale dans les territoires. Les mesures concrètes qui pourraient être prises en ce sens sont pour l’instant extrêmement floues, d’autant que les restrictions budgétaires s’accordent assez mal avec les grands chantiers de déménagement.

Le chef de l’état a par ailleurs annoncé sa volonté de renforcer la présence des services publics en milieux ruraux par le développement des maisons des services publics rebaptisées “France service”, là encore les restrictions budgétaires annoncées posent la question de la faisabilité. D’autant qu’avec la promesse présidentielle d’une ouverture dans chaque canton, ce serait près de 2000 sites qu’il faudrait ouvrir. Emmanuel Macron s’est même dit prêt à revenir sur les suppressions de 120 000 postes de fonctionnaires, une concession qui est davantage un aveux d’échec, le gouvernement étant très loin d’être parvenu à cibler précisément une telle quantité de suppression de postes tant l’objectif est absurde.

Sur les pas de l’extrême droite

En conclusion de son propos introductif, le locataire de l’élysée s’est laissé allé tel l’oncle raciste au fromage à dénoncer l’espace Schengen et l’Islam politique qui fait sécession de la république. Ces deux questions totalement absentes des revendications des gilets jaunes et du grand débat qui a suivi n’a semble-t’il qu’un seul intérêt. Séduire un électorat de droite pour le prochain scrutin européen. Les tentatives répétées de mettre sur le devant de la scène des débats qui n’occupent au premier rang les préoccupations des Français dans un but électoral n’est pas nouveau. Toutefois avec une telle violence dans le propos et depuis la bouche du Président de la République, c’est inquiétant.

L’attaque non voilée contre la liberté de circulation portée par une défense du “progressisme” face au “nationalisme” est un virage particulièrement nauséabond. Si le chef de l’Etat a commencé par pointé du doigt les pays qui ne joueraient pas le jeu de l’accueil, il oublie que son propre pays sous l’impulsion de sa présidence est très loin d’être exemplaire en la matière. L’attaque suivante contre les pays “laxistes” qui ne contrôlent pas leurs frontières emprunte directement à une rhétorique d’extrême droite. Cette surenchère n’a qu’un seul effet, la montée du Rassemblement national, d’ailleurs passé devant LREM dans les derniers sondages sur le scrutin européen.

Par Rédaction

Collectif de rédaction d'Avant Garde