L’âge légal masque l’âge de départ effectif à la retraite

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A chaque gouvernement sa réforme de la retraite. Depuis maintenant de nombreuses années, les gouvernements successifs ont tous voulu réformer la retraite. C’est maintenant au tour du gouvernement Philippe.

Agnès Buzyn a annoncé que l’âge légal de départ à la retraite était ouvert au débat, avant de revenir sur ses propos qualifiés d’opinion personnelle. Plusieurs membres de la majorité se sont empressés de signifier que l’âge du départ à la retraite restait inchangé et que celui-ci restait à 62 ans. Cependant si l’âge de 62 ans est l’âge légal, en réalité peu de gens partiront en retraite à cet âge là.

L’âge légal n’est pas l’âge de départ effectif à la retraite

Dans le système actuel, en réalité les salariés proches de la retraite sont incités à travailler plus tard. Un départ à 62 ans ne permet pas nécessairement de toucher sa retraite à taux plein. Si un salarié a atteint 62 ans mais n’a pas cotisé le bon nombre de trimestres avant de partir à la retraite, celui-ci aura une décote sur la pension retraite de 0,625% par trimestre manquant. Pour toucher sa retraite à taux plein il faut avoir cotisé le bon nombre de trimestres (172 trimestres pour les personnes nées après 1973). Pour un jeune, il lui faut avoir cotisé 43 années complètes. Il faut donc qu’il ait commencé à travailler à 19 ans et ne connaisse jamais le chômage. Il est aussi possible de partir à l’âge de 67 ans quand bien même l’ensemble des trimestres n’ont pas été cotisé. Ce dernier est l’âge dit de départ à taux plein.

Cela remet déjà en question le report de l’âge à la retraite, aujourd’hui peu d’actifs partent à la retraite à 62 ans car sinon le montant de leur retraite est trop faible pour pouvoir vivre décemment. Les statistiques démontrent une élévation de l‘âge moyen du départ à la retraite. En 2017, il était à plus de 63 ans, une augmentation de près de 2 années en dix ans. L’âge légal de départ à la retraite est donc loin d’être l’âge de départ effectif à la retraite pour beaucoup de salariés.

Un âge moyen de départ à la retraite en hausse

Même en l’absence de modification de l’âge légal, l’âge de départ effectif à la retraite devrait encore reculer.

Depuis le premier janvier de cette année, les salariés nés après 1957 se verront appliquer un malus appelé “coefficient de solidarité” s’ils partent en retraite entre 62 et 67 ans à taux plein. Les nouveaux retraités auront un malus de 10% par an pendant au maximum trois ans ou jusqu’à 67 ans sur leur retraite complémentaire. Si des salariés attendent un an après avoir atteint l’âge qui leur permettait d’avoir leur retraite à taux plein, le malus sur leur retraite complémentaire disparaît et si le salarié reste en poste davantage il peut bénéficier d’une surcote de  5% à 30% sur la première année de sa retraite.

Pour rappel aujourd’hui, dans le cas où un salarié part à la retraite sans atteindre son taux plein, c’est-à-dire sans avoir cotisé le bon nombre de trimestres, il voit sa pension retraite diminuée de 0,625% par trimestre manquant. La réforme risque probablement d’augmenter cette décote comme le préconise le Medef : “il faut inciter les assurés à partir plus tard que l’âge légal (…). Il faudra mettre en place une nouvelle décote suffisamment forte pour inciter les gens à partir plus tard (65/67 ans).

Un objectif partagé par le gouvernement qui, selon Le Monde, qui envisagerait de généraliser à la retraite de base le système de bonus-malus des retraites complémentaires. L’âge légal ne bougerait donc officiellement pas, mais un salarié aurait tout intérêt à travailler davantage.

Le gouvernement profite de la situation précaire des retraités pour les inciter à partir plus tard en retraite. En effet, un salarié qui veut pouvoir vivre dignement en retraite devra attendre plusieurs années après avoir cotisé l’ensemble de ses trimestres s’il veut pouvoir avoir une pension convenable. C’était déjà un peu le cas avec le système actuel, ce phénomène ne va aller qu’en s’empirant avec cette réforme.

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Une majorité de Français favorable à un retour de la retraite à 60 ans.

Alors que la réforme de retraite de 2010 a fait passer l’âge de la retraite de 60 à 62 ans, selon un sondage de Harris Interactive-Agence Epoka pour LCI plus de la moitié des français sont pour un retour à l’âge de la retraite à 60 ans, notamment de peur à ne plus être en capacité de travailler dans ces âges là. Et pour cause, aujourd’hui même si l’espérance de vie augmente légèrement, l’espérance de vie en bonne santé, elle, stagne. L’espérance de vie en bonne santé en France est de 64 ans pour une femme et de moins de 63 ans pour un homme. Avec les différentes réformes, l’espérance de vie en bonne santé risque fort de diminuer. En fonction des corps de métiers, l’espérance de vie en bonne santé est d’ailleurs bien inférieure à cet âge là. Un ouvrier a par exemple une espérance de vie en bonne santé de 59 ans (selon l’Observatoire des inégalités). Un départ à la retraite tardif ne va faire qu’aggraver la situation et l’espérance de vie en bonne santé ne pourra que diminuer.

Par cette réforme, Macron nous prouve une fois de plus qu’il est au service des capitalistes. En effet pour augmenter leur taux de profits, les grands patrons cherchent à maximiser les forces productives en les faisant travailler le plus longtemps possible.