À l’Assemblée et dans la rue, la lutte contre la réforme des retraites continue

CC BY-SA 3.0 Daniel Vorndran / DXR

Les débats parlementaires ont débuté le lundi 17 février à l’Assemblée nationale. Face à un texte de loi vidée de sa substance par un recours massif aux ordonnances, l’opposition a déposé des milliers d’amendements pour forcer le débat. La majorité incapable de défendre son gouvernement se réfugie dans l’insulte.

41000 amendements

Le projet de loi déposé par le gouvernement pour sa réforme des retraites comporte 65 articles et 29 renvois à des ordonnances futures. La conséquence est que des pans entiers d’éléments constitutifs du futur système de retraites sont inconnus des députés qui débattent donc en grande partie dans le flou le plus total. Même les grands équilibres budgétaires de cette réforme sont renvoyés à une conférence de financement actuellement en cours entre les syndicats patronaux et de salariés. Dans l’opposition, on dénonce un texte à trou aussi bien à droite qu’à gauche.

Le projet de loi est presque vide de toute substance et sa seule ambition semble être d’autoriser le gouvernement à se substituer au Parlement. Les députés communistes et insoumis ont donc multiplié les amendements dans une stratégie d’obstruction assumée pour dénoncer la mascarade que représente ce débat parlementaire. 23 000 amendements ont été déposés par les députés de la France Insoumise auxquels s’ajoutent plus de 13 000 déposés par les députés communistes. Une véritable guérilla parlementaire contre une majorité présidentielle aveugle au large rejet que suscite son projet de loi dans le pays.

Comportements honteux de députés Playmobil

Les députés LREM dénoncent avec force l’attitude de l’opposition de gauche qui « empêche » le débat. Une position qui prêterait à sourire dans d’autres circonstances tant la majorité s’est employée à muselé l’opposition depuis le début du quinquennat. Les basses tentatives pour faire taire les députés opposés à leur injuste réforme des retraites se sont poursuivies tout au long de la semaine. Suppression d’amendement, refus de suspension de séance contre le règlement de l’Assemblée, etc. se sont succédé depuis le lancement des débats lundi en fin d’après-midi. Les députés LREM ont pourtant eu toutes les peines du monde à défendre un texte qui renvoie la majeure partie des décisions au gouvernement et donc qui consiste pour eux à se dessaisir du pouvoir de faire la loi.

Un exercice impossible où même en atteignant les sommets de mauvaise foi, l’hésitation transparaît nécessairement. Par conséquent, les députés déjà qualifiés de godillots pour le soutien inconditionnel accordé au gouvernement sont carrément qualifiés de Playmobil par les parlementaires des autres forces politiques. Playmobil, car comme le dit le député communiste Sébastien Jumel :

« Vous êtes des Playmobils. Des Playmobils sans cœur. Et quand on retire les cheveux des Playmobils, on constate qu’il n’y a pas de cerveau non plus ! »

Le chef de ce triste attelage qui constitue le groupe majoritaire à l’Assemblée ne rattrape pas vraiment le niveau. Interrogé sur Cnews, il a fustigé l’activité des députés communistes et insoumis :

« Il y a 33 députés qui sont en train de saboter le travail des 544 autres et de priver les Français d’un débat essentiel puisqu’il concerne leur avenir et celui des générations futures. […] La France insoumise et les communistes ont décidé de pratiquer l’insurrection en chambre. »

Les députés communistes en résistance

Les députés communistes mènent un travail exemplaire de lutte contre le gouvernement dans l’Assemblée nationale. Dès l’ouverture des débats, Pierre Dharréville a défendu une motion de rejet avec un argumentaire implacable de 15 minutes débuté ainsi :

« C’est un film. Un navet. Il coche toutes les cases à tel point qu’on ne sait par où commencer. Le scénario est poussif, la fable alambiquée, le sujet mal traité, les plans répétitifs, les dialogues faux, le metteur en scène autoritaire, la photo datée, les cadrages étroits, le casting illégal, à tel point que les acteurs quittent le plateau sans crier gare. Ce projet est monstrueux et le monstre vous échappe. Et vous avez dès maintenant la possibilité salutaire. Que dis-je ? Le pouvoir, et sans aucun doute le devoir, de mettre fin au cauchemar, à ce supplice, à cette lourde faute ! »

La motion de rejet repoussé par les serviles députés de la majorité, c’est au tour d’une motion référendaire co-déposée par les députés communistes, insoumis et socialistes d’être défendue. Le recours à la démocratie directe voulue par 67 % des Français d’après un sondage de l’IFOP pour l’Humanité a été moqué par la majorité. La porte-parole du gouvernement a menti sciemment en affirmant qu’il faudrait faire un référendum par article du texte contre toute évidence. Fabien Roussel avait pourtant livré un vibrant plaidoyer en faveur de cette motion :

« Le moment est venu de mettre fin à l’incompréhension et la colère de nos concitoyens de la meilleure façon qu’il soit en démocratie, en redonnant la parole en peuple. Seul le référendum en permettra d’en sortir par le haut. Peut-on imaginer qu’une telle réforme se fasse sans le peuple, malgré le peuple, voire plus grave encore, contre le peuple ? Nous n’avons pas le droit de jouer avec sa colère ni d’alourdir son découragement. »

La seule réponse des députés LREM a été le mépris en se gaussant que « seulement » un million de citoyens avaient donné leur signature pour un référendum contre la privatisation d’ADP, preuve selon lui que les députés demandant un référendum étaient déconnectés des attentes des Français. Dans l’outrance, il faut également souligner les insultes de Stanislas Guerini, député LREM de Paris et délégué général de la République en Marche.

« Je vous le dis avec un peu de tristesse pour l’histoire des communistes : vous n’êtes pas à la hauteur de l’histoire sociale de notre pays. Vous n’êtes pas à la hauteur de votre histoire, celle d’Ambroise Croizat, celle de Maurice Thorez, celle du Conseil national de la résistance. »

Ce qui lui a valu une réponse musclée de Fabien Roussel dénonçant l’attitude de la majorité.

Les députés LREM et leurs alliés, incapables de défendre l’action de leur gouvernement se sont réfugiés dans l’insulte la plus honteuse. Ainsi, le député Meyer Habib, connu par ailleurs pour être un porte-parole zélé du gouvernement d’extrême droite israélien a qualifié de « petites connes » plusieurs députées du parti communiste et de la France insoumise. Ce qui lui a valu une intervention cinglante de la députée communiste Marie-George Buffet.

Son collègue d’Ille-et-Vilaine Florian Bachelier s’est lui ému du « coût » pour les finances publiques des débats parlementaires !

La mobilisation sociale se poursuit

Parce que la mobilisation a débuté dans la rue et que le travail parlementaire ne saurait se substituer à la lutte sur le terrain, ce sont encore plusieurs dizaines de milliers de manifestants qui ont défilé jeudi dernier à l’appel de l’intersyndicale au cours de la dixième journée d’action. Malgré des feuilles de paie à 0 € et les vacances scolaires, les opposants à la réforme des retraites ont répondu présents en nombre. La vitalité de la mobilisation plus de deux mois après son début dément tous les pronostiquent sur son épuisement prochain.

L’intersyndicale a d’ailleurs appelé à poursuivre le mouvement à travers plusieurs dates. Une onzième journée de mobilisation interprofessionnelle a été décidée le 31 mars prochain, tandis que le 8 mars doit être l’occasion de mettre en avant la situation particulière des femmes face à cette réforme qui s’attaque à leurs droits. À l’assemblée ou dans la rue, la majorité n’en a pas fini avec ceux qui refusent la régression de leurs droits.

Par Rédaction

Collectif de rédaction d'Avant Garde