55 ans après les accords d’Evian, la colonisation toujours taboue

Le 8 avril, il y a 55 ans, les Français sont invités à se prononcer sur les accords d’Evian qu’ils approuvent à une très large majorité. Le 18 mars 1962, les accords d’Evian étaient signés, après une rencontre entre une délégation française et les membres du Front de libération nationale (FLN), pour mettre fin aux combats engagés depuis le 1er novembre 1954 en Algérie. Quelques semaines après, le 5 juillet 1962, l’Algérie obtenait formellement son indépendance, après plusieurs années de lutte.

55 ans après les accords d’Evian, ce passé colonial de la France, et les crimes qui y sont associés sont encore tabous. En pleine élection présidentielle, une polémique a surgi lorsque Emmanuel Macron a qualifié la colonisation de « crimes contre l’humanité ».  L’extrême droite et la droite ont alors violemment attaqué les propos du candidat, reniant tout crime coloniale. Quant à Benoît Hamon, il a refusé de qualifier la colonisation de “crime contre l’humanité”. Toutefois Macron, loin de tout reproche, avait quelques semaines plutôt évoqué le rôle positif de la colonisation.

Comment expliquer qu’en 2017 le passé colonial de la France est toujours tabou ? Un problème contemporain à résoudre d’urgence !

L’histoire camouflé des crimes coloniaux

2017 marque les 55 ans des accords d’Evian mais aussi les 70 ans d’un massacre colonial à Madagascar.  Le 29 mars 1947 éclate à Madagascar une révolte contre le système colonial, la répression de l’empire Français est sanglante. Elle a sans doute fait plus de 80.000 victimes. 80.000 malgaches assassinés pour préserver l’autorité Française et son pillage des ressources.  Mais ce n’est malheureusement pas le seul crime commis par la France dans les colonies. Le passé colonial de la France implique trois républiques, la troisième, la quatrième et la cinquième. Il implique aussi des grandes figures de ces républiques considérées avec honneur à travers tout le Pays, y compris des socialistes comme Guy mollet ou François Mitterrand.

Ainsi pendant plus de quinze ans, de 1955 à 1971, la France a mené au Cameroun une guerre cachée, une guerre qui plus est totalement effacée des histoires officielles, tout en enseignant toujours que la décolonisation de l’« Afrique française » c’est faite de manière calme et pacifique. Pourtant selon les sources on estime au minimum que 80.000 camerounais seraient décédés lors de ces massacres et qu’un génocide a été commis à l’encontre des bamilékés. Un crime effacé de L’histoire.

Des massacres de Sétif à Guelma, à la torture en Indochine, jusqu’à l’assassinat ciblé de militants tiers-mondistes comme Ben Barka, ce sont des dizaines de crimes coloniaux qui ont été commis pour maintenir en place l’État colonial, et beaucoup aujourd’hui ne sont pas reconnus.

Pour en finir avec l’idée « des aspects positifs » de la colonisation

En 2017, il n’est donc toujours pas possible d’évoquer les crimes commis par la France, sans voir les partisans de la haine s’effaroucher. Ainsi L’ensemble des cadres des républicains et du Front National affirmaient que parler de crime contre l’humanité était une offense à la France, mais aussi un déni de l’œuvre française dans ses colonies. Quelle désolation de constater une fois de plus qu’une grande partie de la classe politique française, reste dans le déni le plus totale.

Alors réaffirmons le, une fois de plus, oui la colonisation est par essence un crime contre l’humanité ! Elle est par son essence même une barbarie.

Laissons Césaire le rappeler à ceux qui préfèrent rester aveugle aux crimes de la France :

« la colonisation travaille à déciviliser le colonisateur, à l’abrutir au sens propre du mot, à le dégrader […], à la violence, à la haine raciale ».

Comme Césaire, nous pouvons parler encore des millions d’hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d’infériorité, le tremblement, l’agenouillement, le désespoir. Partout où les forces colonialistes passent, l’Humanité disparaît.

Abolir la loi de février 2005 de réhabilitation du passé colonial français

Depuis la loi du 23 février 2005, toujours en vigueur, l’État Français assume publiquement un discours de réhabilitation du passé colonial français. Cette loi établit une interprétation positive du passé colonial français. Ainsi ce texte législatif énonce « l’œuvre accomplie par la France en Afrique du Nord et dans les autres territoires placés sous sa souveraineté ». L’état Français affirme donc qu’il existe un aspect positif à son passé colonial, tout en refusant de reconnaître bon nombre de crimes qu’il a commis…

Cette loi est un scandale qui insulte et outrage les millions de personnes qui ont subi la colonisation et qui en subissent encore aujourd’hui ces conséquences. La colonisation aurait aussi eu des aspects positifs pour les peuples colonisés. Ainsi comme F. Philippot l’affirmait il y a peu, la colonisation aurait permis la construction des infrastructures : routes, chemins de fer, école ou encore hôpitaux. Une mise au point s’impose. Ces infrastructures ont été construites avec une main-d’œuvre forcée, venant des populations colonisées. Cette main d’œuvre forcée pour la construction d’infrastructures, subissait des conditions de travail extrêmement difficiles et brutales. Ainsi à la fin des années 1920, la construction de la ligne de chemin de fer Congo-Océan, entre la capitale Brazzaville et Pointe Noire, a entraîné la mort de 17 000 indigènes pour la construction des 140 premiers kilomètres. On estime qu’un ouvrier sur deux est décédé au cours de cette construction. On pourrait citer aussi la construction du canal de Suez au cours de laquelle des milliers d’égyptiens sont morts. Qui plus est, ces infrastructures étaient construites à une fin coloniale, améliorer les infrastructures pour piller plus efficacement les pays colonisés.

Non seulement la colonisation n’a pas eu d’effet positif mais elle a sous-développé des continents entiers notamment l’Afrique, tout en accélérant en parallèle le développement des pays colonisateurs.

La guerre d’Algérie, un catalyseur du déni des crimes coloniaux

Le 1er novembre 1954, le FLN (Front de Libération National) déclenchait la révolution algérienne contre le système coloniale Français. L’État français a mené une guerre répressive et sans limite pour tenter d’étouffer la révolution algérienne. Massacre, torture et viol, l’armée Française, comme souvent faisait usage des pires pratiques. L’état d’Israël n’a d’ailleurs rien inventé, il a seulement remplacé le Napalm par le phosphore blanc.  La censure fut alors adoptée par la loi sur l’état d’urgence, du 3 avril 1955. Pendant toute la durée de la guerre des journaux comme L’Humanité, France Observateur, ou encore Libération subissent la censure. Lorsque Henri Alleg, militant du Parti Communiste Algérien souhaite témoigner de la torture qu’il a subi, le livre est interdit, pourtant La Question se vendra à 150 000 exemplaires clandestinement.

Cette censure ne s’arrêtera pas à la fin de la guerre d’Algérie, ainsi le film de Gillo Pontecorvo, La Bataille d’Alger (1966), est resté censuré sur les écrans français, jusqu’en 2005.  Qui plus est, la France a pendant longtemps refusé le terme de guerre pour lui préférer celui « d’évènements » en Algérie. Cette censure et ce déni sont devenus le symbole d’une histoire qui ne passe pas.

La guerre d’Algérie catalyse aujourd’hui les tensions liées au passé coloniale de la France, il est urgent de reconnaître les crimes Français, c’est une nécessité sociale et politique. C’est dans cette esprit que le MJCF c’est associé à l’occasion de la semaine anticoloniale avec d’autres associations et personnalités à l’appel pour la Reconnaissance des crimes coloniaux commis par la France.